Les entreprises japonaises, qui représentent 50% du marché mondial des capteurs, développent des technologies de téléopération pour la surveillance, la désinfection et la gestion à distance des établissements de soins, sites industriels, et autres lieux publics. Le ministère de la Santé (MHLW) et le ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI) accélèrent également les programmes de financement public en faveur du développement des robots de soin et d’assistance à la personne, plus que jamais nécessaires dans un contexte de manque de main d’œuvre exacerbé par la crise sanitaire.

1. Les entreprises japonaises utilisent leur expertise sur les capteurs et robots pour proposer des solutions destinées à freiner l’épidémie.

Dès les premiers cas de contamination déclarés sur le bateau de croisière Diamond Princess, amarré dans le port de Yokohama, l’opération à distance des tâches logistiques s’est révélée essentielle à la gestion du risque épidémique et un moyen de mettre en avant la maîtrise japonaise dans le domaine des capteurs. En particulier, l’augmentation de la fréquence de nettoyage des lieux publics et la nécessité de réduire les risques encourus par le personnel encouragent le développement de robots autonomes de désinfection. Ainsi, des robots capables de diffuser des solutions désinfectantes à grande échelle ont été déployés par Panasonic (« Hospi-mist ») dans les hôpitaux ou par la start-up Cyberdyne (« Mb-CL02 ») dans les deux aéroports de Tokyo et bientôt dans les gares et trains. D’autres permettent un nettoyage plus localisé : plusieurs entreprises japonaises, telles que Mira Robotics et son « Ugo » proposent, par exemple, des technologies de stérilisation par rayons ultra-violet de surfaces de toutes tailles et de toutes sortes.

Les fabricants japonais de robots de service se saisissent aussi des enjeux liés à la distanciation sociale pour tester leurs produits auprès du grand public et faire évoluer les relations avec les clients ou patients sur le plus long terme. Le fabricant ZMP propose des démonstrations du chariot élévateur sans pilote « CariRo », capable de prendre l’ascenseur seul, ou de son robot de livraison à domicile « DeriRo ». Softbank met quant à lui à disposition son robot humanoïde « Pepper » pour, d’une part lutter contre l’isolement des personnes âgées, grâce aux conversations à distance et, d’autre part, prendre en charge les patients présentant des symptômes légers du COVID-19. Deloitte Tohmatsu estime ainsi que les ventes mondiales de robots de service pourraient augmenter cette année de 40 %, au lieu des 30 % prévus.

Enfin, les solutions de surveillance à distance commencent à s’imposer. Le numéro 1 de la reconnaissance faciale, NEC, vient ainsi d’annoncer la commercialisation pour 2021 de guichets de sécurité équipés de capteurs haute précision, combinant identification par l’iris et détection de symptômes malgré le port de vêtements de protection. Le fabriquant d’électronique Sony, leader du marché des capteurs d’images (CMOS), a également dévoilé, le 14 mai, son premier capteur disposant d’une puce dotée d’une intelligence artificielle qui permettra d’analyser la fréquentation d’un lieu public ou d’évaluer les stocks. L’entreprise de semi-conducteur japonaise THine Electronics a, par ailleurs, installé dès fin février dernier, aux entrées d’immeubles de bureaux, d’hôpitaux, de centres commerciaux et autres lieux publics, un système de reconnaissance faciale qui peut, à moins de 30 cm, mesurer la température corporelle et identifier les personnes, même porteuses de masque : ce système peut même bloquer l’entrée à une personne qui présenterait des signes de fièvre.

2. Le gouvernement japonais consacre une part de la réponse budgétaire de crise à la téléopération.

Le groupe audiovisuel public NHK rapportait en janvier, qu'en moyenne, les offres d’emplois étaient au Japon 1,5 fois supérieures aux demandes et quasiment 4 fois supérieures (3,95/1) pour les aides-soignants. Conscient de cette pénurie, le gouvernement a mis en place, dès son premier budget rectificatif, des aides incitant aux développement et déploiement de solutions automatisées permettant de soulager les secteurs en crise, en premier lieu la santé.

Le programme de subventions aux robots de soin du ministère de la Santé (MHLW) n’est désormais plus limité à une enveloppe prédéfinie, afin de pouvoir s’adapter aux besoins réels. De plus, le plafond des subventions a été augmenté de 2 500 € à 8 500 € par appareil, pour l’achat de robots d’aide au bain et aux déplacements autonomes, et de 13 000 € à 64 000 € par établissement, pour le recours à des capteurs de surveillance. Une seconde enveloppe du MHLW de 850 000 € subventionne en outre l’achat de robots permettant de réduire la charge de travail du personnel soignant et de prévenir la propagation de l’infection (jusqu'à 2 500 € par appareil).

Le ministère de l’Économie et de l’Industrie (METI) s’est vu allouer 8,5 M €, afin de financer des projets de R&D permettant de mieux appréhender les défis liés au COVID‑19, dont des solutions d’IA d’aide à la décision. Moins d’un mois après l’adoption de ce budget rectificatif, le METI a annoncé avoir déjà versé des subventions pour 7 projets développés par des entités publiques ou privées, notamment pour le système de surveillance à distance des patients infectés, développé par le fabricant de matériel électronique médical Nihon Kohden. Le ministère de l’Intérieur et des Communications (MIC) bénéficie enfin d’une enveloppe de 4,2 M€ pour financer le développement de technologies de stérilisation par rayons ultra-violet (LED).

Par ailleurs, afin de garantir la sécurité industrielle, le METI dispose de budgets de 17 M€, pour subventionner des solutions de surveillance à distance des sites industriels utilisant l’IA (logiciels, drones…), et de 2,5 M €, gérés par la NEDO, pour financer des projets de R&D destinés à accélérer la fabrication de robots de livraison. Enfin, le ministère de l’Agriculture (MAFF) consacre une part de son enveloppe de 51 M € au déploiement de technologies « intelligentes » permettant de faire face au manque de main d’œuvre étrangère.