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Zoom :  annonces économiques du président Poutine lors de l’adresse à l’Assemblée fédérale du 21 avril

Le 21 avril 2021, le président de la Fédération de Russie a prononcé son adresse annuelle devant l’Assemblée fédérale.  Ce zoom propose une synthèse des principales annonces en matière économique.

1/Démographie et pouvoir d’achat. Dans le contexte démographique difficile que connaît la Russie (baisse de la population de plus de 500 000 habitants en 2021), le Président a réaffirmé l’objectif de développement national d’atteindre une espérance de vie de 78 ans en 2030.

S’agissant du pouvoir d’achat (qui a fortement dévissé depuis 2014, voir figure 1), la progression de l’inflation a été évoquée (elle atteint presque 6% en mars 2021), sans annonce de mesures supplémentaires par rapport aux contrôles administratifs sur les prix des biens alimentaires déjà en place. Il a par ailleurs insisté sur le rôle que doivent jouer les mécanismes de marché et l’investissement dans la maîtrise de l’inflation. Au-delà, plusieurs mesures de soutien ont été annoncées, notamment :

  • un paiement aux familles monoparentales, à compter du 1er juillet 2021, de 5 650 roubles (61 euros) pour chaque enfant âgé de 8 à 16 ans ;
  • un paiement mensuel pour les femmes enceintes en situation de précarité de 6350 roubles par mois (69 euros) ;
  • un paiement forfaitaire de 10 000 roubles (108 euros) – mi-août 2021 - aux familles pour chaque enfant scolarisé[1].

Figure 1. Revenu disponible réel des ménages: variation cumulée depuis 2014, en %

Fig-1

Ces nouvennes mesures sociales ne sont pas de nature à fortement augmenter la dépense publique: leur coût a été estimé à 400 Md RUB sur deux ans (4,3 Ms EUR) par le ministère des Finances, 270 Md RUB en 2021 et 130 Md en 2022[2]. Elles ne devraient pas conduire non plus à une hausse de l’endettement, le ministère des Finances ayant indiqué anticiper des recettes budgétaires (non pétro-gazières) supplémentaires de l’ordre de 500 Md RUB du fait de la reprise économique.    

 

2/ Emploi et investissement. Alors que le taux de chômage est actuellement de 5,4%, après un pic à 6,4% au plus fort de la crise, de nouvelles mesures visant à améliorer le marché du travail devraient être annoncées d’ici un mois. Elles viseraient en particulier les petites et moyennes entreprises, notamment via des allègements fiscaux, des prêts à taux bonifiés et des mesures de soutien aux ventes, y compris via les commandes des grandes entreprises publiques.

En matière de climat des affaires et d’investissement, ce dernier demeurant faible en Russie en comparaison avec les autres pays émergents (voir figure 2), le président Poutine a annoncé la création de sites de production en Russie serait rendue plus rentable et plus facile. D’autres mesures devraient être prochainement annoncées. La piste de la structure fiscale a été évoquée, avec en filigrane l’idée d’inciter les entreprises à réinvestir les bénéfices plutôt que distribuer des dividendes[3].

Figure 2. Ratio investissement sur PIB, en % [bleu : Russie ; orange : pays émergents et en développement]

Fig-2

 

Enfin, il a été décidé que le fonds souverain, le Fonds du bien-être national (FBEN), serait utilisé pour financer le développement des infrastructures. A cet égard, seul a été mentionné le projet d’autoroute entre Moscou et Kazan, autoroute qui sera étendue jusqu’à Ekaterinbourg d’ici à 3 ans.  Au 1er avril 2021, les encours du FBEN s’élevaient à 182,3 Md USD (11,9% du PIB), dont 114,7 Md USD d’avoirs liquides (7,5% du PIB). En vertu du Code budgétaire, les avoirs liquides du FBEN peuvent être investis dans l’économie lorsqu’ils excèdent 7% du PIB. Dans une interview récente à Reuters, le vice-ministre des Finances V. Kolychev, estimait que 1000 Md RUB (11 Md EUR) pourraient potentiellement être investis dans les 3 années à venir.

 

3/ Financement des régions.  Alors que la dette des régions a connu une nette augmentation depuis le déclenchement de la crise (voir figure 3 ci-dessous), et notamment s'agissant des emprunts de maturité courtes (de six mois à deux ans), des mesures vont être prise dans le but d’assurer la viabilité de leurs finances publiques.

Pour les régions les plus fortement endettées sur le marché, un mécanisme de refinancement de la dette commerciale via des prêts de l’Etat fédéral, dont l’échéance sera fixée en 2029, serait créé, pour la partie de la dette commerciale excédant 25% des ressources budgétaires. La maturité des prêts budgétaires accordés par l’Etat afin que les régions puissent lutter contre la pandémie sera allongée jusqu’en 2029. Enfin, une enveloppe de 500 Md RUB (5,5 Md EUR) sera allouée à des prêts aux régions, dédiés au financement des infrastructures[4]. Ces prêts seront octroyés en tenant compte du niveau actuel d’endettement des régions.

Figure 3. Endettement domestique des régions russes, en Md de RUB

Fig-3

[1] De plus, afin de faciliter et simplifier l’accès aux aides sociales, un guichet unique, accessible à distance 24/7 sera créé d’ici à 2022. Enfin, des mesures de rehaussement des indemnités pour les congés pris pour enfants malades et pour garantir les paiements des pensions alimentaires aux femmes avec enfants ont également été annoncées.

[2] Ces estimations intègrent aussi des mesures annoncées d’ampleur financière plus mineure, comme des programmes de subvention pour les colonies de vacances et de remboursement des dépenses touristiques domestiques.

[3] Pour mémoire, la Russie a initié en 2020 un cycle de renégociations des conventions de non double imposition avec plusieurs pays à fiscalité attractive, qui conduit à un rehaussement de la taxation des flux de dividendes sortants du pays.

[4] Leurs taux seront subventionnés (moins de 3 %) et leur période de remboursement sera de 15 ans.