Éire Éco - Décembre 2020
Point mensuel sur la situation économique et financière de l'Irlande.
Macroéconomie
ESTIMATIONS DE CROISSANCE RÉELLE ANNUELLE DU PIB – (Mise à jour) Les derniers comptes trimestriels (voir infra) publiés par le Central Statistics Office (CSO), l’équivalent irlandais de l’INSEE, semblent indiquer que l’Irlande pourrait enregistrer une croissance positive cette année malgré l’impact économique de la pandémie. Plusieurs instituts dont le think-tank de référence Economic & Social Research Institute (ESRI) [1] font état de la bonne performance des exportations irlandaises ; encourageant une révision à la hausse de leurs prévisions. L’ESRI anticipe ainsi une croissance du PIB réel de +3,4% en 2020, suivie de +1,5% en cas de « no-deal » sur les relations futures entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni.
Tableau récapitulatif des prévisions de croissance
Source : SE de Dublin
[1] Le dernier rapport trimestriel de l’ESRI sera présenté plus en détails dans l’Éire Éco du mois prochain.
Comptes trimestriels – D’après la première estimation des comptes trimestriels publiés par le CSO, le PIB réel en volume a fortement rebondi avec la levée des restrictions au T3 2020, à +11,1% (en glissement trimestriel, g.t.) après -3,2% (g.t.) au T2 et -3,5% (g.t.) au T1. Ces chiffres semblent indiquer que l’Irlande pourrait enregistrer une croissance positive cette année, et non une récession estimée à ce stade à -2,4% par le Department of Finance (DoF : Ministère des finances irlandais).
Figure 1 : Taux de croissance du PIB et du PNB en Irlande
En glissement trimestriel (%)
Source : CSO
Parmi les principaux postes de la demande intérieure, la consommation des ménages a nettement progressé (+21,3%, g.t.), grâce notamment à la réouverture des commerces, et occupe une part importante de la demande intérieure finale ce trimestre (47,9%). La reprise de l’investissement (+4,4%, g.t.) et celle de la consommation publique (+0,1%, g.t.) sont, en comparaison, plus modestes. Au total, la demande intérieure modifiée*, mesure alternative corrigée de l’activité des firmes multinationales (FMN), connait un rebond de +19% (g.t.). Néanmoins, d’une année sur l’autre, l’investissement (-12,8% en glissement annuel, g.a.) et la consommation des ménages (-5,7%, g.a.) se contractent au T3 2020 par rapport au T3 2019.
Sur le plan du commerce extérieur, les exportions de biens et de services progressent au T3 2020 (+5,7%, g.t.) et enregistrent un excédent de 41,5 Mds€. Si les importations (-10,6%, g.a.) diminuent sur une base annuelle, les exportations totales (+5,5%, g.a.) mais surtout de biens (+14%, g.a.) progressent également, tirées par l’envol de la demande en produits médicaux et pharmaceutiques en temps de crise sanitaire.
D’un trimestre à l’autre, la reprise est forte pour les secteurs d’activité tournés vers le marché intérieur : la valeur ajoutée (en volume) dans la construction (+53,4%, g.t.) et dans les secteurs du commerce, des transports, de l’hébergement et de la restauration (+46,9%, g.t.) a ainsi nettement progressé cet été par rapport au recul observé au printemps. Les secteurs tournés vers le marché international tels que l’informatique (+24,9%, g.t.) ou l’industrie (+4,6%, g.t.) – elle-même dominée par le secteur pharmaceutique – continuent de progresser.
Enfin, le CSO enregistre une augmentation des sorties des profits des FMN dans les comptes (+54,3%, g.t.), contribuant à tirer le Produit National Brut (PNB) en territoire de contraction (-1,9%, g.t.).
Commentant ces chiffres, le ministre des finances irlandais, Paschal Donohoe, a rappelé que le PIB n’était pas un indicateur fiable de l’économie irlandaise compte tenu de l’importance du secteur dominé par les FMN. D’après lui, ces chiffres révèlent le double impact de la pandémie en Irlande avec, d’un côté, les exportations du secteur pharmaceutique qui ont largement bénéficié de l’envol de la demande en médicaments et produits liés au traitement de la COVID-19 et, de l’autre, la faiblesse des activités de services, à commencer par l’« hospitality » (hébergement, restauration, pubs), les arts et les spectacles, qui demeure malgré le rebond observé dans certains secteurs de l’économie domestique.
ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE – Les indices des directeurs d’achats (PMI) de l’institut Markit soulignent l’impact inégal des restrictions sanitaires selon les secteurs d’activité. Alors que les services décrochent, sans toutefois atteindre les niveaux extrêmement bas du premier confinement, l’industrie et la construction progressent au mois de novembre. Dans l’ensemble, ces indices montrent que l’activité économique est nettement plus préservée pendant la deuxième vague du virus que la première.
Note méthodologique
Les indices PMI (Purchasing Manager’s Index) pour l’Irlande sont calculés chaque mois par la société IHS Markit, sur la base de questionnaires envoyés auprès d’un panel représentatif d’environ 250 entreprises pour l’industrie et 400 entreprises pour les services.
L’indice PMI pour l’industrie (Manufacturing PMI) est une moyenne pondérée des soldes des nouvelles commandes (30%), de la production passée (25%), de l’emploi (20%), des délais de livraison des fournisseurs (15%) et des stocks d’achats (10%).
L’indice PMI pour les services (Services Business Activity Index) correspond au seul solde de l’activité commerciale passée.
Au total, l’indice PMI permet de mesurer l’évolution de l’activité d’un secteur à la lumière de l’activité observée le mois précédent. Les valeurs inférieures à 50 indiquent une contraction du secteur d’un mois à l’autre tandis que les valeurs supérieures à 50 indiquent son expansion. La valeur de 50 traduit, quant à elle, une stabilité sur un mois.
Figure 2 : Indice PMI – Industrie
Source : SE de Dublin, à partir des données fournies par AIB Ireland
L’indice PMI du secteur manufacturier irlandais progresse à nouveau en novembre 2020 (+1,9 pts à 52,2), reflet d’une amélioration quasi continue, d’un mois à l’autre, des conditions d’activité ces six derniers mois (Voir Figure 2). L’indice passe ainsi au-dessus de sa tendance de long-terme (51,8) et témoigne du maintien des activités dans le secteur de l’industrie, considéré comme « essentiel » pendant le confinement d’automne. Les cinq soldes composant l’indice se situent en territoire d’expansion (une première depuis avril 2019), y compris les nouvelles commandes et les stocks. Ce dernier présente la hausse la plus significative, probablement en raison de l’impact imminent de la fin de période de transition du Brexit. L’indice PMI dans l’industrie pour l’Irlande s’établit à un niveau inférieur à celui de la zone euro (53,8). Enfin, le niveau de confiance des entreprises interrogées sur les perspectives des douze mois à venir est à son plus haut depuis le début de l’année, sur fond d’espoirs que des vaccins contre le virus soient mis à disposition prochainement.
Figure 3 : Indice PMI – Services
Source : SE de Dublin, à partir des données fournies par AIB Ireland
L’indice PMI dans les services demeure en-dessous de la barre symbolique des 50 (-2,9 pts à 45,4) au mois de novembre 2020, indiquant à nouveau un recul de l’activité par rapport au mois précédent. Cette dégradation est moins soutenue que celle connue dans la zone euro (-5,2 pts à 41,7), reflet de la recrudescence de l’épidémie qui, partout, freine la reprise du secteur tertiaire (Voir Figure 3). Cette dégradation n’a toutefois rien de comparable à l’effondrement qu’avait observé l’indice lors du premier confinement au printemps : trois des quatre sous-secteurs interrogés pour la constitution de l’indice enregistrent une expansion des nouvelles affaires. À l’instar du PMI dans l’industrie, les entreprises interrogées sont davantage optimistes sur les perspectives des douze mois à venir, en raison principalement des avancées liées aux vaccins contre la Covid-19.
L’indice PMI dans la construction, calculé par Ulster Bank, progresse pour le quatrième mois consécutif, et à un rythme soutenu, en novembre 2020 (+4,9 pts à 53,5) pour s’établir en territoire d’expansion. Considérés comme « essentiels » par le gouvernement, les chantiers du BTP sont restés ouverts malgré le niveau d’alerte maximale dans lequel était placé le pays. Au total, l’indice observe sa plus forte progression depuis août 2019.
CHÔMAGE – Le taux de chômage corrigé des variations saisonnières (cvs) en Irlande augmente au mois de novembre 2020 par rapport au mois précédent (+0,3 points de pourcentage ou pp) et s’élève à 7,5% de la population active (186 900 chômeurs en novembre contre 180 000 en octobre). Pour mémoire, il s’élevait à 4,8% en février dernier.
Figure 4 : Évolution du chômage en Irlande
En milliers de chômeurs et en pourcentage de la population active
Source : SE de Dublin, à partir des données fournies par le CSO Ireland
Sur une base annuelle, il progresse néanmoins de +2,8 pp, soit +71 900 chômeurs (Voir Figure 4). Ce chiffre, calculé en application des normes européennes et internationales, ne reflète pas les nombreux bénéficiaires des allocations versées au titre des dispositifs spéciaux liés à la pandémie, ces personnes ne remplissant pas les critères arrêtés par l’Organisation Internationale du Travail. Le CSO a évalué le taux de chômage si l’ensemble des bénéficiaires de l’allocation spécifique mise en place en réponse à la crise sanitaire (Pandemic Unemployment Payment ou PUP) au sein des chômeurs était pris en compte. Comme attendu, le COVID-19 Adjusted Measure of Unemployment a continué de progresser en raison de la fermeture des commerces « non essentiels », pour s’établir à 21% au mois de novembre, contre 20,2% au mois d’octobre (+0,8 pp).
Enfin, le taux de chômage des jeunes (mesure standard) s’élève à 20,2% en novembre 2020. La mesure alternative tenant compte des bénéficiaires des indemnités liées à la crise sanitaire dépeint une situation plus inquiétante, affichant un taux maximum de chômage des jeunes de 47,3%.
IMMOBILIER – D’après l’agence de notation financière Fitch Rating, les prix de l’immobilier pourraient continuer à chuter ces deux prochaines années, entre -2% et -4% par an, sous l’effet conjugué de la pandémie et d’un « no-deal » sur les relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.
D’après le dernier rapport sur le logement publié par la Banking & Payments Federation Ireland (BPFI), la pandémie a entraîné une baisse significative des logements mis en chantier (-36%) ou livrés (-10%) au T3 2020 par rapport au T3 2019. Par conséquent, l’offre de logements est peu susceptible de répondre à la demande sur le marché avant la fin de l’année 2023, avec seulement 20 000 logements neufs disponibles en 2020 contre les 35 000 estimés nécessaires par an. À l’inverse, le montant record de prêts immobiliers approuvés au mois d’octobre 2020 (voir infra) laisse suggérer que la demande résiste mieux à la crise sanitaire que l’offre. Cela tient à l’aide abondante mise en place par le gouvernement en faveur des revenus des ménages qui s’accompagne d’une hausse de l’épargne irlandaise. Selon une enquête initiée par MyHome.ie, 70% des futurs acheteurs de biens immobiliers prévoient effectivement de devenir propriétaires en 2021.
INFLATION – Les prix à la consommation (Consumer Price Index ou CPI) chutent pour le huitième mois consécutif au rythme soutenu de -1,1% (g.a.) en novembre 2020 par rapport à novembre 2019 (Voir Figure 5), tirés par la baisse des prix des articles d’habillement et des chaussures (-7,9%, g.a.), des meubles, équipements ménagers et articles d’entretien courant de la maison (-3,7%, g.a.) ou encore des transports (-3%, g.a.). Les prix progressent toutefois, d’un mois à l’autre, pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire : +0,3% (g.m.) en novembre 2020 par rapport au mois précédent.
L’indice des prix à la consommation harmonisé (Harmonised Index of Consumer Prices ou HICP) suit la même tendance en novembre 2020 : -1% (g.a.) et +0,3% (g.m.).
Figure 5 : Évolution mensuelle des prix à la consommation en Irlande
Variation annuelle en pourcentage (%)
Source : CSO Ireland
Cette déflation – la plus importante depuis dix ans – fait écho au contexte actuel. La pandémie et les restrictions contraignent la demande, le trafic aérien et tirent le cours des produits énergétiques ainsi que les prix immobiliers vers le bas. À noter également l’impact des mesures fiscales pour relancer l’économie : le gouvernement irlandais a, en effet, réduit le taux standard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 23 à 21% pendant six mois à compter du 1er septembre 2020.
VENTES DE DÉTAIL – Les ventes de détail (en volume et cvs) tous secteurs confondus ont diminué de -0,7% (g.m.) en octobre 2020 par rapport au mois précédent. Elles baissent de -0,2% (g.m.) si l’on exclut les ventes de voitures.
Dans l’ensemble, les ventes de détail ont retrouvé leur niveau d’avant-crise : +10,6% en octobre 2020 par rapport à février dernier ou encore +8,1% (g.a.) par rapport à octobre 2019. La reprise demeure toutefois inégale selon les secteurs. D’après le CSO, les ventes de boissons dans les bars (-75%, g.a.), de carburant (-21%, g.a.) ou encore de livres, journaux et papeterie (-10%, g.a.) demeuraient inférieures à leur niveau atteint l’année précédente.
Selon un sondage réalisé par Retail Excellence, 90% des détaillants ont enregistré des ventes en ligne supérieures ou égales à leurs attentes pour le mois de novembre 2020. Néanmoins, celles-ci ne permettront pas de compenser les pertes subies pendant le confinement ; les commerces étant considérés comme « non essentiels » et ayant dû fermer leurs locaux pendant six semaines. Au total, les ventes en ligne réalisées en novembre pourraient représenter entre 20% et 25% des ventes totales habituellement observées ce mois-là.
CONFIANCE DES CONSOMMATEURS – Le niveau de confiance exprimé par les consommateurs irlandais et mesuré par le Consumer Sentiment Index, un indice créé et mis à jour par la banque KBC et l’ESRI, rebondit à nouveau au mois de décembre 2020. L’indice s’établit à 74,6 ce mois-ci contre 65,5 au mois de novembre, soit une hausse de +9,1 pts et un nouveau record depuis le début de la crise sanitaire. Il confirme le regain d’optimisme observé le mois précédent à l’approche des fêtes de fin d’année et est encouragé par plusieurs facteurs, tels que la tendance à la baisse des nouveaux cas de Covid-19, la levée des restrictions sanitaires ainsi que les avancées liées aux vaccins. Si l’indice demeure inférieur au niveau avec lequel l’année 2020 avait démarré en janvier dernier (85,5), celui-ci reste encourageant compte tenu des difficultés rencontrées depuis le mois de mars. D’après la banque KBC, les consommateurs irlandais estiment que « le pire de la pandémie est maintenant derrière eux » ; ce qui devrait se traduire par une période de noël « solide mais peu spectaculaire » en termes de dépenses de consommation.
COMMERCE EXTÉRIEUR – Selon les chiffres préliminaires publiés par le CSO, la valeur des exportations de marchandises (cvs) diminue à nouveau au mois d’octobre 2020, pour s’établir à 12,2 Mds€ (-1,2 Mds€ ou -9%, g.m.) par rapport au mois de septembre. À l’inverse, la valeur des importations de biens progresse (+484 M€ ou +8%, g.m.) pour atteindre 6,7 Mds€. Au total, l’Irlande affiche un excédent commercial de 5,5 Mds€, en baisse de -23% (g.m.) ou -1,7 Mds€ par rapport au mois précédent.
Le CSO révèle, par ailleurs, que la valeur des exportations de biens pour la période janvier-octobre 2020 s’élève à 134 Mds€, soit une augmentation de +6,4 Mds€ ou +5% par rapport à la période correspondante en 2019. Cette croissance des exportations résulte d’une hausse de la demande en temps de crise sanitaire, d’une part, de produits médicaux et pharmaceutiques (38% de la valeur totale des exportations à cette période de l’année) dont la valeur pour la période janvier-octobre 2020 a augmenté de +19,5% par rapport à janvier-octobre 2019 et, d’autre part, des produits chimiques organiques (20% de la valeur totale des exportations à cette période de l’année) dont la valeur a crû de +6,8% sur la même période.
Le chiffre du mois
229
Tous les États membres de l’UE contribuent au budget de l'UE et en bénéficient en retour, mais dans des proportions différentes. En 2019, l’Irlande figurait parmi les pays "contributeurs nets", ayant versé 229 M€ (soit 0,08% de son GNI*) de plus au budget européen qu'elle n'en recevait. Mais l’Irlande est longtemps restée du côté des « bénéficiaires nets », grâce aux fonds structurels et fonds de cohésion qui lui ont permis d’atteindre les standards européens, passant d’un des pays les plus pauvres d’Europe de l’Ouest à la fin des années 1980 à celui dont l’essor économique illustrait parfaitement le principe de convergence au tournant des années 2000.
Finances publiques
EXCHEQUER – Les recettes fiscales totales cumulées du 1er janvier au 30 novembre 2020 connaissent une baisse de -6,9% (-3,7 Mds€) par rapport à la période correspondante en 2019, pour s’établir à 51,1 Mds€. Reflétant la baisse de la consommation sous l’effet des mesures de confinement liées à la pandémie de Covid-19, les recettes cumulées pour la TVA et les droits d'accise se contractent respectivement de -17,7% (-2,6 Mds€) et -10,2% (-543 M€) par rapport à la même période l’année dernière. Les recettes cumulées de l'impôt sur le revenu – plutôt résilientes face à la crise jusqu’à présent – diminuent, quant à elles, de -7,5% (-1,6 Mds€). Cette baisse est, en partie, le résultat d’une sous-performance de cet impôt pour le mois de novembre qui est généralement le plus important ; les travailleurs indépendants ayant bénéficié d’un report du paiement de leur impôt sur le revenu au 10 décembre cette année (au lieu du 12 novembre).
Figure 6 : Recettes fiscales totales cumulées du 1er janvier au 31 octobre en 2019-2020
En milliards d’euros (Mds €)
Source : PBO
À l’inverse, les recettes cumulées de l’impôt sur les sociétés (IS), tirées par les FMN progressent de +7,1% (+708 M€). Toutefois, cette dynamique à la hausse observée pour les recettes de l’IS ne se retrouve ni dans les chiffres du mois d’octobre ni dans celui de novembre. À noter, enfin, que le plein impact du confinement d’automne n’apparaîtra que dans les recettes des mois de décembre 2020 et janvier 2021.
D’après le Parliament Budget Office (PBO), malgré tout, les recettes fiscales totales devraient être plus élevées que prévu initialement par le DoF dans son programme de stabilité au printemps dernier – de l’ordre de +14,4% en 2020 et +11,4% en 2021 – grâce à la résilience de l’impôt sur le revenu tout au long de la crise et à la surperformance de l’IS (Voir Figure 6).
Les dépenses du gouvernement central à cette période de l’année dépassent les plafonds inscrits dans le Budget 2020 en raison des mesures prises pour faire face à la pandémie, essentiellement en matière de santé et de protection sociale. Les dépenses brutes se sont établies à 73,5 Mds€ pour la période allant du 1er janvier au 30 novembre 2020, soit +16,4% au-dessus des limites budgétaires et en augmentation de +23,1% par rapport à la fin novembre 2019.
Le DoF prévoit un déficit budgétaire – le plus élevé depuis 2011 – de -21,6 Mds€ en 2020, soit -6,2% du PIB ou -10,7% du GNI*, mesure alternative au PIB corrigée de l’activité des FMN.
L’Irish Fiscal Advisory Council (Ifac), l’équivalent irlandais du Haut Conseil des Finances Publiques, estime que les restrictions sanitaires visant à contenir la propagation du virus cet automne pourraient creuser le déficit public à hauteur d’1,6 Mds€ supplémentaires (soit 0,5% du PIB) en 2020.
BUDGET 2021 – L’Ifac a récemment publié son rapport semestriel évaluant la position des finances publiques irlandaises et analysant plus en détails le contenu du budget présenté par le gouvernement plus tôt cet automne. Dans son rapport, le conseil budgétaire envoie un message d’alerte sur une augmentation « substantielle » (+5,4 Mds€) des dépenses courantes sans lien avec la pandémie et qui pourrait, en l’absence de financement sur une base durable, nécessiter un effort d’ajustement budgétaire à moyen terme sans toutefois impliquer une politique d’austérité post-crise comme cela avait été le cas après la crise financière de 2008.
Secteur financier et assurances
ÉPARGNE DES MÉNAGES – Le montant des dépôts des ménages irlandais auprès d'établissements bancaires continue d’augmenter avec le confinement de cet automne et la baisse des dépenses subséquente. Au total, l’encours des dépôts des ménages s’établit à 122,9 Mds€ en octobre 2020 par rapport à 121,1 Mds€ en septembre (+1,4%, g.m.) ou 112 Mds€ en février, soit une hausse de +10,8 Mds€ (+9,6%) depuis le début de la crise sanitaire. Il continue également de croître à un rythme soutenu d’une année sur l’autre : +11,4% en octobre 2020 par rapport à octobre 2019, soit le taux de croissance annuel le plus important depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2007.
Figure 7 : Taux d’épargne des ménages et leurs composants
Variation en pourcentage (%)
T2 2020 vs T1 2020
Source : Eurostat
D’après les données publiées par Eurostat, l’Office statistique de l’UE, le taux d’épargne des ménages (épargne divisée par le revenu disponible) a augmenté de +18,1 pp en Irlande contre +8,0 pp dans la zone euro au T2 2020 par rapport au T1 2020. Cette hausse du taux d’épargne en Irlande est la plus élevée de l’UE, soutenue par une baisse plus prononcée qu’ailleurs des dépenses de consommation et, a contrario, d’un revenu disponible stable sinon en progression marginale (Voir Figure 7).
PRÊTS AUX PMEs – En Irlande, les prêts garantis par l’État au titre de la Covid-19 Credit Guarantee Scheme (2 Mds€) ont été introduits relativement tard (à la fin de l’été) dans le contexte de la crise sanitaire. Ce programme de financement garantit 80% des prêts à terme, ces derniers pour un montant entre 10 000€ et 1 M€, contractés par les PMEs auprès des banques AIB, Bank of Ireland ou Ulster Bank, et pour une durée maximale de 7 ans. Toutefois, la valeur totale des prêts accordés dans le cadre de ce dispositif n’était que de 74 M€ (1 516 entreprises) d’après les derniers chiffres publiés par le gouvernement, le 11 décembre. La valeur totale des demandes déposées auprès des banques s’élevait, quant à elle, à 173 M€ (2 821 entreprises). Pour encourager son utilisation, le gouvernement a prolongé la durée du fonds jusqu’à la fin du mois de juin prochain (au lieu de décembre cette année) et pourrait élargir le nombre d’institutions participatives.
De son côté, la Banque Centrale d’Irlande (BCI) continue d’encourager les banques à prêter davantage au cours de l’année à venir, signalant qu’un accès insuffisant des entreprises au crédit bancaire pourrait aggraver le ralentissement économique résultant de la pandémie. Cet avertissement s’accompagne de données indiquant que le montant des prêts accordés aux entreprises dans les secteurs du commerce de gros, de détail et de l’hébergement s’est contracté de près de -60% au T2 2020 par rapport au T2 2019. Dans son rapport semestriel sur la stabilité financière en Irlande, la BCI a ainsi annoncé son intention de maintenir le taux de coussin de fonds propres contra-cyclique à 0% l’année prochaine : une décision qui, en pratique, permet de réduire ses exigences en fonds propres pour que les banques puissent davantage soutenir leurs clients en difficulté sur une période donnée.
PRÊTS HYPOTHÉCAIRES – Selon les données publiées par la BPFI, le montant total en valeur des prêts hypothécaires accordés a connu une progression de +11,8% (g.m.) ou +22,9% (g.a.) en octobre 2020, pour s’établir à 1,25 Mds€ – soit le montant le plus élevé jamais atteint sur une base mensuelle depuis la création de la série de données en 2011. Près de 60% de l’encours total (soit 744 M€) ont été approuvés pour des primo-accédant. L’encours total des prêts immobiliers accordés à cette période de l’année est toutefois en baisse de -14% par rapport à la période correspondante en 2019.
FINANCE DURABLE – La BPFI a annoncé le mois dernier qu’elle adhérait aux Principes pour une Banque Responsable du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. En application de ces derniers, le secteur bancaire irlandais, au sens large, s’engage à aligner ses activités sur les objectifs de l’Accord de Paris ainsi que les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies.
À l’occasion de la troisième édition de la Irish Climate Finance Week, la banque AIB a mis en avant son objectif de conclure des prêts verts avec 70 % de ses nouveaux clients d’ici à 2030, en ce compris des prêts destinés à améliorer la performance énergétique d’un logement, à acquérir un véhicule électrique ou à financer un projet lié aux énergies renouvelables, par exemple. En 2020, AIB a lancé un fonds de 300 M€ destiné à fournir 2 000 logements sociaux à faible consommation d’énergie et prêté 245 M€ d’éco-prêts à taux réduits pour aider ses clients à acheter des logements éco-énergétiques. D’après The Irish Times, AIB serait la première banque irlandaise à avoir investi le marché des émissions vertes. Elle a récemment levé 1 milliard d’euros de capital pour soutenir son portefeuille de prêts verts égal à 1,7 Mds€. Enfin, la banque a déclaré qu’elle avait réduit ses émissions de gaz à effet de serre de -40% depuis 2014.
ASSURANCES – Sur la base des données publiées par la National Claims Information Database (NCID), la plateforme HelloSafe estime que les compagnies d’assurance automobile pourraient économiser jusqu’à 287 M€ sous l’effet de la crise sanitaire et de la réduction des réclamations en vertu de l’assurance auto (-35% en 2020 par rapport à 2019). Les nouvelles habitudes de déplacement s’accompagnent d’une réduction des risques auxquels sont exposés les automobilistes et représentent ainsi un coût moindre pour les assureurs, pouvant dès lors conduire à une réduction de la prime d’assurance auto.
Entreprises
COVID-19 – Les réactions des entreprises au plan de réouverture de l’économie, marquant la fin du confinement d’automne, sont mitigées. Les propriétaires de pubs se sont dits extrêmement déçus par la décision du gouvernement de ne pas autoriser la réouverture des lieux ne fournissant pas de services de restauration. Les hôteliers ont, par ailleurs, déclaré que les restrictions sur les déplacements entre comtés jusqu’au 18 décembre maintenaient leurs activités en difficulté. Retail Excellence a accueilli favorablement la réouverture des commerces dès la levée du confinement et insiste sur la nécessité de les maintenir ouverts par la suite, et ce malgré le fait qu’ils soient considérés comme « non essentiels ».
BREXIT – En l’absence d’accord sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni, il est estimé qu’environ 1,4 Mds€ de droits de douane pourraient être prélevés sur les denrées alimentaires irlandaises, dont plus de 700 M€ sur la viande bovine. Dans cette hypothèse, le gouvernement pourrait alors lancer des mécanismes spéciaux de soutien tarifaire pour compenser l’impact des droits de douane et réintroduire certaines mesures mises en place pendant la crise sanitaire afin que les entreprises exportatrices de produits alimentaires puissent continuer à vendre leurs produits sur le marché britannique.
Evolution des indicateurs macroéconomiques
Tableau mensuel
Tableau annuel