Une quarantaine de personnes (Ambassadeurs, CCEF, représentants d’entreprises, Cser/Cse de la région, opérateurs publics et intervenants locaux) ont participé à l’édition 2019 du Colloque annuel du comité Amérique centrale des CCEF qui s’est tenu au Salvador les 24 et 25 octobre derniers (le dernier colloque au Costa Rica remontait à mai 2017, celui prévu au Nicaragua en mai 2018 ayant été annulé, en raison des circonstances dans ce pays). Intitulé Forum ‘’Visions et Perspectives politiques et économiques de la région‘’, il a donné lieu à de nombreuses présentations interactives sur : le contexte politico-économique dans chacun des pays; les rôles et interventions de nos services économiques et opérateurs publics basés dans la région (AFD, Proparco et BPI France, notamment) ; les opportunités d’affaires et d’investissements au Salvador (pays hôte du colloque). Sur l’actualité sectorielle, deux tables rondes, en présence d’entreprises très actives dans la région, ont permis de dresser un état des lieux/perspectives sur le développement durable et l’économie digitale, secteurs très porteurs en Amérique centrale. En marge de ces séquences, une réunion plénière de réflexion et d’échanges entre nos Services, les CCEF réunis autour du président de la Commission Amérique latine du Comité national des CCEF a été l’occasion d’évoquer les pistes d’amélioration d’une redynamisation de la section régionale. Enfin et en illustration de la présence économique française dans la région, une intéressante visite de la centrale solaire au Salvador, ‘’Providencia Solar’’, du groupe Neoen a clôturé les travaux de ce colloque.

Situation politique et économique des pays du Triangle Nord et Nicaragua, vue par nos Ambassadeurs.

 

Il convenait d’emblée de rappeler un constat simple: la région était composée de pays de petite taille présentant des similitudes (pauvreté, insécurité, corruption, mauvaise gouvernance, faiblesse des politiques publiques et des infrastructures, discontinuité de l’action des Etats à chaque élection, rôle et contribution des secteurs privés dans la croissance, forte dépendance des Etats-Unis, fléau de la migration) ; et nonobstant des différences (tailles géographique et démographique, niveaux de développement/Pib/hab, degré de maturité politique et institutionnelle, état des finances publiques et de la dette, ambition et stratégie pays). De l’analyse de nos Ambassadeurs, on retenait en substance :

  • Guatemala : le Guatemala tourne la page de la crise de la CICIG (Commission des Nations unies de lutte contre la corruption) dont le mandat est arrivé à terme fin août dernier. La période de transition entre le gouvernement sortant de Jimmy Morales et entrant, de Giammattei, qui prendra ses fonctions le 14 janvier, est longue (cinq mois) et, compte tenu de l’absence de dialogue entre les deux équipes, ne permet pas une transmission efficace des dossiers. Plusieurs questions demeurent : sur la gouvernabilité, le nouveau pouvoir ne disposant que de 17 sièges au Congrès, les alliances, peu évidentes pour l’instant, devront se mettre rapidement en place ; sur la politique économique, concernant notamment le financement de la nécessaire modernisation des infrastructures (transports, équipement urbain…) dans un contexte de refus dogmatique de tout endettement public ou de tout recours à l’impôt ; sur la lutte contre la corruption enfin, qui servira largement de test pour l’opinion publique et la communauté internationale.
  • Honduras : une économie intégrée au plan régional et des indicateurs macroéconomiques plutôt positifs ces dernières années (croissance stable, dynamique des IDE, faible inflation, déficit budgétaire limité, charge fiscale la plus élevée de la région), dans un contexte cependant de grande pauvreté, corruption et violence. La situation tend par ailleurs  à se détériorer du fait de la baisse des cours du café, du cacao et des crevettes et d’ un climat politique tendu et délétère depuis la réélection en novembre 2017 (illégitime pour une grande partie de la population) du Président JOH, dont le 2ème mandat ne cesse de se fragiliser dans le contexte de la  récente condamnation de son frère par la justice américaine pour trafic de drogue à grande échelle. Ces derniers mois, des projets de réformes des secteurs santé et éducation (mal gérés) ont mis le feu aux poudres et suscité de violents mouvements sociaux. Le pays entre donc dans une phase d’incertitude politique et par ricochet économique (forte baisse de l’IDE notamment).
  • Nicaragua : jusqu’en avril 2018, le pays connaissait une croissance soutenue (4 à 5% par an), appuyée par l’investissement privé et les financements internationaux. L’association étroite du patronat (Cosep) à la gestion de l’économie offrait une perspective de développement mais aussi, sous certaines conditions, de démocratisation. La crise politique et sociale dans laquelle se trouve actuellement le pays a stoppé cette évolution. L’économie est en récession (-3,8% en 2018, -5% prévus en 2019). L’investissement privé, le crédit bancaire, les financements internationaux sont à l’arrêt. L’activité économique a fortement diminué dans de nombreux secteurs dont la construction et le tourisme. La dépense publique a été réduite. L’emploi informel et la pauvreté augmentent de nouveau au Nicaragua, pays le plus pauvre des Amériques après Haïti. En outre, les sanctions américaines pèsent sur les décisions économiques notamment dans le secteur énergétique. Dans ce contexte, l’incertitude prévaut alors que la négociation politique est suspendue et que les élections générales ne doivent pas intervenir avant novembre 2021.

Au-delà de la diversité des situations, la croissance économique dans ces pays (en moyenne régionale de près de 3,5% /an, ces dernières années), principalement dopée par la consommation privée (importance des transferts de migrants), peinait à se transformer en réel développement économique, social et humain. Mais le potentiel de développement (en infrastructures sociales et projets dans le secteur transport/logistique et des filières eau et énergie, en particulier pour rendre suffisamment compétitives et inclusives ces économies), existait bel et bien. Ce n’était plus tant une question de financements (multilatéraux, bilatéraux et aide au développement qui sont nombreux et disponibles), dans certaines limites ou réserves (Salvador et Nicaragua en particulier), que de bonne gouvernance et de volontarisme politique (et financier en termes d’engagement du risque souverain). Des opportunités seraient -tôt ou tard- à saisir par nos entreprises, intéressées par des projets, déjà bien identifiés. Dans cette perspective, notre stratégie de présence et d’influence devait se poursuivre pour accompagner nos entreprises dans leur positionnement, une fois, ces conditions réunies.

Le contexte politico-économique du Costa Rica et du Panama.

 

A contrario des pays du Triangle Nord + Nicaragua, le Costa Rica et le Panama bénéficient globalement d’une image plutôt positive et attrayante à l’international. Pour son cliché de pays écotouristique pour le premier ; pour son climat des affaires et des grands projets d’infrastructures et son important hub logistique maritime et aérien, pour le second. Le Costa Rica montre cependant certains signes d’inquiétude : un taux de popularité du Président C. Alvarado en baisse, des finances publiques critiques (d’où la nécessité de la réforme fiscale actuelle, déjà très contestée), une hausse de la délinquance et de l’insécurité, une progression des inégalités, une gestion des flux migratoires en provenance du Nicaragua et, ses  lourdeurs administratives. Le processus démocratique demeure néanmoins solide et les relations avec la France restent excellentes. Des opportunités d’affaires existent, notamment dans le secteur des transports (ferroviaire), de la santé, de l’eau/environnement et du tourisme même si elles tardent plutôt longtemps à se concrétiser.

Au Panama, pays au niveau de développement, de loin le plus élevé de la région, il est prévu une réduction de la commande publique (très dynamique ces dernières années surtout pendant la ‘’bonanza’’ économique liée aux travaux d’agrandissement du canal), suite à la mise en place par le nouveau Président Cortizo d’une surprenante politique d’austérité (non recommandée par le FMI). Sur l’épineux dossier de la transparence fiscale, notre Ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, s’est rendu en août 2019 au Panama pour évoquer l’état de notre dialogue bilatéral, après que le Panama ait été de nouveau inscrit en juin dernier sur la liste «grise» du GAFI.

Projets et perspectives en Amérique centrale vus de nos opérateurs publics basés à Mexico.

 

L’objectif de cette séquence était de faire un point d’étape sur l’activité de l’équipe France dans la zone avec notamment un focus plus prononcé sur l’activité des opérateurs.

Sur l’AFD : l’agence n’a pas de mandat sur l’Amérique centrale, le Costa Rica excepté (depuis le début de l’année). Un  choix de pays qui, parmi les participants, a suscité des interrogations sur sa pertinence du fait que les besoins en aide au développement sont plus importants dans les pays du Triangle Nord. L’AFD, compte toutefois prochainement reconduire, voire augmenter, auprès de la BCIE sa 1ère ligne de crédit (la seconde passerait ainsi  de 150 à 180 M€). Elle sera destinée à financer principalement des projets dans les secteurs des transports, de la mobilité électrique et de l’eau. La signature de la nouvelle convention de cette ligne de crédit avec la banque de développement centraméricaine est prévue courant novembre.

Proparco : la filiale de l’agence dédiée au financement des secteurs privés, intervient depuis son bureau de Mexico, sur toute l’Amérique centrale. Sa politique actuelle est d’inscrire ses opérations sur le long terme, de travailler sur fonds propres, parfois en partenariat avec d’autres acteurs (type KFC, BID Invest et FMO) ; mais aussi d’accroitre ses niveaux de risques. Proparco n’intervient que sur des projets d’entre 10-15 et 100 MUSD dans tous les pays de la région. Ses cibles de secteurs sont les ENR (solaire, éolien, hydroélectrique et géothermie : au Salvador, Honduras, Nicaragua, Guatemala, Panama et Costa Rica), ainsi que sur les lignes de crédit auprès des banques. Tout un champ d’actions que Proparco souhaite continuer à renforcer à l’avenir.

Bpifrance : avec un bureau à Mexico en charge de toute l’Amérique latine, considère l’Amérique centrale comme une zone prioritaire pour l’accompagnement et la sécurisation des entreprises françaises (PME notamment). A été présenté l’éventail des opérations de crédits export classiques de la banque (plutôt bien connu de nos exportateurs) et le financement jusqu’à 25 M EUR de projets export, possible à la différence de l’AFD et Proparco  dans tous les secteurs; avec un focus détaillé sur le nouveau produit du financement des importations par les acheteurs locaux (crédits acheteur et fournisseur), destiné notamment au développement du commerce courant avec ces pays.

Focus sur le pays hôte - opportunités d’investissement au Salvador.

 

Le Salvador disposait d’une population jeune et qualifiée, d’une façade Pacifique à développer (train du Pacifique, ports de la Union et d’Acajutla, aéroport touristique pour desservir la nouvelle petite  ‘’Riviera du Pacifique salvadorienne’’), d’une volonté politique pour la simplification des démarches administratives et un climat des affaires plus attractif ; en résumé d’un gouvernement soudé, proactif et ‘’pro Business’’.

De nombreux accords de libre-échange allaient être privilégiés. Les priorités du projet gouvernemental porteraient sur  la santé, les transports et la logistique, l’eau, l’industrie, les centres d’appels, les EnR, le numérique, le développement durable au sens large (agenda 2030 de l’ONU). Autant d’opportunités de coopération et de contrats pour les entreprises françaises.

Sur le projet à l’étude d’un système de transport public urbain (de la grande agglomération de San Salvador, en particulier), le gouvernement allait également en prendre la totale responsabilité et assurer la coordination avec les autorités locales. Le Salvador était le seul pays de la région à disposer d’une entité métropolitaine, gage pour une bonne  et opportune impulsion de ce type de projet. Pour autant, il convenait de définir clairement la répartition des compétences Etat/Autorités municipales (notamment sur la question de l’espace public).

Table ronde sur l’économie numérique dans la région.

 

Le directeur de la modernisation du gouvernement salvadorien a présenté un bref panorama du secteur numérique au Salvador. Le nouveau Président s’engage sur une gouvernance digitale avec la mise en place d’un ‘’Agenda Digital’’ visant à réduire la brèche numérique (développer les compétences numériques de la population, notamment auprès des jeunes dans les écoles). L’appropriation par la population des outils numériques permettra le développement d’une e-administration le plus intégrée possible (dématérialisation des démarches administratives, démarches fiscales, douanières, identité digitale, etc.), en faveur à terme d’une meilleure compétitivité du pays (le Salvador est l’un des rares pays d’Amérique latine à ne pas disposer d’une arrivée directe de ligne de fibre optique par la côte Pacifique, laquelle provient actuellement du Guatemala).

Thales et Sigfox, déjà bien présents dans la région, ont présenté leurs savoir-faire, expérience et bonnes pratiques de prospection des décideurs, des talents et partenaires sur le marché centraméricain. Ces groupes sont convaincus du potentiel que recèle la région en matière de numérique. Sigfox a proposé de mettre en place des accords avec des universités locales pour une meilleure connaissance du monde des objets connectés (IoT) et invité les étudiants salvadoriens à intégrer la Hacking House (incubateur IoT géré par Sigfox).

 

Antonio AVILA –

Antonio.AVILA@dgtresor.gouv.fr 

Chef de service économique au Guatemala

Clément GALLARDO –

Clement.GALLARDO@dgtresor.gouv.fr 

Guatemala, le 04 novembre 2019