Face à la crise COVID-19, l’Autriche s’en est mieux sortie que d’autres pays européens sur le plan sanitaire, permettant une réouverture de l’économie par étapes dès la mi-avril et un redémarrage début mai. Face au choc, le gouvernement a adopté un plan massif d’aides d’urgence de 38 Mrd EUR complété début juin par un paquet de soutien conjoncturel, portant l’effort total à 50 Md EUR soit 12,5 % du PIB.

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La crise sanitaire a touché une économie en bonne santé

L’Autriche, pays alpin de  8,8 millions d’habitants au cœur de l’Europe, tire parti avec habilité de son appartenance à l’Union européenne et de sa situation de pont entre l’Ouest et le centre du continent. Son PIB par habitant est un des plus élevés de l’Union (44 920 EUR). Le pays est très ouvert : le commerce extérieur de même que les investissements étrangers équivalent chacun à la moitié du PIB, 6 emplois sur 10 sont tirés des échanges réalisés à 70 % avec l’UE[1]. L’Autriche dispose d’une base industrielle solide (20 % du PIB). Elle s’est spécialisée dans l’assemblage et la sous-traitance industrielle, grâce à un réseau dense de petites et moyennes entreprises dynamiques et très internationalisées, positionnées sur des marchés de niches à forte valeur ajoutée (« hidden champions »).

Coïncidant avec l’arrivée du Chancelier Sebastian Kurz à la tête d’une coalition entre conservateurs de l'ÖVP et droite populiste du FPÖ fin 2017, l’Autriche a connu une forte croissance : +2,5 % en 2017, +2,4 % en 2018 et amorçait une décélération en 2019, + 1,7 %,  en lien avec le ralentissement en Europe, tout en restant supérieure à celle de la zone euro. La demande intérieure, soutenue par la bonne tenue de l’emploi, les hausses de salaires et les mesures de pouvoir d’achat décidées par le gouvernement Kurz I ou votées dans la période préélectorale par le Parlement à l’automne 2019, avait pris le relais de l’investissement productif.

Le chômage a poursuivi sa décrue à 4,5 % fin 2019. Avec de nombreux postes vacants (tourisme et industrie notamment), le principal défi de l’économie était le manque de main d’œuvre qualifiée.

Les finances publiques ont bénéficié de la bonne conjoncture, avec pour la première fois depuis les années 70, un retour à l’équilibre budgétaire « schwarze Null » vanté par le Chancelier Kurz: après -0,7 % en 2017, le solde budgétaire est devenu excédentaire (0,2 % en 2018 puis 0,7 % en 2019). La dette était ramenée à 70,2 % PIB en 2019 (contre 84 % en 2015) avec comme objectif un retour en dessous de 60 % en 2023, bénéficiant des faibles taux d’intérêt mais aussi d’un apurement meilleur que prévu des passifs liés au plan de sauvetage bancaire post-crise financière.

La politique du gouvernement Kurz I, d’inspiration libérale sur le plan économique était axée sur l’amélioration de l’environnement des affaires, la compétitivité, la débureaucratisation ainsi que la baisse des prélèvements obligatoires pour les ramener en 5 ans à 40 % contre 42,5 % en 2017. Au tournant 2020, le nouveau gouvernement Kurz II, constitué des conservateurs (ÖVP) et des Verts (die Grünen), issu des élections de septembre 2019, se fixait un nouveau cap combinant compétitivité et transition écologique.

 

L’Autriche a relativement bien géré la crise sanitaire

L’Autriche a réagi relativement tôt au regard des données épidémiologiques, en imposant des restrictions aux frontières  et des mesures de confinement (16 mars), avec une application un peu moins stricte qu’en France, mais totalement respectées par la population. Elle a rapidement généralisé le port du masque. Le déconfinement  a été engagé par étape à partir du 14 avril. La levée des restrictions était quasi-totale au 15 juin. Dans cette phase, le partenariat social à l’autrichienne a joué à plein. Les syndicats et la Chambre économique fédérale -WKO-, ont négocié entre eux les conditions de reprise du travail dans les différents secteurs, avant de les soumettre à l’autorité politique et la mise en œuvre réglementaire. Les paramètres du chômage partiel ont également été mis au point d’un commun accord.

Depuis août néanmoins, la progression des cas a amené les autorités sanitaires à réintroduire des mesures restrictives : obligation du masque dans la plupart des lieux clos, resserrement des conditions d’entrée pour les personnes en provenance de pays à risque (dont les Balkans dont sont originaires de nombreux résidents qui vivent ou travaillent en Autriche). Le gouvernement prévoyait de se doter début septembre d’un système d’alerte « feux quadricolores » pour gérer au plus près du terrain les risques de résurgence sans devoir imposer un confinement généralisé.

 

L’économie redémarre plus nettement depuis début juillet

Les derniers indicateurs montrent une reprise de l’activité : mi-juillet, l’activité est inférieure de 4,2 % par rapport à l’an dernier après un « dip » de -29 % fin mars, au plus fort de la paralysie du pays. L’effet du lock down a été brutal : après un 1er trimestre en recul de 2,6 %, l’activité aurait chuté de 10,7 % au 2ème trimestre  par rapport au premier, selon l’estimation provisoire de l'institut de conjoncture WIFO. Les dernières prévisions macroéconomiques (dont celles de la Commission européenne de juillet) tablent sur un recul du PIB entre 7 % et 10 % selon les scenarii (deuxième vague) et un rebond de +5 % l’an prochain.

Le chômage reflue : après un pic fin avril de 1,8 million de personnes touchées par le chômage ou l’activité partielle (soit près de la moitié de la population salariée), le marché du travail s’est inversé. Le nombre de chômeurs est repassé à 415 000 (5,7 % fin juin), mais toujours supérieur au niveau pré-crise (4,5 %). L’activité partielle a joué son rôle d’amortisseur : elle ne concerne aujourd’hui que 460 000 personnes, principalement dans le secteur manufacturier. Le taux de chômage devrait  finir entre 5,5 % et 6,8 % selon les instituts d’ici décembre. Les catégories les plus affectées sont les femmes et les jeunes, alors qu’une partie de la population active s’est mise en retrait du marché du travail (baisse de 100 000 par rapport à l’an dernier).

 

Un plan d’aide massif à l’économie

Un plan d’urgence de 38 Mrd EUR a été adopté fin mars pour atténuer les effets de la crise sur l’emploi et les entreprises.

Le plan comporte les mêmes instruments qu’en France : le chômage partiel (Kurzarbeit) déjà utilisé lors de la crise financière, des aides directes pour les TPE et indépendants affectés par les fermetures, des prêts bancaires et des crédits-relais garantis par l’Etat à des conditions avantageuses, des aides non remboursables pour couvrir une partie des frais fixes des entreprises ayant connu une baisse importante de leur chiffres d’affaires, des reports d’impôts et de charges. Des dépenses exceptionnelles ont été autorisées pour le secteur de la santé. Certains dispositifs paraissent particulièrement généreux : chômage partiel jusqu’à 90 % du salaire net plafonné ; garanties pour les prêts aux PME portés à 100 % jusqu’à concurrence de 500 000 EUR, subventions pour couvrir jusqu’à 75 % des coûts fixes.

Après des débuts difficiles, les aides paraissent désormais parvenir aux bénéficiaires. Selon  le ministère des Finances, près de la moitié des aides prévues seraient déjà engagées. L’impact budgétaire atteindrait 4 % du PIB cette année.

En parallèle, l’Etat s’est porté au secours d’entreprises jugées stratégiques. Ainsi, Austrian Airlines, filiale de Lufthansa, recevra 450 MEUR de l’Etat (2/3 en garanties et 1/3 en subventions), en sus de l'aide apportée par la maison-mère, pour sauver le hub aéroportuaire viennois. La ministre de l’Economie a également piloté la négociation avec le Suisse Novartis pour préserver le site de production de pénicilline dans le Tyrol, jugée essentielle pour la sécurité sanitaire du pays mais aussi de l’Europe. D’autres interventions sont en discussion pour aider la compagnie nationale des chemins de fer ÖBB, également touchée par la crise. Le gouvernement  a renforcé son dispositif de contrôle des investissements mi-juillet (seuil abaissé à 10 % pour les secteurs sensibles et extension au champ de la santé par exemple).

Un plan de relance additionnel portant l’effort financier en soutien de l’économie à 50 Mrd EUR

Le plan adopté début juin comporte des mesures nouvelles : baisse de la TVA à 5 % pour le tourisme et la culture du 1er juillet au 31 octobre (contre des taux de 10, 13 ou 20 %) ; stimulation de la demande à travers des baisses d’impôt pour les ménages à faibles revenus (baisse de la première tranche d’impôt sur le revenu (entre 11 000 et 18 000 EUR bruts annuels) qui passe de 25 % à 20 % rétroactivement au 1er janvier 2020), ainsi que des incitations à l’investissement pour les entreprises (amortissement dégressif, subventions à hauteur de 7 à 14 % du montant pour les projets « non nuisibles au climat » engagés dans les 6 mois qui viennent). Des investissements en faveur de la transition climatique et du numérique sont annoncés pour 2021 et 2022 notamment pour les transports publics, les énergies renouvelables et la rénovation énergétique, en ligne avec le programme de coalition.

Certaines des mesures sont en réponse à la crise économique, d’autres (allégements d’impôts pour les ménages ou pour les agriculteurs) sont une mise en œuvre anticipée de l’accord de coalition conclu avec les Verts. D’autres  sont reconduites, comme le chômage partiel dont les modalités sont revues et prolongées jusqu’à fin mars 2021 ou les reports d’impôts jusqu’à la fin de l’année.

Face à la crise, le dogme de l’équilibre budgétaire au niveau national est tombé

Selon le Fiskalrat, équivalent du HCFP, l’impact budgétaire de la pandémie s’élèvera à 37 Mrd EUR en 2020 (27 Mrd EUR au titre du plan Corona, 10 Mrd EUR au titre de la conjoncture). Le déficit public pourrait atteindre  10% du PIB.

Au total, les deux plans (Corona plus relance) affichent 50 Mrd EUR qui s’étaleront au-delà de 2020 (soit 12,5 % PIB en faisant masse de tous les instruments ; la BCE chiffre l’effort budgétaire national à 5 % de PIB soit proportionnellement le second plus élevé dans l’UE). La dette devrait dépasser 80 % du PIB. Pour le ministre des Finances, la croissance permettra d’absorber la dette sur la durée tandis que le Vice-Chancelier Vert Kogler évoque un impôt de solidarité.

 

 

 



[1] Dont 30 % avec l’Allemagne, environ 20 % avec les PECO et les Balkans, l’Italie représentant 6 % et la France 4,4 % des échanges extérieurs.