Point mensuel sur la situation économique et financière de l'Irlande.

Macroéconomie

ESTIMATIONS DE CROISSANCE RÉELLE ANNUELLE DU PIB – (Mise à jour) La crise économique résultant de la pandémie de coronavirus se traduit par l’entrée en récession de l’économie irlandaise. Selon les sources et les analyses, cette récession pourrait être comprise entre -3,9% et -0,4% en 2020 [1]. Un rebond de l’activité économique est attendu l’année prochaine avec des prévisions de croissance allant de +1,7% à +4,9%.

Tableau récapitulatif des prévisions de croissance
Source : SE de Dublin

Tableau des prévisions de croissance

[1] Les prévisions indiquées sont récentes mais susceptibles d’être mises à jour pour tenir compte de l’évolution incertaine du virus en Irlande.  

Prévisions d’automne de la Commission européenne – Les dernières estimations de l’institution européenne rejoignent le constat dominant que l’économie irlandaise subit inégalement l’impact de la crise sanitaire. En effet, la Commission souligne, d’une part, le rôle joué par les firmes multinationales via les exportations dans la révision à la hausse des chiffres de la croissance économique cette année, qui ressort désormais à -2,3%, soit +6,2 points de pourcentage (pp) par rapport à ses prévisions d’été (-8,5%). D’autre part, elle attire l’attention sur le fait que l’économie domestique semble bien plus à la peine : la demande intérieure modifiée* (mesure alternative corrigée de l’activité des multinationales), la consommation des ménages et l’investissement pourraient cette année reculer de respectivement -6,5%, -8% et -41%. La chute de ces derniers entrainerait le déclin des importations (-14%) tandis que les exportations feraient preuve de résilience face à la pandémie (+0,7%). La Commission alerte toutefois sur les risques posés par l’absence d’accord sur les relations futures entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit, qui pourrait dégrader le commerce extérieur et la reprise économique de l’Irlande à la fin de la période de transition. 

Figure 1 : Irlande, Croissance du PIB réel, composantes et écart de production
Source : Commission européenne

Figure 1

La Figure 1 donne à voir les éléments mentionnés plus haut. La relative performance des exportations contribue nettement à la croissance du PIB réel en 2020, suivie par la consommation des administrations publiques qui devrait augmenter de +13%. À l’inverse, la consommation des ménages et l’investissement sont en berne. Un autre fait marquant : l’économie irlandaise est passée d’un écart de production positif (1,3% en 2019) avec un PIB supérieur au potentiel de long terme (risques de surchauffe) à un écart négatif (-3%) avec un PIB inférieur au potentiel (sous-régime).

Enfin, la Commission rappelle l’ampleur des mesures de soutien aux revenus des ménages et des entreprises décidées par le gouvernement dès le début de la crise sanitaire. Celles-ci auraient atténué l’impact du choc de la crise sanitaire sur le marché du travail de façon non négligeable, et ce malgré la chute du nombre d’heures travaillées.

En 2021, la croissance économique pourrait rebondir à +2,9%.

ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE – Dans l’ensemble, le rebond d’activité observé cet été laisse place à un ralentissement généralisé de la reprise économique. L’indice PMI progresse très légèrement dans l’industrie au mois d’octobre mais se dégrade à nouveau dans les services et la construction. La deuxième vague de COVID-19, les restrictions subséquentes, ainsi que l’échéance de la fin de période de transition dans le cadre du Brexit rendent le contexte très incertain pour les entreprises.

Note méthodologique

Les indices PMI (Purchasing Manager’s Index) pour l’Irlande sont calculés chaque mois par la société IHS Markit, sur la base de questionnaires envoyés auprès d’un panel représentatif d’environ 250 entreprises pour l’industrie et 400 entreprises pour les services.

L’indice PMI pour l’industrie (Manufacturing PMI) est une moyenne pondérée des soldes des nouvelles commandes (30%), de la production passée (25%), de l’emploi (20%), des délais de livraison des fournisseurs (15%) et des stocks d’achats (10%).

L’indice PMI pour les services (Services Business Activity Index) correspond au seul solde de l’activité commerciale passée.

Au total, l’indice PMI permet de mesurer l’évolution de l’activité d’un secteur à la lumière de l’activité observée le mois précédent. Les valeurs inférieures à 50 indiquent une contraction du secteur d’un mois à l’autre tandis que les valeurs supérieures à 50 indiquent son expansion. La valeur de 50 traduit, quant à elle, une stabilité sur un mois.

Figure 2 : Indice PMI – Industrie
Source : SE de Dublin, à partir des données fournies par AIB Ireland

Figure 2

L’indice PMI du secteur manufacturier irlandais progresse légèrement en octobre 2020 (+0,3 pts à 50,3), reflet d’une amélioration marginale des conditions d’activité par rapport au mois de septembre (Voir Figure 2). L’écart demeure net avec le mois de juillet où l’indice culminait à 57,3. Cette légère hausse du PMI dans l’industrie masque toutefois des tendances contrastées. En effet, le solde relatif à l’emploi progresse pour la première fois en trois mois – et pour la troisième fois seulement cette année – tandis que le solde de la production passée se stabilise, tous deux contribuant positivement à la hausse de l’indice. À contrario, les soldes des délais de livraison, des stocks et des nouvelles commandes ont tous décliné (pour le deuxième mois consécutif concernant ces dernières). Les entreprises continuent de minimiser leurs niveaux de stocks en raison de l’affaiblissement de la demande, lui-même dû aux nouvelles mesures de confinement strictes mises en place pour une durée de six semaines à compter du 22 octobre. L’indice PMI dans l’industrie pour l’Irlande s’établit à un niveau inférieur à celui de la zone euro (54,8) et le niveau de confiance des entreprises interrogées sur les perspectives des douze mois à venir continue de se dégrader par rapport au regain d’optimisme qui avait été observé au mois de juin dernier.

Figure 3 : Indice PMI – Services
Source : SE de Dublin, à partir des données fournies par AIB Ireland

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Description générée automatiquementL’indice PMI dans les services demeure en-dessous de la barre symbolique des 50 (+2,5 pts à 48,3) au mois d’octobre 2020, indiquant à nouveau un recul de l’activité par rapport au mois précédent mais à un rythme plus mesuré. Cette dégradation de l’indice est commune à la zone euro (46,9) en raison de la deuxième vague de COVID-19 qui freine la reprise du secteur tertiaire (Voir Figure 3). Pour rappel, l’activité dans les services avait progressé modestement cet été en Irlande, passant au-dessus de la barre symbolique des 50 mais toujours en net recul par rapport à son niveau d’avant-crise. À l’instar du PMI dans l’industrie, l’enquête pour la constitution du PMI dans les services révèle des tendances contrastées entre les sous-secteurs sondés. Les secteurs du tourisme, des transports et des activités de loisirs enregistrent ainsi le rythme de contraction le plus sévère, alors que le secteur des services aux entreprises enregistre une forte croissance et la troisième en quatre mois. Bien qu’optimistes, les perspectives pour les douze mois à venir continuent de se dégrader et atteignent leur niveau le plus faible de ces cinq derniers mois.

L’indice PMI dans la construction calculé par Ulster Bank progresse pour le troisième mois consécutif en octobre 2020 (+1,6 pts à 48,6), mais demeure en territoire de contraction après le fort rebond du secteur observé avec la levée des restrictions en juin (+32 pts à 51,9) confirmé en juillet (=+1,3 pts à 53,2). L’indice reflète l’impact des restrictions qui s’accompagnent notamment de perturbations dans les chaînes d’approvisionnement du secteur. Désormais considérés comme « essentiels » par le gouvernement, les chantiers de construction restent ouverts malgré le niveau d’alerte maximale dans lequel est placé le pays. C’est pourquoi l’activité dans ce secteur devrait tendre à la stabilisation le mois prochain et non chuter dramatiquement comme cela avait été le cas lors du premier confinement.

CHÔMAGE – La publication des derniers chiffres trimestriels du chômage par le Central Statistics Office (CSO), l’équivalent irlandais de l’INSEE, a conduit l’institut à réviser ses chiffres à la hausse pour le troisième trimestre. En tenant compte de cette révision, le taux de chômage corrigé des variations saisonnières (cvs) en Irlande reste ainsi inchangé au mois d’octobre 2020 par rapport au mois précédent et s’élève à 7,3% de la population active (180 500 chômeurs en octobre contre 180 400 en septembre). Sur une base annuelle, il progresse néanmoins de +2,6 pp, soit +66 300 chômeurs (Voir Figure 4). Ce chiffre, calculé en application des normes européennes et internationales, ne reflète pas les nombreux bénéficiaires des allocations versées au titre des dispositifs spéciaux liés à la pandémie, ces personnes ne remplissant pas les critères arrêtés par l’Organisation Internationale du Travail.

Figure 4 : Évolution du chômage en Irlande
En milliers de chômeurs et en pourcentage de la population active
Source : SE de Dublin, à partir des données fournies par le CSO Ireland

Figure 4

Le CSO a évalué le taux de chômage si l’ensemble des bénéficiaires de l’allocation spécifique mise en place en réponse à la crise sanitaire (Pandemic Unemployment Payment ou PUP) au sein des chômeurs était pris en compte. Le COVID-19 Adjusted Measure of Unemployment serait alors au maximum de 20,2% pour le mois d’octobre, contre 15,9% au mois de septembre (+4,3 pp). Ce chiffre reflète l’impact du second confinement depuis mi-octobre, qui a forcé les commerces « non essentiels » à fermer leurs portes. Il devrait continuer à progresser en novembre compte tenu de la hausse croissante du nombre de bénéficiaires ce mois-ci, passant de 295 860, le 26 octobre 2020, à 350 078, le 23 novembre 2020 (+18%).

Enfin, le taux de chômage des jeunes (mesure standard) s’élève à 19% en octobre 2020. La mesure alternative tenant compte des bénéficiaires des indemnités liées à la crise sanitaire dépeint une situation plus inquiétante, affichant un taux maximum de chômage des jeunes de 45,3%.

IMMOBILIER – Selon les variations exprimées en glissement mensuel (g.m.), les prix de l’immobilier résidentiel (maisons et appartements) ont enregistré une hausse au mois de septembre 2020 (+0,2%, g.m.). À Dublin, les prix remontent pour le deuxième mois consécutif (+0,1%, g.m.) après avoir baissé tous les mois au deuxième trimestre.  

Figure 5 : Évolution des prix de l'immobilier résidentiel en Irlande
Variation annuelle en pourcentage
Source : CSO

Figure 5

 Les variations exprimées en glissement annuel (g.a.) indiquent que les prix de l’immobilier résidentiel diminuent à nouveau au mois de septembre 2020 (-0,8%) à l’échelle nationale, poursuivant une tendance à la baisse observée depuis le mois de juillet (Voir Figure 5). Pour rappel, il s’agit d’une première depuis mai 2013 ; date à partir de laquelle les prix avaient constamment augmenté en Irlande. Sur l’ensemble du territoire hors Dublin, la croissance des prix immobiliers se maintient en septembre 2020 (+0,1%, g.a.) mais reste marginale en comparaison du rythme de croissance des prix en septembre 2019 (+3,4%, g.a.). Dans la capitale irlandaise, les prix enregistrent à nouveau une baisse significative pour le cinquième mois consécutif (-1,8%, g.a.). Dans l’ensemble, l’indice des prix de l’immobilier enregistre une baisse de -17,6% en septembre 2020 par rapport à son plus haut niveau atteint en avril 2007.

D’après le CSO, les ventes de logements aux ménages ont augmenté en septembre 2020 par rapport au mois précédent (+35,4%, g.m.) avec 3 193 ventes de logements signalées auprès de l’autorité fiscale irlandaise (Revenue) contre 2 359 en août 2020. Ces transactions demeurent toutefois en net recul d’une année sur l’autre (-22,2%, g.a.), reflet du ralentissement de l’activité sur le marché immobilier sous l’effet de la crise sanitaire.

INFLATION – Les prix à la consommation (Consumer Price Index ou CPI) chutent pour le septième mois consécutif au rythme soutenu de -1,5% en octobre 2020 par rapport à octobre 2019 (Voir Figure 6), tirés par la baisse des prix des communications (-8%, g.a.), des articles d’habillement et des chaussures (-4,5%, g.a.) ou encore des transports (-4,5%, g.a.). Les prix baissent également d’un mois à l’autre : -0,6% en octobre 2020 par rapport au mois précédent.

L’indice des prix à la consommation harmonisé (Harmonised Index of Consumer Prices ou HICP) suit la même tendance en octobre 2020 : -1,5% (g.a.) et -0,6% (g.m.).

Figure 6

Figure 6 : Évolution mensuelle des prix à la consommation en glissement annuel en Irlande - Variation annuelle en pourcentage (%)
Source : CSO Ireland

Cette déflation – la plus importante depuis dix ans – fait écho au contexte actuel. La pandémie et les restrictions contraignent la demande, le trafic aérien et tirent le cours des produits énergétiques ainsi que les prix immobiliers vers le bas. À noter également l’impact des mesures fiscales pour relancer l’économie : le gouvernement irlandais a, en effet, réduit le taux standard de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 23 à 21% pendant six mois à compter du 1er septembre 2020.

SALAIRES – Selon les chiffres préliminaires du CSO, le salaire hebdomadaire moyen s’établit à 797,83€ tous secteurs confondus, en hausse de +3,7% au T3 2020 par rapport au T3 2019. Le salaire horaire moyen suit la même tendance : il s’établit à 24,90€ au T3 2020, en augmentation de +3,8% par rapport au T3 2019.

Ces chiffres doivent toutefois être nuancés dans le contexte actuel puisqu’ils n’intègrent que les revenus des personnes ayant maintenu une activité professionnelle pendant la crise sanitaire, y compris les bénéficiaires du dispositif de chômage partiel (Employment Wage Subsidy Scheme ou EWSS). La composition du marché du travail apparaît dès lors très différente sous l’effet des restrictions sanitaires : elle ne reflète pas les revenus de ceux ayant perdu leur emploi qui, en moyenne, sont moins élevés que les revenus de ceux ayant conservé leur emploi. C’est pourquoi le salaire hebdomadaire moyen avait progressé de +6% au T2 2020 par rapport au T2 2019, et s’était établi à 817,55€.

CONFIANCE DES CONSOMMATEURS – Le niveau de confiance exprimé par les consommateurs irlandais et mesuré par le Consumer Sentiment Index, un indice créé et mis à jour par la banque KBC et l’ESRI, rebondit au mois de novembre 2020. Ceci marque un contraste quelque peu surprenant avec les indicateurs comparables observés dans l’UE, le Royaume-Uni ou encore les États-Unis. L’indice s’établit à 65,5 ce mois-ci contre 52,6 au mois d’octobre, soit une hausse de +12,9 pts et un nouveau record depuis le début de la crise sanitaire. Il semble indiquer un regain d’optimisme à l’approche des fêtes de fin d’année et pourrait être encouragé par plusieurs facteurs, tels que les nouvelles annonces d’emploi, l’accueil favorable du budget annoncé par le gouvernement plus tôt cet automne et le ralentissement de la circulation du virus. Du reste, l’indice demeure nettement inférieur au niveau atteint au mois de novembre 2019 (-11,6 pts).

COMMERCE EXTÉRIEUR – Selon les chiffres préliminaires publiés par le CSO, la valeur des exportations de marchandises (cvs) diminue au mois de septembre 2020, pour s’établir à 13,7 Mds€ (-684 M€ ou -5%, g.m.). La valeur des importations de biens diminue également (-550 M€ ou -8%, g.m.) pour atteindre 6,2 Mds€. Au total, l’Irlande affiche un excédent commercial de 7,5 Mds€, en baisse de -2% (g.m.) ou -134 M€.

Figure 7

Figure 7 : Commerce de biens en Irlande - Valeur des échanges en milliards d’euros (€)
Source : CSO Ireland

Le CSO révèle, par ailleurs, que la valeur des exportations de biens pour la période janvier-septembre 2020 s’élève à 122 Mds€, soit une augmentation de +8,6 Mds€ ou +8% par rapport à la période correspondante en 2019. Cette croissance des exportations résulte d’une hausse de la demande en temps de crise sanitaire, d’une part, de produits médicaux et pharmaceutiques  (38% de la valeur totale des exportations à cette période de l’année) dont la valeur pour la période janvier-septembre 2020 a augmenté de +24% en glissement annuel (46 Mds€) et, d’autre part, des produits chimiques organiques (20% de la valeur totale des exportations à cette période de l’année) dont la valeur pour la période janvier-septembre 2020 a crû de +9,5% en glissement annuel (24 Mds€) ou de +57% en septembre 2020 par rapport à septembre 2019 (Voir Figure 7).

Chiffre du mois

4,5%

 

L’Irlande a diminué ses émissions de CO2 à hauteur de -4,5% en 2019 par rapport à 2018, dépassant son quota annuel de +7 millions de tonnes cette année-là. Le pays s’est engagé à les réduire de -20% par rapport au niveau de 2005, et ce dès 2020. Mais l’Irlande n’atteindra pas cet objectif. Son niveau d’émissions dérape pour la quatrième année consécutive.

Cela ne signifie pas pour autant que l’Irlande n’affiche pas d’objectifs ambitieux pour les décennies à venir. Publié le 7 octobre 2020, la Climate Action and Low Carbon Development (Amendment) Bill vise, en effet, à inscrire dans la loi irlandaise l’objectif de neutralité carbone pour 2050, ainsi qu’à réduire les émissions de CO2 d’au moins -7% par an jusqu’en 2030. Mais les critiques sont de plus en plus vives vis-à-vis de l’écart croissant entre les objectifs annoncés et les résultats.

Le non-respect par un État membre de ses obligations environnementales peut entraîner des sanctions. Dans son avis sur le Projet de Plan Budgétaire 2021 de l’Irlande rendu chaque année dans le cadre du Semestre européen, la Commission met ainsi en garde le gouvernement irlandais contre la non-réalisation des objectifs juridiquement contraignants sur le climat et les énergies renouvelables. Cela pourrait impliquer des coûts supplémentaires susceptibles, in fine, de peser sur ses finances publiques alors que les dépenses gouvernementales flambent sous l’effet de la COVID-19.

Finances publiques

EXCHEQUER – Côté recettes, les derniers chiffres du Trésor irlandais confirment les tendances observées ces derniers mois. Dans l’ensemble, les recettes fiscales totales cumulées du 1er janvier au 31 octobre 2020 sont en baisse par rapport à la période correspondante l’année dernière, à hauteur de -5,3% (g.a.) ou -2,3 Mds€, et s'établissent à 42,6 Mds€ (Voir Figure 8). Reflétant la baisse de la consommation sous l’effet de la pandémie, les recettes cumulées pour la TVA et les droits d'accise du 1er janvier au 31 octobre se contractent respectivement de -19% et -12% par rapport à cette même période l’année dernière. Les recettes cumulées de l'impôt sur le revenu sont, quant à elles, plutôt stables avec une baisse de -3,4% (g.a.) à cette période de l’année. Leur résilience dans le contexte actuel s’explique par leur forte progressivité, à laquelle s’ajoute une surperformance en janvier et février derniers. À l’inverse, les recettes cumulées de l’impôt sur les sociétés (IS), tirées par les multinationales (GAFAM, secteur pharmaceutique et de la tech), bondissent de +11,4% (g.a.). Toutefois, cette dynamique à la hausse observée jusqu’à présent ne se retrouve pas dans les chiffres du mois d’octobre qui font ressortir, à l’inverse, un manque à gagner de 732 M€ sur le mois. En effet, les recettes de l’IS s’établissent à un niveau nettement inférieur que celui prévu, à 198 M€ au lieu de 930 M€. Au total, ces chiffres confirment la dualité croissante de l’économie irlandaise ; les finances publiques du pays reposant de plus en plus sur les recettes volatiles de l’IS.

Figure 8 : Recettes fiscales totales cumulées du 1er janvier au 31 octobre en 2019-2020
En milliards d’euros (Mds €)
Source : PBO

Figure 8

Les dépenses du gouvernement central à cette période de l’année dépassent les plafonds inscrits dans le Budget 2020 en raison des mesures prises pour faire face à la pandémie, essentiellement en matière de santé et de protection sociale. Les dépenses brutes se sont établies à 65 Mds€ pour la période allant du 1er janvier au 31 octobre 2020, soit +15% au-dessus des limites budgétaires et en augmentation de +22,5% par rapport à la fin octobre 2019.

Le ministère des finances prévoit un déficit budgétaire – le plus élevé depuis 2011 – de -21,6 Mds€ en 2020, soit -6,2% du PIB ou -10,7% du GNI*, mesure alternative au PIB corrigée de l’activité des multinationales. La dette publique pourrait quant à elle atteindre 218 Mds€, soit 62,6% du PIB ou 108% du GNI* en 2020, et 239 Mds€ (115% du GNI*) en 2021.

FINANCEMENT DE L’ÉTAT IRLANDAIS – Le montant prévisionnel annoncé dans le programme de financement pour l’année en cours de la National Treasury Management Agency (NTMA), l’équivalent irlandais de l'Agence France Trésor, se situait initialement dans une fourchette comprise entre 10 et 14 Mds€, avec principalement pour objectif de financer le service de la dette. La pandémie a toutefois occasionné une forte hausse des dépenses publiques, portant la cible en matière de financement à 24 Mds€ en 2020, soit plus du double de l’objectif minimal annoncé plus tôt cette année.

Malgré l’augmentation rapide de l’endettement public, l’Irlande a bénéficié de conditions de financement exceptionnellement basses grâce à l’action accommodante de la politique monétaire, et en particulier des programmes d’achats d’actifs de la Banque Centrale Européenne (BCE). La NTMA a récemment atteint sa cible finale de 24 Mds€ via l’émission d’obligations d’État à une maturité moyenne de 11,5 ans et au taux moyen de 0,21%. Le rendement des obligations d’État irlandaises à 10 ans demeure en territoire négatif depuis plus de quatre mois consécutifs, à -0,26% au 24 novembre 2020 (Voir Figure 9). Pour rappel, il atteignait 12,45% lors de la crise de l’euro en juillet 2011. Récemment, l’agence a indiqué qu’elle pourrait emprunter entre 15 et 19 Mds€ en 2021.

La NTMA a réalisé trois opérations par syndication les 8 janvier, 7 avril et 9 juin 2020, émettant des nouveaux titres de référence irlandais (« benchmark bond ») à 15 ans (0,45%), 7 ans (0,242%) et 10 ans (0,285%) et permettant ainsi la levée de 16 Mds€. En outre, elle a effectué six adjudications qui lui ont permis de lever les 8 Mds€ restants. Le 8 octobre 2020, elle a émis trois obligations souveraines (« bond ») d’un montant total de 1,5 Mds€, à maturité 7, 10 et 15 ans et aux taux fixes historiquement bas de respectivement -0,42% (rendement le plus bas jamais enregistré), -0,19% et 0,05%. Enfin, le NTMA a accru sa présence sur les marchés de la dette souveraine à court terme, totalisant jusqu’à présent environ dix adjudications de bons du trésor irlandais (« treasury bill ») de maturité 5 ou 6 mois.

Figure 9 : Rendements souverains irlandais et allemand à 10 ans
En pourcentage (%)
Source : PBO

Figure 9

Secteur financier et assurances

ÉPARGNE DES MÉNAGES – Le montant des dépôts des ménages irlandais auprès d'établissements bancaires continue d’augmenter du fait de la crise sanitaire. Au total, l’encours des dépôts des ménages s’établit à 121 Mds€ en septembre 2020 par rapport à 112 Mds€ en février dernier. Il continue de croître à un rythme soutenu d’une année à l’autre, de +10,8% (g.a.) en septembre 2020. Pour mémoire, il s’agit comme en juillet dernier du taux de croissance annuel le plus important depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2007.

Figure 10 : Dépôts des ménages irlandais
En milliards d’euros (Mds€)
Source : PBO

Figure 10

 D’un mois à l’autre, l'épargne des ménages irlandais continue également d’augmenter mais à un rythme moins soutenu : +696 M€ ou +0,6% (g.m.) en septembre 2020, après +2 Mds€ ou +1,6% (g.m.) en juillet ou encore le record à +4 Mds€ ou +2,6% (g.m.) enregistré en avril (Voir Figure 10). Si les mesures gouvernementales de soutien aux revenus pendant la mise à l’arrêt de l’économie et la suspension temporaire des mensualités de prêts appellent à relativiser cette augmentation rapide de l’épargne irlandaise, il reste qu’au total les ménages ont épargné près de 10 Mds€ depuis le début de la pandémie. Si l’on rapporte ce chiffre au nombre de ménages recensés en Irlande, on peut estimer qu’en moyenne 6 000€/ménage ont ainsi été mis de côté. Une enquête de la Bank of Ireland (BoI) a, par ailleurs, révélé que ceux-ci étaient susceptibles de continuer à épargner au cours des douze prochains mois.

MORATOIRE – D’après la BPFI, près de 153 000 demandes d’accès au moratoire de trois à six mois sur le paiement des intérêts dans le cadre de prêts contractés auprès des institutions bancaires ont été accordées depuis le début de la crise, en Irlande. 23 000 payment breaks été encore maintenus au 30 octobre 2020, répartis de la façon suivante : 45% sur les prêts immobiliers, 30% sur les crédits à la consommation et 25% sur les prêts aux petites et moyennes entreprises (PMEs).

PRÊTS AUX PMEs – D’après les données mises à disposition par la Banque Centrale d’Irlande (BCI), les banques irlandaises ont considérablement réduit le nombre de nouveaux prêts accordés aux PMEs au printemps. Le montant brut de ces derniers a, en effet, décliné de -49,5% (g.a.) au T2 2020 pour s’établir à 727 M€. Ce chiffre pourrait contraster nettement avec les tendances observées ailleurs dans la zone euro. Selon The euro area bank lending survey de la BCE, le taux de prêts bancaires refusés aux PMEs a considérablement décliné (-12%, g.a.) au T2 2020, notamment en France, en Italie et en Espagne, et ce malgré la forte demande nette de prêts bancaires sur cette période (+62%, g.a.) afin de maintenir à flot les entreprises au pic de la pandémie. La différence irlandaise pourrait s’expliquer par les séquelles de la crise financière qui resserrent les conditions de crédit, mais aussi par le Brexit qui pèse plus lourdement sur les PMEs en Irlande qu’ailleurs en Europe ou encore l’introduction plus tardive des garanties publiques.

PRÊTS IMMOBILIERS – D’après le ministère du logement irlandais, le nombre de prêts immobiliers subventionnés par l’État au titre du programme Rebuilding Ireland a chuté de -60% (g.a.) pendant la première moitié de l’année 2020 par rapport à la période correspondante en 2019. 235 prêts immobiliers (38 M€) ont ainsi été approuvés au S1 2020 contre 574 (96 M€) au S1 2019.

Entreprises

COVID-19 – D’après la dernière enquête biannuelle sur la demande de crédits des PMEs, menée par Fitzpatrick Associates et Behaviour and Attitudes à l’initiative du gouvernement irlandais, 29% des entreprises interrogées ont enregistré un chiffre d’affaires stable ou plus important depuis le début de la crise sanitaire ; la plus forte baisse frappant le secteur de l’hospitalité (hôtels, restaurants et bars) à hauteur de -96% sur la période allant de mars à octobre 2020. La baisse moyenne des bénéfices s’élève à -48%. Par ailleurs, 60% des PMEs disent avoir bénéficié du dispositif de chômage partiel – le Temporary Wage Subsidy Scheme (TWSS), désormais remplacé par le EWSS (mentionné supra). Là encore, le secteur de l’hospitalité est le premier bénéficiaire de cette mesure.

Abritant 24 des 25 plus grands groupes mondiaux dans le secteur pharmaceutique, l’Irlande occupera une place centrale dans la mise sur le marché d’un vaccin contre le virus. Pfizer/BioNTech qui emploie actuellement 3 700 personnes en Irlande a récemment annoncé que les contrôles de la qualité par lots du vaccin développé par le géant pharmaceutique seront effectués dans son laboratoire dublinois, avant d’être livrés en vue de sa commercialisation.

BREXIT – Un nouveau programme de prêts a été lancé par Microfinance Ireland (MFI Brexit Business Loan) pour aider les petites entreprises à se préparer au Brexit. Des prêts de 5 000€ à 25 000€ pourront ainsi être accordés aux entreprises dont le chiffre d’affaires chuterait de -15% ou plus en raison de l’absence d’accord sur les relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni.  

D’après le gouvernement, plus des deux tiers des entreprises irlandaises dans les secteurs de la construction ou de l’agriculture, forestier et de la pêche qui avaient des relations commerciales avec le Royaume-Uni en 2019-20 n’ont, à ce jour, pas encore demandé l’attribution d’un numéro d’identification EORI (Economic Operators Registration Identification) nécessaire dans le cadre de formalités douanières avec un pays non-membre de l’UE. À contrario, plus de 90% des entreprises pharmaceutiques bénéficient d’un tel numéro d’identification.

Evolution des indicateurs macroéconomiques

Tableau mensuel

Tableau mensuel

Tableau annuel

Tableau annuel