Le Nigéria est l’un des pays les plus vulnérables au changement climatique. Il est également l’un des premiers émetteurs de gaz à effet de serre en Afrique. Dès son discours d’investiture de 2015, le président Buhari a mis sur un pied d’égalité la lutte contre le terrorisme et la lutte contre le changement climatique. L’enjeu est de taille pour le pays qui, en 2021, peine encore à contenir l’un et l’autre. Le Nigéria a été le premier pays africain à émettre des obligations vertes, dès décembre 2017. Cette première émission a permis de lever près de 100 millions de dollars dans le secteur des énergies renouvelables.

Un impact marqué du changement climatique

Comme l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne, le Nigéria est particulièrement touché par les effets du changement climatique mondial qui se manifeste principalement par un dérèglement du rythme et de la quantité des précipitations et une hausse de la température moyenne de 1,6°C en un siècle, ce qui entraine désertification et inondations.

L’Agence météorologique nigériane (NiMet) a déclaré que chaque année, depuis 2018, est en moyenne plus chaude que l'année précédente. La variabilité annuelle moyenne des précipitations au Nigéria au cours des six dernières décennies illustre ces fluctuations interannuelles qui sont responsables d'années trop sèches ou trop humides, ainsi que d'événements climatiques extrêmes (sécheresses et des inondations) dans de nombreuses régions du pays.

L’ensemble du secteur agricole, qui repose sur une agriculture pluviale, est particulièrement vulnérable aux dérèglements engendrés, qui amplifient les conflits liés à la compétition pour l’utilisation des terres et des pâturages entre agriculteurs et éleveurs, mais aussi avec les groupes terroristes.

L’un des premiers pays émetteurs du continent, mais une faible empreinte mondiale

En 2018, le Nigéria est le quatrième émetteur de gaz à effet de serre en Afrique après l'Afrique du Sud, l’Egypte et l’Algérie, avec 127 MT produits soit 0,35% des émissions mondiales. Ramenée à la population, l'empreinte du Nigéria reste cependant très faible : 0,65 T/an/nigérian, contre 7,5 T/an/chinois et 18 T/an/américain.

Son économie est étroitement liée aux exportations de pétrole et de gaz, mais le Nigeria a paradoxalement l'un des taux de pauvreté énergétique les plus élevés au monde, une personne sur trois n’a aucun accès au réseau électrique national, ce qui conduit plus de 85% de la population à dépendre de générateurs de secours et de la combustion de charbon, bois et biomasse, sources d’énergie émettrices de particules fines polluantes.

Le charbon, dont la combustion est fortement émettrice de gaz à effet de serre, est parfois perçu comme la solution à la crise énergétique du pays. Le ministère des Mines déclare régulièrement que le gouvernement pourrait fournir 30% de l’énergie électrique en charbon. Les projets de construction de centrales thermiques alimentées au charbon n’ont pas encore vu le jour, mais le charbon est exploité pour alimenter les industries, en particulier l'industrie du ciment. C’est le cas de Dangote Cement dont l'extraction du charbon entraine de nombreuses pollutions de l'air et des eaux dans l’Etat de Kogi.

Cependant, les plus importantes émissions de gaz à effet de serre (en l’occurrence du méthane) proviennent du torchage des rejets de gaz naturel lors de l’exploitation du pétrole et du gaz naturel dans le delta du Niger. On estime que 210 millions de mètres cubes de gaz ont été brûlés au Nigeria en 2018, la septième plus grande quantité au monde, même si cette quantité a diminué de moitié depuis le début des années 2000.

Des engagements de réduction difficiles à tenir

La présence du Nigéria dans la plupart des instances internationales sur les changements climatiques n’a pour l’instant pas eu d’autre effet que celui d’annonce :

  • Dans la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Nigéria fait partie du G77+Chine, du Groupe des Négociateurs Africains, et de la Coalition for Rainforest Nations.
  • Le Nigéria a signé l'Accord de Paris en 2015 et l’a ratifié en 2017. Il s'est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20% d'ici 2030, réduction qui pourrait atteindre 45% avec un soutien international.

Le plan du Président Buhari pour lutter contre le changement climatique (Nigeria’s Nationnally Determined Contribution, 2017-2020) avec un développement économique à faible émission de carbone et à forte croissance coûterait, selon la Banque mondiale, 140 milliards de dollars. Il prévoyait de réduire les émissions en (1) accélérant le déploiement de la production d'énergie solaire, (2) améliorant l'efficacité énergétique, (3) mettant fin au torchage du gaz, objectifs qui peinent à être atteints.

Le gouvernement a réitéré ses intentions en la matière dans le plan de relance économique post Covid-19, espérant corriger l'aggravation de sa crise énergétique grâce à l'expansion rapide de l'énergie solaire et la suppression des subventions aux combustibles fossiles.

La reforestation peine à dépasser le stade des déclarations d’intention

La dépendance au bois et charbon de bois comme combustible est un facteur majeur de déforestation et de pollution atmosphérique au Nigéria, dont plus de 80% du couvert forestier a déjà été détruit. Entre 2000 et 2005, le pays a perdu 56% de sa forêt, le taux de déforestation le plus élevé au monde au cours de cette période. Le taux de forêt dite primaire dans le pays est actuellement estimé à 8%.

Or, la séquestration naturelle du dioxyde de carbone par les forêts est l’un des moyens les plus utilisés par les gouvernements et les entreprises pour améliorer leur empreinte environnementale, par la constitution de « puits de carbone ».

Ainsi, le Nigéria est engagé depuis sa création en 2007 dans la mise en œuvre de la Grande Muraille verte (GMV), dont le but était de créer un long couloir arboré de 15 km de large traversant tout le continent africain sur 7 800 km et reliant le Sénégal à Djibouti. En 2014 le pays a mis à cet effet en œuvre un plan d'action quinquennal : Great Green Wall Strategic Action Plan (GGWAP) 2016-2020 et créé la National Agency for the Great Green Wall (NAGGW), destinée à superviser l’implémentation de l’objectif du GGWAP de créer un brise-vent continu sur 1359 km de l'État de Kebbi au nord-ouest à l'État de Borno au nord-est.

En 2021, alors que moins de 1 % des objectifs fixés ont été atteints au Nigéria, un nouveau souffle est donné au projet avec le lancement de « l’Accélérateur de la GMV » 2021-2025, avec une dimension amélioration des capacités de stockage de carbone en plus de la lutte contre la dégradation des terres et des paysages.

Par ailleurs, le président Buhari a annoncé en 2019, lors d'un sommet de l'ONU sur le climat à New York, « vouloir mobiliser la jeunesse nigériane pour planter 25 millions d'arbres pour améliorer le puits de carbone du Nigeria » Il s'est également engagé à restaurer 4 millions d'hectares de forêts dans le cadre du Challenge de Bonn, un projet mondial de restauration des forêts tropicales dirigé par le gouvernement allemand et l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Une prise de conscience des jeunes générations

Les concepts de changement climatique et de réchauffement de la planète sont encore largement ignorés de la majorité de la population, la terminologie du changement climatique n’ayant par ailleurs pas de traduction standard dans les langues locales (igbo, yoruba, haoussa, etc.).

Le Nigéria est cependant l'un des pays africains où le mouvement des jeunes pour le climat est en plein essor et très actif, malgré la répression parfois violente des manifestations par les forces de police. Déjà en 2019, la militante Oladosu Adenike, initiatrice du mouvement Fridays for Future au Nigéria déclarait que «la crise climatique est déjà bien visible au Nigéria».

Invitée à la COP25 en Espagne en tant que déléguée de la jeunesse nigériane, Oladosu a prononcé un discours remarqué sur le changement climatique en Afrique et son impact sur  la vie des populations et des jeunes en particuliers, plaidant pour moins de discours et davantage d’action internationale.

L’AFD est engagée dans l’atténuation des effets du réchauffement climatique

En conformité avec les Accords de Paris, la dimension changement climatique est abordée dans tous les projets financés par l’AFD au Nigéria et plus généralement en Afrique de l’Ouest : accompagnement de la transition agroécologique, recherches sur la décarbonatation, réforme du secteur énergétique, promotion de systèmes de transport public respectueux de l’environnement et, enfin, soutien au développement de la finance verte.

Un déploiement progressif de la finance verte, notamment dans le secteur des énergies renouvelables

Suite à sa signature de l’accord de Paris pour le climat en septembre 2016, le Nigéria a été le premier pays africain à émettre des obligations vertes en décembre 2017. Cette première émission a été accueillie avec enthousiasme par la communauté d’investisseurs nigérians. Ces « Green Bonds » sont des titres à revenu fixe ayant pour objectif de financer des projets à impact environnemental faible ou nul. Ils permettent également de lever des fonds pour des initiatives visant à atténuer ou s’adapter au changement climatique. Il s’agit par exemple de programmes de fermes éoliennes et solaires hors-réseau, d’irrigation, de reforestation ou de restauration écologique. Certifiées par la Climate Bonds Initiative comme satisfaisant la norme mondiale en matière d’obligations climatiques, les obligations vertes ne sont pas imposables et ont reçu une qualification GB1 (excellente) par l’agence de notation Moody’s. 

Les Green Bonds ont permis de récolter 10,7 Mds NGN (35 MUSD) au taux de 13,48% et pour une maturité de 5 ans. Une deuxième émission d’obligations vertes a eu lieu en juin 2019 pour un total de 15 Mds NGN (48,9 MUSD environ) au taux de 14,5% et pour une maturité de 7 ans. Le nombre  de souscripteurs a doublé par rapport à la première émission, marquant l’intérêt du marché nigérian pour ce type de produits financiers.

En mars 2020 un accord a été signé entre la Banque africaine de développement (BAfD) et le Securities and Exchange Commission, le régulateur du marché financier nigérian, afin de renforcer le marché des obligations vertes. Ce partenariat a pour but de mettre en œuvre des initiatives promouvant le recours à ces instruments de financement. La BAD fournira ainsi une assistance technique et accordera des subventions à travers le Capital Markets Development Trust Fund, un fonds multi-donateurs qu’elle administre.