L’Éthiopie a placé l’énergie au cœur de son agenda. L’objectif est triple : i) accroître les capacités de production pour le développement de l’industrie et l’accès universel ii) diversifier les sources de production iii) devenir le principal exportateur d’électricité en Afrique de l’Est. Bien que l’Éthiopie prévoyait de multiplier par sept sa capacité électrique, cet objectif ne sera pas atteint. Ainsi, les autorités souhaitent développer le financement privé à travers des projets en PPP.

Vue d'ensemble du secteur de l'électricité

L’Éthiopie a investi 10 Mds USD sur la dernière décennie dans la production, la transmission et la distribution d’énergie. Le pays est l’un des seuls pays au monde à présenter un mix énergétique pratiquement intégralement renouvelable. 89 % de sa capacité installée correspond à de l’hydroélectricité, 8 % à de l’éolien, 3 % à du thermique. Le pays dispose de ressources conséquentes pour recourir à d’avantage d’énergies renouvelables : 5,5 kWh/m²/jour pour le solaire, 30 000 MW pour l’hydroélectricité, 10 000 MW de potentiel géothermique et 5 000 MW d’éolien.

La capacité installée a plus que quadruplé depuis 2009 pour atteindre 4 200 MW en 2020, de manière à répondre à la demande, principalement tirée par l’industrialisation ainsi que par l’objectif du gouvernement d’électrifier l’ensemble de la population d’ici 2025 (National Electrification Program 2017 puis National Electrification Program 2.0 2019). En 2018, seule 45 % de la population disposait d’une connexion à l’électricité, que ce soit par le biais d’une connexion au réseau national (34 %) ou par des solutions hors-réseau (11 %). Cependant, plus de la moitié des foyers connectés au réseau le sont par des connexions informelles, pesant sur la soutenabilité du secteur.

Si la consommation interne d’électricité a plus que doublé entre 2010 et 2019, cette dernière demeure contrainte par la production d’électricité, en recul en FY2018/19 puis en stagnation en 2019/20, en raison notamment de la vétusté des installations. En effet, le taux de pertes techniques se porte actuellement à 23 % tandis que le taux de recouvrement des factures demeure faible.

Les principaux acteurs du secteur de l’énergie en Éthiopie sont

  • Le ministère de l’Eau, de l’Irrigation et de l’Énergie (MoWIE) qui planifie, dirige, coordonne et assure le suivi du développement général du secteur ;
  • L’entreprise publique Ethiopian Electric Power (EEP), en charge de la production, transmission et vente à l’export de l’électricité ;
  • L’entreprise publique Ethiopian Electric Utility (EEU), qui assure la distribution et la vente d’électricité, ainsi que l’électrification rurale hors-réseau ;
  • Ethiopian Energy Authority (EEA), organisme de régulation du secteur, chargé de négocier les accords d’achat d’électricité et de délivrer les licences d’exploitation.

Les défis actuels: améliorer l'efficience et restaurer la soutenabilité du secteur

EEP et EEU ont largement recouru aux obligations de court terme afin de financer des actifs de long terme, ce qui a créé in fine des difficultés de trésorerie ainsi qu’un surendettement global. En outre, le tarif de vente de l’électricité, le plus bas d’Afrique Sub-saharienne pendant une décennie à 0,02 USD/kWh a pesé sur la viabilité du secteur. Depuis que le gouvernement garantit la dette d’EEP et EEU, il octroie des subventions implicites et fait face à des risques de non-recouvrement, notamment à l’égard des créanciers éthiopiens créant un risque significatif, particulièrement pour la banque publique Commercial Bank of Ethiopia dont une large partie du passif est concentré dans le secteur de l’énergie. En pratique, en tant que seul actionnaire, le gouvernement éponge les pertes nettes de EEP et EEU et a recapitalisé ces dernières trois fois depuis 2010.

Le programme d’électrification national lancé en 2017 a pour objectif de fournir des services d’électricité fiables à l’ensemble de la population d’ici 2025. Afin d’atteindre cet objectif, le gouvernement a initié des réformes qui incluent : i) un schéma d’augmentation des tarifs de l’électricité sur quatre ans afin d’augmenter les recettes et de restaurer la capacité du service de la dette du secteur, ii) la restructuration des dettes d’EEP et d’EEU, iii) le recours aux PPP de manière à limiter le financement public, iv) la mise en place de mesures visant à améliorer l’efficacité opérationnelle, les prestations de services et le service client, v) des réformes institutionnelles en vue d’améliorer la transparence et la responsabilité financière du secteur afin d’attirer les investissements privés.

La réforme des tarifs de l’électricité approuvée par le Conseil des ministres en 2018 a conduit le prix moyen du kWh à augmenter de 86 % sur la période janvier-avril 2019 comparé à la période similaire un an plus tôt. Les tarifs de l’électricité étaient restés inchangés en termes nominaux pendant plus d’une décennie, atteignant 0,02 USD/kWh en 2018 soit le second plus bas tarif du continent. Cette réforme, conduite en lien avec la Banque mondiale vise à atteindre un tarif de 0,07 USD/kWh. Si le gouvernement a procédé à une seconde augmentation des tarifs en 2019/20 (+65 % en moyenne par kWh), la troisième des quatre augmentations (+22 % prévus en moyenne par kWh), initialement escomptée en décembre 2020, pourrait être reportée en raison des effets de la pandémie de la Covid-19 sur l’économie.

En raison du besoin d’investissement massif du secteur, les partenariats public privé (PPP) peuvent constituer un important canal de mobilisation des financements privés tout en améliorant l’efficience du secteur. Suite à l’instauration de la PPP Proclamation en janvier 2018, le gouvernement a annoncé le lancement de partenariats publics-privés pour 14 projets énergétiques d’un montant total de 6 Mds USD et pouvant générer 2 798 MW. Néanmoins, la sélection et la mise en œuvre de ces projets nécessiteront un renforcement du cadre réglementaire et des compétences. Ces dernières années, le gouvernement a mis en place quatre projets en PPP qui ont atteint le stade de la clôture financière pour un investissement total de 124 M USD.

Les principaux projets d'électricité

Le principal projet de production d’électricité en Éthiopie concerne le barrage hydroélectrique de Grand Renaissance (GERD) qui deviendra lors de son inauguration le plus grand d’Afrique. Amorcé en 2011 le GERD est un projet sur le Nil Bleu qui serait actuellement achevé à 74 %. Avec une capacité de production de 6 448 MW et 13 turbines, la construction de l’ouvrage a été confiée à EEP en août 2018 devant l’incapacité du conglomérat militaro-industriel MeTEC (Metals and Engineering Corporation) responsable du lot électromécanique de fournir les pièces et équipements convenus.

En octobre 2018, la Direction générale des PPP du ministère des Finances (DG PPP) a annoncé le lancement de PPP pour 14 projets énergétiques d’un montant total de 6 Mds USD pouvant générer 2 798 MW. Plus particulièrement, les lancements prochains d’appels d’offres en PPP concerneront cinq projets hydroélectriques (1 848 MW), huit projets solaires (950 MW) et des lignes de transmission et sous-stations. En avril 2020, la DG PPP a annoncé avoir retenu cinq nouveaux projets à développer en PPP, il s’agit de projets éoliens pour une capacité totale de 710 MW et dont l’investissement s’élève à 1,2 Md USD.

En mai 2020, EEP a chargé l’entreprise ibérico-danoise Siemens Gamesa d’installer les 29 turbines du projet éolien d’Assela I (100 MW) via un contrat EPC financé par la banque de développement danoise Danida et la banque privée danoise Danske Bank.

Afin de générer l’entrée de devises, l’Éthiopie ambitionne de devenir l’un des principaux exportateurs d’électricité en Afrique de l’Est. Sur l’année fiscale 2019/20, les exportations d’électricité à destination de Djibouti et du Soudan ont généré 66,4 M USD soit 2,2 % du total des exports (+0,1 pt et +19,2 % en valeur en g.a.). L’Éthiopie peut exporter vers Djibouti et le Soudan (jusqu’à 95 MW chacun, 0,07 USD/kWh) via des lignes de transmission de 230 kV. La Banque mondiale et la Banque africaine de développement étudient actuellement le financement d’une seconde ligne de transmission entre l’Éthiopie et Djibouti qui permettrait à l’Éthiopie d’exporter jusqu’à 220 MW supplémentaires. En outre, l’Éthiopie a signé en 2012 un PPA pour l’achat par le Kenya de 400 MW. Les ventes d’électricité pourraient devenir à terme l’un des principaux postes d’exportations du pays et représenter 600 M USD de recettes par an d’après la Banque mondiale alors que les exportations totales éthiopiennes plafonnent aux alentours de 2,8 Mds USD ces dernières années.

 

Production