Edito

Les modalités de financement du développement de la zone Asie du sud constituent la thématique du deuxième numéro de la Lettre trimestrielle. La manière dont un pays finance son développement est en effet un indicateur rétrospectif de tensions ou de mauvaise allocation du capital, en même temps qu’un signal de tensions ou de déséquilibres à venir.

Eu égard aux structures de l’économie, les entreprises des huit pays de la zone se financent majoritairement par crédit bancaire, les marchés de capitaux jouant au mieux un rôle d’appoint dans le financement de l’économie, c’est le cas de l’Inde, du Bangladesh, du Pakistan, du Népal ou du Sri Lanka. L’Etat joue un rôle essentiel dans le financement des infrastructures, mais en raison du caractère limité de ses ressources budgétaires, les besoins de financement de l’économie dans le seul domaine des infrastructures sont très élevés, de l’ordre de 150 Mds à 230 Mds USD pour la seule économie de l’Inde, bridant ainsi le potentiel de l’économie. Faute d’une épargne suffisante, l’Asie du sud doit recourir à l’épargne du reste du monde,  processus reflété par des déficits courants structurels et par des politiques de stop and go lorsque ces déficits deviennent insoutenables. Les transferts de migrants jouent un rôle non négligeable dans les équilibres financiers des pays, par leur importance relative en pourcentage du PIB, et par la couverture du déficit commercial (Pakistan) ou courant (Népal), notamment.    

Sur le plan conjoncturel, les politiques contracycliques menées dans le cadre du Covid, notamment par de fortes baisses de taux directeurs et/ou d’injections de liquidité massives, ont permis d’assurer la stabilité du système financier en fournissant aux institutions financières les plus fragiles la liquidité nécessaire, et facilité le financement des émissions de l’Etat imposées par des déficits budgtaires exceptionnels. Ces injections de liquidité ont cependant été un facteur de recrudescence des tensions inflationnistes, notamment en Inde, appelées à se matérialiser avec le choc des matières premières dans le sillage de la guerre russo-ukrainienne. Surtout, ces injections de liquidité ont alimenté des bulles d’actifs, notamment immobiliers (Bangladesh, Nepal) et boursiers (Inde, Bangladesh) dans des pays n’offrant pas une palette diversifiée d’instruments de placements. Dans la mesure où les systèmes financiers et bancaires de nombre de pays de la zone sont fragiles, malgré des niveaux apparents de créances douteuses faibles, la fin des moratoires mis en place pendant le covid et prolongés à plusieurs reprises ainsi que le risque d’un éclatement des bulles constituent un risque pour la stabilité financière de ces pays.

Enfin, trois pays méritent une attention particulière. L’Afghanistan, dont le système bancaire est en déliquescence, compte tenu de l’absence de numéraire et du retour à une économie de troc, depuis la prise de pouvoir des Talibans en août 2021 et la fin de l’aide internationale apportée au pays depuis près de deux décennies. Le Sri Lanka, en situation de défaut depuis avril, en raison du tarissement des flux touristiques, du recul des transferts de migrants, alors que le pays s’est endetté fortement auprès des non-résidents, notamment en devises. Le Pakistan enfin, qui a eu 22 fois recours au FMI depuis 1958 pour faire face à un déficit courant structurel alimenté par un déficit budgétaire non moins structurel et dont l’ampleur a nécessité de recourir au FMI en s’engageant à mettre en place des politiques structurelles que le défaut de consensus et l’absence de majorité stable ne permettait pas d’inscrire dans le temps long.

 

Benoit GAUTHIER

Chef du service économique régional de New Delhi

benoit.gauthier@dgtresor.gouv.fr