Résumé : Le Centre for Asia Pacific Aviation India (CAPA Inde) a publié le 25/03/2020 une étude de l’impact de la crise sanitaire actuelle sur le secteur de l’aviation civile en Inde. La note ci-dessous synthétise les points principaux de ce rapport.

Le secteur de l’aviation civile en Inde, déjà affaibli avant même le début de la crise sanitaire, pourrait connaitre 3,6 Mds USD de pertes sur le 2ème trimestre 2020

Le gouvernement indien a pris la décision de suspendre l’ensemble des vols commerciaux, internationaux comme domestiques, jusqu’au 15 avril 2020. Cette décision, qui s’inscrit parmi les mesures phares de lutte contre la propagation du nouveau coronavirus, vient toucher un secteur du transport aérien déjà fragile, et alors même que le contexte semblait s’améliorer pour les acteurs en place (l’arrêt des activités de Jet Airways en 2019 avait permis aux autres compagnies indiennes de reprendre à leur compte certaines des liaisons autrefois assurées par Jet Airways, prix modérés du carburant).

En effet, la plupart des compagnies aériennes indiennes ne sont pas prêtes à faire face à un choc, même de moindre ampleur (bilan financier fragile, peu de liquidités). Au-delà des compagnies, tous les acteurs du secteur vont pâtir de la crise en cours. En prenant l’hypothèse d’un arrêt total des activités commerciales jusqu’au 30 juin 2020, les pertes sur le 2ème trimestre 2020 pourraient atteindre 1,75 Md USD pour les compagnies, de 1,5 à 1,75 Md USD pour les concessionnaires aéroportuaires et les opérateurs, et de 80 à 90M USD pour les services d’assistance en escale. Cela représenterait entre 3,3 et 3,6 Mds USD sur l’ensemble de l’écosystème du transport aérien.

Le CAPA appelle à un plan de sauvetage d’urgence pour l’ensemble du secteur

Dans ce contexte, un soutien public est nécessaire pour sauver le secteur. Une approche en trois temps est proposée pour les compagnies aériennes :

  • Action d’urgence : apport de liquidités pour payer les salaires pendant quelques mois (discussions en cours avec le gouvernement à ce sujet)
  • Action de survie : moratoire sur les paiements dus pour 3 à 6 mois (taxes aéroportuaires, carburant, GST -équivalent de la TVA-) ; rééchelonnement des intérêts et créances pour les 3 à 6 prochains mois.
  • Préparation de la reprise : intégrer le kérosène au système de GST et ainsi pouvoir bénéficier du système de crédits associés, ou bien abaisser les taxes à 4% ; suspendre les taxes aéroportuaires jusqu’à 3 à 6 mois après la reprise des opérations ; s’assurer de la disponibilité de prêts bancaires attractifs pour le secteur ; envisager, selon la sévérité de la crise, des subventions directes.

Pour les autres acteurs du secteur, les recommandations sont les suivantes :

  • Aéroports gérés en PPP : décalage pour 3 à 6 mois du paiement de la part de chiffre d’affaires due à Airport Authority of India (AAI) ; ce décalage pourrait, selon la sévérité de la crise, se transformer en annulation, ou être compensé par une subvention publique directe ; suspension des intérêts et créances principales pour 3 à 6 mois ; suspension des paiements dus au titre de la GST et autres taxes pour 3 à 6 mois.
  • Airports Authority of India (AAI) qui gère les services de la navigation aérienne et les aéroports publics : soutien financier de la part du gouvernement pour permettre à AAI de faire face à la diminution de ses revenus engendrée par les mesures de soutien aux autres acteurs.
  • Services d’assistance en escale : décalage, réduction ou annulation des royalties dues aux opérateurs aéroportuaires ; apport de liquidités pour payer les salaires ; suspension des intérêts et créances principales pour 3 à 6 mois ; suspension des paiements dus au titre de la GST et autres taxes pour 3 à 6 mois.

Si les enjeux de court-terme sont les plus urgents, la préparation dès à présent de la phase de reprise des activités est l’aspect le plus important des mesures de soutien que devra prendre le gouvernement indien.

 

La crise va modifier en profondeur le transport aérien : quelques scénarios probables

  • Il est possible que les compagnies les plus faibles ne se relèvent pas de la crise. Même les plus solides (Indigo et SpiceJet) pourraient cumuler des pertes de 1,25 à 1,5 Md USD sur le premier semestre 2020, et voir leurs réserves de liquidités épuisées.
  • Il est très probable que des commandes d’appareils soient repoussées ou annulées, et que des contrats de location soient rompus avant terme.
  • Tata Sons, propriétaire majoritaire d’AirAsia et Vistara, sera peut-être amené à rationaliser son portefeuille et n’opérer qu’une seule compagnie.
  • La privatisation d’Air India n’aura probablement pas lieu cette année. Le gouvernement doit se préparer à assumer les coûts du maintien des opérations de la compagnie publique d’ici là, ce qui pourrait nécessiter un soutien financier de 1,5 Md USD pour garantir sa survie.
  • Selon la durée des interruptions de vol et la difficulté de reprise des activités, le trafic international depuis/vers l’Inde pourrait diminuer de 30 à 50% sur la période T2 2020-T1 2021 par rapport à l’année précédente. Ceci n’est qu’une estimation, il est difficile de prévoir comment le secteur va évoluer dans les prochains mois.
  • Il est probable que les aéroports de Delhi et Mumbai soient amenés à concentrer les activités sur un seul terminal pendant un certain temps à la reprise des activités.