Les Nouvelles Economiques de l'Eurasie
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Zoom de la semaine : le projet de rouble numérique de la Banque de Russie
A l’instar de plus de 50 banques centrales de par le monde[1], la Banque de Russie (BdR) a lancé en octobre 2020 une réflexion sur l’opportunité de créer une version numérique du rouble.
La monnaie de banque centrale est actuellement émise soit sous une forme physique (billets en circulation), soit sous une forme électronique (réserves des établissements de crédit à la Banque centrale). La monnaie numérique de Banque centrale (MNBC) serait une monnaie accessible à tous les agents économiques, combinant les caractéristiques de la monnaie physique (identifiant numérique unique, utilisation possible « hors-ligne ») et de la monnaie électronique (forme scripturale, utilisable « en ligne »). La MNBC remplirait toutes les fonctions de la monnaie (réserve de valeur, unité de compte et intermédiaire des échanges) et serait émise et échangeable au pair avec les autres formes de monnaie centrale.
La BdR met en avant plusieurs avantages associés à la MNBC : développement du système de paiements, baisse des coûts de transaction et inclusion financière ; stimulation de l’innovation technologique en matière de solutions de paiement et de la concurrence entre les intermédiaires financiers ; réduction des coûts de conformité pour les banques ; meilleur contrôle dans l’utilisation des fonds publics (l’Etat pourrait en effet avoir accès à la MNBC pour transférer et recevoir des fonds, effectuer des paiements etc.).
En Russie, le possible lancement d’une MNBC s’inscrit dans un contexte caractérisé par :
- un degré de progression notable dans l’utilisation des moyens de paiements électroniques (en particulier en temps réel depuis 2019) avec une part dans les transactions de détail atteignant 70% en 2020[2] et dans la digitalisation du secteur financier ;
- l’entrée en vigueur début 2021 d’une loi sur les crypto-actifs qui, notamment, prohibe de les accepter ou de les utiliser comme moyens de paiements ;
- la montée en puissance au sein de l’économie des « écosystèmes » numériques (e.g. Yandex, Sber) et l’intention affichée par la BdR de réglementer leurs activités.
La BdR a rendu public et soumis à consultation un document présentant plusieurs options pour sa MNBC. Le débat porte essentiellement autour du choix entre :
- un modèle désintermédié dans lequel les personnes physiques et les entreprises ont un accès direct à la MNBC et peuvent ouvrir un portefeuille électronique à la Banque centrale ;
- un modèle à deux niveaux où l’accès à la MNBC est intermédié par les établissements financiers.
Durant la phase de consultation, achevée fin 2020, les banques et l’industrie ont marqué sans surprise une forte préférence pour le second modèle.
Les risques en matière de stabilité financière (fuite des dépôts bancaires au profit des portefeuilles électroniques à la Banque centrale) et de transmission de la politique monétaire (hausse des taux débiteurs et créditeurs des banques) ont été mis en avant, mais considérés comme gérables par la BdR.
Celle-ci, dans sa communication s’est montrée à la fois rassurante vis-à-vis des banques et prudente sur ses intentions. Ainsi, suite à la consultation, un « concept » de rouble numérique sera élaboré et expérimenté sur une plateforme, d’ici, au plus tôt, fin 2021. Au-delà, la BdR n’a donné aucun jalon temporel pour un lancement de sa MNBC.