Avec l’essor des marchés liés à la transition énergétique, les terres rares sont devenues stratégiques. Aujourd’hui, la Chine représente près de 80% de la production mondiale de terres rares et concentre la majorité des usines de traitement et de séparation. Mais, en 10 ans, et alors que de nombreux sites restent encore inexploités ou inexplorés, l’Australie s’est élevée au rang de 2e producteur mondial.

Face à une croissance attendue de la demande, le secteur minier australien cherche à accélérer la production et à développer des capacités de traitement. Il bénéficie du soutien tant du gouvernement fédéral que des Etats fédérés, avec comme objectif de positionner l’Australie au centre des chaînes de valeur mondiales.

 

1. Les terres rares : définition et usages

 

Les terres rares regroupent 17 métaux divisés en deux catégories : les terres rares dites légères, les plus abondantes, et les terres dites lourdes, les moins abondantes. Elles sont largement répandues, mais souvent difficilement exploitables, soit que les gisements sont peu accessibles, soit que leur niveau de concentration est insuffisant (les terres rares nécessitent en effet des procédés complexes de séparation et de traitement pour pouvoir être exploités), d'où leur appellation. 

 

Les terres rares sont utilisées notamment dans la fabrication de technologies de pointe pour les biens de consommation courante (puces de smartphone, écrans LCD...), l'industrie de la défense (radars et sonars) et l'économie verte (éoliennes off-shore, électrolyseurs hydrogène, LED...).

 

Les terres rares sont ainsi devenues stratégiques pour l'économie mondiale et ce d'autant qu'un nombre croissant de pays s'est engagé dans une stratégie de réduction des émissions de CO2 et dans la transition énergétique. A cet égard, avec les dernières déclarations américaines sur la transition énergétique et l'essor des technologies bas carbone, la demande en terres rares devrait fortement augmenter dans les années à venir.

 

2. D'ores et déjà 2e producteur mondial de terres rares, l'Australie dispose de plusieurs gisements en cours de développement

 

Alors que 80% du pays n'ont pas encore été prospectés, l'Australie est aujourd'hui le 6e pays en termes de réserves de terres rares (3%), derrière la Chine (38%), le Brésil, le Vietnam, la Russie et l'Inde mais devant les Etats-Unis et la Malaisie. En décembre 2018, les réserves étaient de 2,84 Mt, en augmentation de 36% par rapport à 2017. Elle est par ailleurs le 2e producteur mondial (12% de la production mondiale) loin derrière la Chine (77%) mais devant les Etats-Unis (7%). Entre 2013 et 2018, la production australienne a été multipliée par 17, passant d'un peu plus de 1000 t à 19 000 t par an. 

 

L'essentiel de la production australienne relève aujourd'hui de l'entreprise minière Lynas (1er sur le marché mondial hors Chine). La minière bénéficie, de longue date, d'un soutien financier du gouvernement japonais (JOGMEC), soucieux de diversifier ses approvisionnements en terres rares, à la suite de tensions avec la Chine en 2010. Elle exploite, depuis 2011, la mine de Mt Weld, dans le Western Australia, qui dispose d'une réserve de 1,6 million de tonnes de terres rares. Depuis 2012, Lynas détient également une raffinerie à Kuantan en Malaisie, dans laquelle sont séparés et traités les concentrés d'oxydes de terres rares produits par la mine de Mt Weld. Lynas a par ailleurs annoncé, en 2019, la construction d'une nouvelle unité de prétraitement à Kalgoorlie, dans le Western Australia, qui devrait être opérationnelle courant 2023. Les terres rares y seront semi-transformées avant d'être envoyées vers sa raffinerie en Malaisie. Pour financer cette usine de prétraitement, Lyna a lancé, en août 2020, une levée de fonds de 276M€ en Australie. Enfin, l'entreprise est financée par le gouvernement américain (ministère de la Défense) pour construire au Texas une autre usine de traitement qui pourrait produire jusqu'à 5000 tonnes de terres rares par an.

 

Outre Lynas, Iluka produit depuis avril 2020 un concentré de 20% de monazite dans sa mine de Eneabba dans le Western Australia d’une capacité de 827 kt de minerai par an) et prévoit de produire d’ici 2025 un concentré de 90% de zircon et terres rares grâce à un investissement de 22,6M€. L’entreprise détient également Wimmera dans le Victoria, un gisement d’une capacité de 10Mt de minerai par an pouvant produire 192kt/an de métaux exploitables (dont des terres rares). Ce dernier projet n’est encore qu’au stade de l’étude de préfaisabilité.

 

Dans un contexte de hausse de la demande, plusieurs entreprises minières cherchent également à exploiter des gisements de terres rares. Les principaux projets en cours sont : la mine de Browns Range, projet pilote porté par Northern Minerals, d’une capacité de 585 kt de minerai par an  (dont des terres rares lourdes) ; Dubbo, détenue par Alkane Ressources, d’une capacité de 1 Mt ; Nolans d’Arafura Ressources, d’une capacité de 13,4 kt par an ; Yangibana de Hastings Technology Metals, d’une capacité de 3,4 kt par an.

 

Leur réalisation est toutefois ralentie par des obstacles liés aux coûts – en particulier de construction d’unités de traitement et de développement des compétences-, aux risques techniques à la disponibilité des ressources en eau et à la volatilité des prix (les quotas de production et d’importation imposés par la Chine, 1er importateur et consommateur de terres rares, influent en effet sur les prix).

 

Les entreprises australiennes sont ainsi activement à la recherche d’investissements pour développer et lancer l’exploitation de leur gisement et tentent de conclure des contrats dits d’offtake (approvisionnement des utilisateurs finaux) pour attirer les investisseurs.

 

3. Le gouvernement fédéral et les Etats fédérés ont adopté des stratégies fortes en soutien de la filière avec comme objectif de créer des chaînes de valeur en Australie

 

En 2019, le gouvernement fédéral a lancé l’Australia’s critical minerals strategy qui a pour objectifs :

  • D’attirer les investissements ;
  • De soutenir l’innovation afin de réduire les coûts d’extraction et l’impact environnemental des procédés de séparation des métaux ;
  • De développer et améliorer les infrastructures. Chaque Etat fédéré a en outre adopté sa propre stratégie afin de développer la production de métaux critiques sur son territoire.

 

Par la suite, dans le cadre de la Modern Manufacturing Strategy – dotée d’une enveloppe de près d’1 Md€ - une feuille de route a été publiée, en mars 2020, pour faire de l’Australie l’un des premiers fournisseurs mondiaux de métaux critiques pour les intrants industriels et l’un des pivots des chaînes de valeur internationales.

 

Le gouvernement entend ainsi développer des capacités de traitement des métaux critiques sur le territoire australien afin de générer plus de valeur et créer une industrie nationale indépendante, notamment dans les secteurs de la défense, de l’espace et des technologies médicales, et accroître les exportations australiennes vers des pays qui cherchent à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement.

 

Pour réaliser cette ambition, le gouvernement prévoit notamment de conclure des partenariats internationaux, qui viseront à encourager les contrats offtake de long terme avec des promoteurs australiens, à créer des chaînes de valeur intégrées et développer des standards internationaux garantissant des règles du jeu équitables pour les producteurs australiens.

 

Rédacteur : Pauline Girot de Langlade, SER de Canberra