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Le paradoxe du compte courant du Kazakhstan

Depuis 2015, le compte courant du Kazakhstan est structurellement déficitaire malgré un excédent commercial important.  Le solde courant kazakhstanais semble ainsi ancré en territoire négatif indépendamment des résultats en matière de commerce extérieur.

Fig.1 Evolution trimestrielle du solde de la balance des biens et services et du solde du compte courant (M USD)

 Graphique

1/ Un secteur des hydrocarbures développé grâce aux investisseurs internationaux. Au cours des trente dernières années, le Kazakhstan a bénéficié, via des consortiums internationaux de compagnies pétrolières, de flux d’investissements directs étrangers (IDE) massifs pour développer ses gisements d’hydrocarbures, notamment ceux de Kashagan, Tengiz et Karachaganak. Les autres branches du secteur extractif kazakhstanais, notamment le secteur minier ont également bénéficié d’investissements directs étrangers pour développer leurs projets. En conséquence, sur les 152,8 Md USD du stock d’IDE entrants net au 1er juillet 2021 (en hausse de 1,4% en g.a.), 117,4 Md USD étaient destinés au secteur extractif (76,8%), dont 111,3 Md USD pour le seul secteur des hydrocarbures (72,8% de l’ensemble du stock d’IDE entrants au Kazakhstan). Les évolutions récentes confirment en outre cette tendance : en 2020, 60% des flux d’IDE entrants nets étaient destinés au secteur extractif (43% pour le seul secteur des hydrocarbures). Au cours du 1er semestre 2021, 60,4% des 1,8 Md USD de flux d’IDE entrants étaient destinés au secteur extractif (26,4% pour le seul secteur des hydrocarbures).

2/ Les revenus sortants générés par ces investissements font basculer le compte courant du Kazakhstan en territoire négatif.  Ces investissements génèrent d’importants revenus sortants pour les créanciers du Kazakhstan sous trois formes : des intérêts, des profits réinvestis et des dividendes.  Au total, ces revenus d’investissements sortants atteignaient 21,3 Md USD (11,7% du PIB) en 2019 quand l’excédent de la balance des biens et services atteignait 14,4 Md USD (8% du PIB). Dans ce contexte, malgré les bons résultats du commerce extérieur en 2019, le compte courant a tout de même été déficitaire à hauteur de 7,3 Md USD (4% du PIB).

Fig.2 Evolution annuelle de l'excédent de la balance des biens et services et des revenus d'investissements sortants (M USD)

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Paradoxalement, dans un contexte de forte baisse de l’excédent commercial en 2020 à seulement 7,2 Md USD (4,2% du PIB), la baisse des revenus d’investissements sortants à 14 Md USD (8,2% du PIB) a permis au déficit du compte courant Kazakhstanais se maintenir à un niveau proche de celui de l’année précédente, à 6,5 Md USD (3,8% du PIB). Ce paradoxe est notamment explicable par la contraction des dividendes et des réinvestissements de profits en période de baisse des bénéfices générés par les industries extractives (les flux d’intérêts étant par nature plus stables), durant les phases de baisses des cours des matières premières ou de baisse des volumes de production.

Fig.3 Evolution trimestrielle de l'excédent de la balance des biens et services et des revenus d'investissements sortants (ventilés par catégories de flux) (M USD)

 

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3/ Un effet limitant les entrées nettes de devises jusqu’à un certain niveau de prix des matières première. Ces flux de revenus d’investissements sortants ont un effet compensatoire qui réduit le solde du compte courant du Kazakhstan et donc les entrées nettes de devises dans le pays. Ces flux évoluent de manière extrêmement corrélée avec les variations de l’excédent de la balance des biens et services. Il semblerait toutefois qu’à partir d’un certain niveau d’excédent des biens et services, le compte courant kazakhstanais repasse en territoire positif. En 2014, le Kazakhstan a connu sa dernière année d’excédent du compte courant (+6,1 Md USD ou 2,8% du PIB), alors que l’excédent de la balance des biens et services atteignait 29,8 Md USD (13,5% du PIB) et les revenus d’investissements sortants 19,8 Md USD (9% du PIB). Cet excédent du compte courant a été atteint alors que le cours moyen annuel du baril de Brent atteignait près de 99 USD en moyenne sur l’année, niveau jamais revu depuis.