Si l’impact du COVID-19 sur les secteurs pharmaceutique et MedTech semble restreint sur le début de l’année 2020, des inquiétudes pèsent en revanche pour les mois à venir. Les entreprises, soutenues par les plans d’urgence économique successifs adoptés par le gouvernement, se mobilisent pour développer des traitements et des technologies permettant de lutter contre l’épidémie.

1. Un impact modéré au 1er trimestre mais des incertitudes pour l’exercice 2020-2021.

Avec près de 30 % de sa population âgée de plus de 65 ans, le Japon est le  troisième marché pharmaceutique mondial (93 Mds€ de ventes en 2019). Au 1er  trimestre 2020, ce marché représentait 20,5 Mds€, en hausse de 0,2% en glissement annuel : +4,3% pour les hôpitaux, -5,1% pour les cliniques de moins de cent lits et +1,7% pour les autres points de ventes dont les officines. L’impact de la pandémie sur les ventes au Japon est ainsi resté limité et ce malgré la baisse annoncée de plus de 4% des prix des médicaments au 1er avril qui a incité les acteurs à reporter leurs achats. En revanche, la production de médicaments a diminué de -6% (dont -13% en février) alors que les importations ont augmenté de 2% (+14% en janvier et février). Pour l'exercice 2020-2021, les sept plus importantes entreprises pharmaceutiques prévoient une légère baisse (-0,3%) des ventes consolidées et une augmentation de +10,6% de leur résultat d'exploitation. Ces prévisions n’intègrent toutefois pas l’impact de la pandémie, seul Daiichi Sankyo ayant annoncé une possible baisse de son chiffre d’affaires de -3 à -5%. Les entreprises du secteur s’inquiètent néanmoins des répercussions à moyen et long terme de la suspension des nouveaux essais cliniques, des difficultés de recrutement des patients pour les essais en cours et des perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement.

Le secteur des dispositifs médicaux, dont les ventes sur le marché japonais représentaient 37 Mds€ en 2019, s’est quant à lui légèrement contracté au cours du premier  trimestre en raison notamment de la fréquentation réduite des hôpitaux. Si aucune tendance ne se dessine sur leur chiffre d’affaires, les principales entreprises du secteur enregistrent toutes, cependant, un résultat d’exploitation en baisse. Comme dans le secteur pharmaceutique, elles n’ont pas publié de prévisions pour 2020-2021 à l’exception de Nihon Kohden qui anticipe une diminution de son chiffre d’affaires de -2,7 %, mais un doublement des ventes pour ses ventilateurs. Malgré des difficultés d’approvisionnement en provenance des Philippines et de Malaisie, l’entreprise espère un rétablissement de la situation dès juillet.

2. Une forte mobilisation des entreprises japonaises pour répondre aux nouveaux défis du COVID-19.

Les entreprises japonaises se sont positionnées très tôt sur la recherche et le développement de vaccins et de traitements contre le COVID-19. Les essais cliniques du vaccin par ADN de la start-up AnGes qui ont débuté le 30 juin constituent les dernières avancées dans ce domaine au Japon.

Le manque de main d’œuvre et les centres médicaux publics surchargés ayant limité le nombre de tests quotidiens pratiqués au Japon -9 000 début mai, soit 1/10ème du nombre de tests effectués aux États-Unis- elles cherchent également à simplifier les méthodes de détection du virus. Medicaroid prévoit de déployer d’ici octobre un robot capable d'automatiser une grande partie du processus des tests PCR, tandis que les laboratoires Fujirebio et Takara Bio développent des tests alternatifs, respectivement par antigène et par salive.

D’autres entreprises investissent dans les technologies de diagnostic : M3 inc, du groupe Sony, va offrir à une centaine d’établissements un service d’imagerie pulmonaire utilisant l’intelligence artificielle et CyberDyne, connue pour son exosquelette HAL, a annoncé début juin qu’elle allait racheter la start-up LPIXEL, spécialisée dans les logiciels d’imagerie médicale.

Par ailleurs, les activités médicales des fabricants d’autres secteurs industriels connaissent une forte hausse : les commandes des tubes des scanners médicaux de l’équipementier automobile JTEKT devraient ainsi augmenter de 30 % en juillet.

3. Un second  budget santé de 25 Mds€ et des subventions pour permettre au pays de faire face à la crise dans la durée.

Le  second budget rectificatif pour l’année 2020 consacre 25 Mds€ au secteur de la santé, dont plus de 70 % (18,3 Mds€) est alloué au ministère de la Santé (MHLW) afin de poursuivre la réorganisation du système de soins (achats d’équipements médicaux, notamment des dispositifs d’imagerie médicale et des moniteurs, financement de primes pour le personnel médical de 400 à 1 600 € etc…). De plus, 3,5 Mds€ sont destinés à l’augmentation des stocks de matériels de protection sanitaire. De son côté, le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI) dispose de 18 M € pour financer la production de masques N95 (jusqu’à 3/4 du coût total) et d’équipements de test par antigène (jusqu’à 9/10 du coût total).

Afin d’améliorer la prévention et la lutte contre la pandémie, le gouvernement met l’accent sur : 1/ l’augmentation du nombre de tests quotidiens (mise en place de centres de dépistage, utilisation combinée des tests PCR et par antigène, qui ont été approuvés mi-mai, achat de principes actifs et de kits de tests…) ; 2/ le développement des traitements et vaccins (triplement de l’enveloppe prévue dans le  premier budget rectificatif) et 3/ l’accélération de la commercialisation de vaccins (subventions pouvant aller jusqu’à 250 M€ par projet sélectionné).

Enfin, pour réduire la dépendance du Japon dans le domaine médical, le METI a accordé dès le mois de mai des subventions à Izumi, Acoma et Terumo, pour la production au Japon de composants pour les appareils respiratoires, à Nihon Kohden, pour le développement d’un ventilateur combiné à un moniteur, ainsi qu’à une vingtaine de projets permettant d’augmenter la production de masques sur le territoire (dont la construction par Iris Ohyama de nouvelles lignes pour produire 45 M d’unités supplémentaires par jour). La Fédération des entreprises pharmaceutiques japonaises (FPMAJ) avait déjà  appelé, le 25 mars, les fabricants de médicaments à déclarer les produits dont les principes actifs n’ont pas de substitut et dont la part de marché atteint 20 %, espérant ainsi, avec l’aide du MHWL, mettre en place un système collaboratif pour faire face aux ruptures d'approvisionnement. Ainsi, 400 entreprises japonaises travaillent déjà avec le gouvernement pour réduire la dépendance du Japon dans le domaine médical, notamment vis-à-vis de la Chine.