Regards sur l'économie italienne

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FOCUS

L’adoption de la loi de finances pour 2020

La loi de finances pour 2020 prévoit des recettes pour 584 Md€ (+9,6% par rapport à 2019) et des dépenses pour 662,6 Md€ (+4%). Le déficit est maintenu à -2,2% du PIB, alors que la dette est progressivement réduite sur le triennal (de 135,7% en 2019 à 135,2% en 2020, puis 133,4% et 131,4% en 2021 et 2022). La pression fiscale demeure stable à 42%. L’impact de la politique budgétaire serait modeste sur la croissance (+0,2 point de PIB) qui devrait augmenter à +0,6% en 2020 (sous le niveau de la moyenne de la zone euro à +1,2%).

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Les mesures phares de la loi de finances sont : le nouveau report de la hausse de la TVA , la réduction du coin fiscal (- 3 Md€), la relance des investissements (+11% de dépenses en capital par rapport à 2019) et la politique de l’environnement dite  « Green New Deal » (4,24 Md€ sur 2020-2023), la politique familiale (bonus bébé et crèches pour environ 0,5 Md€ en 2020), avant la création d’un fonds unique dès 2021 (doté d’ 1,04 Md€). Les principales couvertures reposent sur la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales (+3 Md€), la spending review (2,9 Md€ sur le triennal), la fiscalité (dont remodulation de taxes pour 1,5 Md€, hausse de la taxation sur les jeux pour 1,3 Md€, création de la « sugar tax » et « plastic tax » pour 0,2 Md€), un gel budgétaire (1 Md€) et le recours au déficit (16,3 Md€).

Le gouvernement  a annoncé qu’il travaillait à  un chrono-programme des réformes prioritaires  jusqu’ à 2023.

CONJONCTURE ECONOMIQUE

Les écarts régionaux continuent de se creuser

Croissance : en 2018, le Mezzogiorno a enregistré une croissance de +0,6% (contre +0,9% dans le Centre-Nord) ; en 2019, le Sud devrait connaître une récession avec une croissance  de -0,2% (contre +0,3% dans le centre-Nord). L’écart de PIB (valeur) qui était de 10 points en 2018, devrait se creuser davantage. Le Sud souffre d’un recul de la consommation privée (lié à la baisse des revenus et de l’emploi) et des administrations publiques, d’une stagnation de l’investissement privé et de la  poursuite de la baisse de l’investissement public. En 2020, le Sud devrait connaître une reprise modeste de +0,2% (contre +0,7% dans le Centre-Nord).

Emploi : La création de 3 millions d’emplois serait nécessaire pour combler l’écart du taux d’emploi avec le Centre-Nord. En 2018, la population active dans le Mezzogiorno était de 4% inférieure à son niveau pré-crise de 2008 (-260 000 emplois), alors qu’elle était de 2,8% au-dessus dans le Centre-Nord (+437 000). En 2019, à mi année, les créations d’emplois continuent de baisser dans le  Mezzogiorno (-0,3%) et progressent dans les autres parties de l’Italie (+0,8%). La précarité repart à la hausse, avec une croissance du travail à temps partiel (+1,2%). Le taux d’emploi des jeunes s’’établit à 29% dans le Sud, niveau inégalé en Europe.

Démographie: le Sud devrait perdre plus de 5 millions d’habitants pour atteindre 15,8 M dans les 50 ans à venir, quand le Centre-Nord devrait perdre 1,5 million d’habitants (à 38,3 M). La diminution s’accompagne d’un vieillissement non-soutenable, d’une dénatalité et de l’émigration des jeunes et des actifs.

Le plan de G. Provenzano, ministre pour le Sud : 100 Md€ sur 10 ans

La loi de finances pour 2020 comprend des mesures de soutien pour le Sud pour 1,5 Md€. Parmi celles-ci, figurent le crédit d’impôt pour les investissements, la création d’un fonds « Cresci al Sud » (150 M€ en 2020 et 100 M€ en 2021), le dispositif « Resto al Sud » destiné aux jeunes entrepreneurs de 18 à 45 ans, la banque pour le Mezzogiorno, des infrastructures sociales (crèches, écoles, centres de santé) et le refinancement du Fonds de développement et de cohésion (5 Md€ sur 2021-2025).

Selon le ministre, les trois premières années permettraient la mise en œuvre des nouveautés de la loi de finances, alors que les sept suivantes emploieraient les fonds européens. Il propose de réformer l’agence pour la cohésion territoriale en associant les administrations concernées à toutes les étapes du processus : du lancement des appels d’offre jusqu’au reporting final. Les cinq axes prioritaires d’intervention de l’agence de cohésion territoriale sont l’école, l’innovation, les infrastructures, l’environnement et les zones économiques spéciales (dotées chacune d’un commissaire spécifique).

La fin de la « décennie horrible » de l’économie italienne ?

La première décennie du XXIème siècle sera celle  de la croissance la plus basse depuis l’unité italienne. Le PIB a augmenté en moyenne de 0,2% par an, contre 2% pour l’Allemagne, 1,3% pour la France et 1% pour l’Espagne, selon Carlo Cottarelli, directeur de l'observatoire des comptes publics (Université catholique de Milan). Ce recul  s’expliquerait par la faiblesse de la croissance du revenu par habitant, en raison d’une productivité stagnante, et par le déclin démographique. L’investissement a lui aussi reculé, passant de 19,4% du PIB en 2009 à 17% en 2019. Le nombre de pauvres est passé à 5 millions. En revanche, le solde commercial est devenu positif (+2,5% du PIB, contre -2%  en 2009).

Les comptes trimestriels des administrations, des ménages et entreprises

Selon l’ISTAT, au 3ème trimestre 2019, le déficit des administrations publiques  (APU) se résorbe légèrement à -3,2% du PIB sur les 9 premiers mois de 2019 (contre -3,4% sur la même période en 2018). Le solde des APU, hors les intérêts de la dette (excédent primaire) reste stable à +0,3%. Le déficit des opérations courantes se résorbe à -0,2% (contre -0,3%). En conséquence, la pression fiscale augmente légèrement pour atteindre 39,2% du PIB (contre 38,9%).

Le revenu disponible des ménages a augmenté de 0,3% (par rapport au 2ème trimestre) et leur consommation de +0,4%. Le taux d’épargne tend à baisser pour atteindre 8,9%. Compte-tenu d’une inflation stable, le pouvoir d’achat des ménages augmente modérément (+0,3%).

La situation des sociétés non financières s’améliore : au 3ème trimestre, la part des bénéfices[1] s’est maintenue à 40,7%, tandis que le résultat brut d’exploitation et la valeur ajoutée ont progressé de 0,5%. Leur taux d’investissement reste stable à 21,4% (+0,1 pp par rapport au trimestre précédent).

Les vacances de Noël permettent la relance du tourisme italien

Selon la Confesercenti, l'une des principales associations professionnelles du secteur, les vacances d’hiver à la fin de l’année 2019 ont donné un nouvel élan au secteur touristique italien.

Plus de 19 millions d'Italiens ont pris des congés entre Noël, le Nouvel An et l'Épiphanie, soit 1,3 million de personnes de plus par rapport à 2018. Cependant, la dépense moyenne par personne a reculé en passant de 734 euros en 2018 à 684 euros, pour un chiffre d'affaires global supérieur à 13 Md€.

L’Italie reste la destination préférée par 76% des vacanciers nationaux. Les villes d'art se situent au premier rang des destinations privilégiées (42%), suivies de la montagne (25%). La légère baisse des voyages en famille (37% en 2019 contre 40% en 2018) est compensée par le succès des vacances de fin d’année à deux (38% contre 31% l'année dernière). La durée moyenne des voyages des Italiens s’établit à 5,1 jours, conforme à celle de 2018 (5,6 jours). Par ailleurs, en 2019, les vacances de courte durée (deux jours) ont augmenté (+13% d’Italiens contre +9% en 2018).

L’Italie attire les investissements français dans le secteur de l’hôtellerie

La société d'investissement française Covivio (ex-Foncière des Régions), opérant dans le secteur immobilier, a annoncé, le 6 janvier 2020, l'acquisition de huit hôtels haut de gamme (quatre et cinq étoiles) pour 573 M€. Quatre sont en Italie et situés à Rome (Palazzo Naiadi), Florence (Palazzo Gaddi) et Venise (Dei Dogi et Bellini). L'opération sera effective à compter du second semestre 2020. Les établissements seront gérés sous les marques NH Collection, NH Hotels et Anantara Hotels & Resorts au titre de baux de long terme (15 ans extensibles à 30 ans).

Cette opération illustre la tendance des investissements français dans le secteur de l’hôtellerie italienne déjà lancée par le géant français du luxe à la fin 2018. LVMH a finalisé, en avril 2019, l'acquisition de Belmond, un groupe hôtelier haut de gamme, qui détient en Italie 50% de la valeur des hôtels. Rome, en particulier, attire la plupart des investissements dans ce segment. Au premier semestre 2019 la capitale a enregistré 220 M€, c’est-à-dire presque la moitié des investissements de l’année précédente (500 M€). Les volumes d'investissements totaux dans l'hôtellerie italienne de janvier à juin 2019 marquent un record de 2,3 Md€, en hausse de 310% par rapport au premier semestre 2018.

Record du chiffre d’affaires pour l'industrie de la mode masculine italienne en 2019

Selon Confindustria Moda, la principale association des professionnels du secteur textile, l’année 2019 a enregistré un chiffre d’affaires de presque 10 Md€ dans l’industrie de la mode masculine italienne, soit +4% par rapport à l’année précédente. Cette croissance est tirée, pour la deuxième année consécutive, par les exportations, qui ont augmenté de 7,8% en 2019 (soit près de 7 Md€) et représentant 70% du chiffre d’affaires.

Les marchés étrangers les plus dynamiques en 2019 ont été le Royaume Uni, la Suisse (comme centre logistique) et le Japon avec une croissance de 20% environ, suivis par la Chine (+13,9%), les Etats Unis (+10%), la Corée du Sud (+15%,7%), l’Allemagne (+5,5%), la France (+9,3%) et Hong Kong (+8,5%). Toutefois, le marché intérieur continue à reculer depuis des années en baissant encore de -3,5% en 2019.

SECTEUR FINANCIER

Le fonds interbancaire de protection des dépôts (FITD) et Mediocredito Centrale travaillent à la recapitalisation de Banca popolare di Bari (BpB)

A la suite de plusieurs exercices déficitaires (400 M€ de pertes escomptées pour 2019) et de gestion opaque, la BpB (19e banque d’Italie en taille de bilan, 13,6 Md€) a été placée sous administration temporaire par la Banque d’Italie le 13 décembre. Ses administrateurs temporaires sont chargés de préparer sa recapitalisation estimée à 1,4 Md€. Conformément à un accord-cadre signé fin décembre entre BpB, le FITD et la banque publique Mediocredito Centrale (MCC, 100% détenue par Invitalia, propriété de l’Etat), elle reposera sur une intervention conjointe « publique » (MCC) et « privée » (FITD), dont les montants respectifs ne sont pas encore arrêtés. L’augmentation prochaine des fonds propres de MCC de 900 M€ (par l’intermédiaire d’Invitalia), en application d’un décret-loi  du 16 décembre 2019, sous-tendra l’intervention publique, tandis que l’engagement du FITD sera limité à 700 M€. 310 M€ ont déjà été versés fin décembre par le FITD pour permettre à BpB de respecter un niveau de fonds propres conforme aux exigences.

La recapitalisation est conditionnée aux résultats d’un audit de la situation financière de BpB, à la cession d’un portefeuille de 1,9  Md€ de crédits détériorés, à la réduction des coûts opérationnels (900 licenciements sur un total de 3 000 employés, fermeture d’agences), à la réalisation d’un plan industriel et sa transformation en société par actions, ainsi qu’à l’accord de la Commission sur sa conformité aux règles sur les aides d’Etat. Le plan de sauvetage ne contient aucun dispositif de soutien aux 69 000 actionnaires (env. 1Md€), dont 85% résident dans le sud du pays

L’Etat précise sa stratégie de sortie du capital de Monte Paschi di Siena (MPS)

Actionnaire principal de la banque siennoise (68%), l’Etat, qui depuis 2015 a investi plus de 6 Md€ dans MPS, s’est engagé auprès de la banque centrale européenne (BCE) à sortir de son capital d’ici fin 2021. La stratégie prévoyant les modalités de sortie, initialement attendue mi-2019, est en cours de définition et devra être remise à la BCE « début 2020 ». Le Trésor négocie avec la Commission (DG COMP) pour défendre un scenario de sortie reposant sur une opération innovante de transfert d’un portefeuille d’environ 11 Md€ de crédits détériorés (env. 70% du total) à la société publique AMCO[2] à un prix proche de leur valeur comptable (soit 54% de leur valeur nominale), préalable à toute opération de fusion avec une autre banque. Les scenarii discutés, cession d’une part du bilan de MPS à AMCO (actifs et passifs) comprenant 11-14 Md€ de NPL ou création d’un véhicule ad hoc capitalisé par MPS (1 Md€), auquel seraient transférés les NPL, in fine acquis par AMCO (éventuellement en contrepartie d’actions AMCO), pourraient, en l’état, contrevenir aux règles européennes sur les aides d’Etat.

47 879 demandes adressées au fonds d’indemnisation des épargnants

Le fonds d’indemnisation des épargnants (FIR), prévu par la loi de finances pour 2019 et doté de 1,57 Md€ sur 2019-2021 en faveur des épargnants (actionnaires, obligataires) victimes d’opération de misselling par certaines banques (300 000 ayants droit), est opérationnel depuis le 18 août 2019. La procédure d’indemnisation (limitée à 100 000€ par épargnant) est « automatique » pour les demandeurs dont le revenu annuel est inférieur à 35 000€ et le patrimoine financier inférieur à 100 000€ (soit 90% des demandes potentielles). Les autres demandes seront instruites par une commission technique ad hoc. En raison de difficultés technique et administrative[3], le délai de 180 jours (18 février 2020) initialement prévu pour le dépôt des demandes d’indemnisation a été prolongé par la loi de finances 2020 de 2 mois (18 avril 2020).

Au 17 décembre 2019, le système comptabilisait 47 879 demandes, dont 19 873 en cours de compilation. Sur les 28 006 dossiers « finalisés », 92,5% sont sujets à la procédure automatique. Certains élus et association de protection des épargnants militent en faveur d’une progression des seuils d’indemnisation (30% de la valeur nominale des actions, 95% de celles des obligations subordonnées) tandis qu’une procédure de demande d’élargissement du FIR aux actionnaires et obligataires de Banca Popolare di Bari a été initiée début janvier.    

624 M€ investis entre 2017 et 2020 dans les FinTech par les banques et intermédiaires financiers

D’après une enquête publiée fin décembre par la Banque d’Italie et menée auprès de 165 intermédiaires financiers (dont 125 banques), 624 M€ ont été investis (ou programmés) dans les technologies FinTech sur la période 2017-2020, dont 391 M€ sur 2017-2018. Trois quarts de cette somme ont été investis par 10 intermédiaires dont des grands groupes bancaires, des établissements de taille intermédiaire et instituts de paiement et de monnaie électronique. 14% (93 M€) des investissements ont été réalisés en coopération avec des entreprises FinTech, notamment sous la forme de partenariat avec des incubateurs, accélérateurs et districts, mais également de prises de participations (6 M€) et d’acquisition (21 M€).


[1] La part des bénéfices est le ratio en pourcentage entre le résultat brut d’exploitation et la valeur ajoutée au prix de base.

[2] Bénéficiaire d’une augmentation de capital de 1 Md€ par l’Etat fin novembre 2019.

[3] Notamment une publication tardive, fin décembre, par la commission technique de lignes directrices indispensables au traitement des demandes d’indemnisation sujettes à la procédure non-automatique.