Le Nigéria est un moteur de la transition numérique en Afrique. Plus d’un pôle d’innovation ou « Tech Hub » africain sur dix actif en 2019 était au Nigéria, tout comme plus de 20% des startups ayant levé au moins un million de USD en 2020. La baisse drastique des coûts de communication sur le continent a permis l’émergence d’un écosystème numérique foisonnant dont le centre névralgique se situe à Lagos. Des pôles se développent en parallèle dans les villes secondaires, cherchant à apporter des solutions aux problèmes locaux. Les initiatives du secteur privé se multiplient avec l’objectif de diversifier l’économie et l’espoir de créer des opportunités d’emplois pour la jeunesse, d’autant que les startups se sont révélées indispensables durant la pandémie de la Covid-19.

Le Nigéria offre un écosystème numérique performant.

La baisse drastique des coûts de communication en Afrique au début des années 2000 a permis au Nigéria d’effectuer un saut technologique et d’adopter directement la téléphonie mobile sans transition par la téléphonie fixe. En 2011, le pays comptait ainsi 95 millions de lignes mobiles pour 719 406 lignes fixes. Fin 2020, plus de 204 millions de lignes mobiles et 154 millions d’abonnements internet actifs étaient recensés, pour une population estimée à 206 millions d’habitants. 28 millions de nouveaux abonnements internet ont été souscrits en 2020. 

L’écosystème nigérian attire les investissements et le développement local des GAFA.

Le secteur privé nigérian a accompagné le développement de la transition numérique en Afrique. Le pays comptait 90 pôles d’innovation actifs en 2019, sur les 643 africains. La ville de Lagos est la ville africaine hébergeant l’écosystème le plus dense (devant Cape Town) à l’image du quartier de Yaba, la « Silicon Valley » du pays, où se concentrent des institutions d’enseignement supérieur (Yaba College of Technology, Univeristy of Lagos etc.), des incubateurs (CcHub) et des sièges de startups (Andela, Hotels.ng, BudgIT etc.). Bien que Lagos en reste le cœur, l’écosystème nigérian s’étend aux nombreuses villes secondaires du pays. Des pôles émergents comme Abuja (avec notamment Ventures Platform), Kaduna (avec le Kad ICT Hub), Kano ou encore Ibadan se développent et se spécialisent sur des thématiques spécifiques. Ce déploiement régional de l’écosystème explique que 60% des organismes de soutien aux startups recensées en 2018 étaient installés hors de Lagos. Emblème de la performance de l’environnement numérique nigérian, le pôle d’innovation Co-creation Hub (CcHub) a été créé en 2011. Il possède aujourd’hui une résonnance internationale grâce aux succès de certaines de ses startups (Andela, Paystack, Farmcrowdy) et aux nombreux partenariats mis en place par ses fondateurs, Bosun Tijani et Femi Longe. CcHub cherche aujourd’hui à s’étendre au reste du continent avec l’ouverture d’un design lab (centre de recherche et développement) en 2020 à Kigali.

Les start-ups nigérianes bénéficient d’une bonne reconnaissance à l’étranger qui leur permet de lever davantage de fonds auprès des investisseurs internationaux. Depuis 2009, le programme d’incubation américain YCombinator (considéré comme l’un des plus prestigieux au monde) a sélectionné 39 startups africaines dont 21 nigérianes. En 2020, 701,5 millions USD ont été levés par 397 startups africaines dont 21% du montant (150 M USD), par 85 startups nigérianes. Si les startups offrant des services financiers digitaux (fintech) restent les plus plébiscitées par les investisseurs en captant 59,4% des fonds, la pandémie de la Covid-19 a permis l’avènement des sociétés de technologies de la santé qui attirent 20,7% des financements, à l’instar de 54Gene, startup nigériane de recherche en génomique qui a levé 15M USD en 2020. Plusieurs succès antérieurs apportent également une légitimité à l’écosystème. 

Fort de sa renommée et de son marché, l’écosystème nigérian attire également les géants numériques internationaux. La visite de Mark Zuckerberg en 2016 y a permis le lancement d’un programme d’accélération avec Facebook (FbStart Accelerator). Depuis, Facebook a annoncé l’ouverture d’un bureau à Lagos, deuxième bureau d’Afrique après celui de Johannesburg. Google est également présent à Lagos, via un espace de formation pour les développeurs nigérians au sein de l’Impact Hub « Google Developers Space for Africa ». Par ailleurs, Microsoft a lancé le programme « Global Skills Initiative » de formation au numérique de 2000 jeunes dans l’Etat d’Ekiti.

Un écosystème riche en succès et qui se distingue dans les initiatives tech françaises sur l’Afrique.

Plusieurs succès apportent une légitimité à l’écosystème numérique nigérian. Certaines startups de la « première génération » sont ainsi devenues des entreprises « traditionnelles » positionnées à la frontière technologique. On peut citer Jumia, plateforme de e-commerce, première startup africaine à être entrée à la Bourse de New York, le groupe Interswitch créé en 2002, qui propose des systèmes de paiements électroniques et est devenu la deuxième licorne africaine en levant 200 MUSD auprès de VISA, le rachat de la fintech Paystack pour 200 MUSD par l’américain Stripe ou encore le « Netflix africain » IROKOtv lancé en 2011 et racheté en 2019 par Canal + (alors actionnaire minoritaire).

Par ailleurs, le Nigéria se distingue particulièrement dans les initiatives françaises tech sur le continent. En effet, l’initiative « Choose Africa » du Groupe AFD a permis d’engager 2 Mds EUR de financements depuis 2018, dont 96 MEUR pour le Nigéria au bénéfice de près de 900 entreprises et 6 000 TPE / micro-entrepreneurs nigérians. Selon Proparco, grâce à ces financements, près de 480 000 emplois directs et indirects auraient été maintenus ou pourraient être créés d’ici 5 ans au Nigéria. En parallèle, 97 MEUR ont été investis dans des fonds régionaux ou panafricains couvrant le Nigeria et investissant dans des start-up et PME, notamment nigérianes. Powerstove, cuisinière durable 100% biomasse a par exemple bénéficié d’une avance remboursable du fonds d’amorçage Digital Africa de l’AFD via leur partenaire local Greentech Capital Africa Foundation.

Le Nigéria s’est également distingué lors de l’édition 2020 du Digital Lab Africa financé par l’AFD dans le cadre du programme Digital Content Hub, avec 15% des candidatures reçues (deuxième pays derrière l’Afrique du Sud) et 3 des 8 lauréats en animation, jeu vidéo et réalité virtuelle. De plus, l’initiative française sur la Tech au Nigéria s’est structurée depuis 2020 autour du « Challenge des 1000 » lancé autour du sommet Afrique-France qui devait se tenir en juin 2020 à Bordeaux. Le Nigéria avait brillé par le nombre de candidatures reçues (près de 400) permettant de retenir 69 lauréats, contingent le plus important du continent. En outre, l’écosystème nigérian a une représentation notable à Vivatech. Une première délégation nigériane y fut envoyée grâce à une collaboration avec la vice-présidence et les acteurs de l’écosystème en mai 2018. Le concours AfricaTech 2020 lancé par Sanofi à l’occasion de Vivatech, a vu nommés 3 nigérians parmi ses 11 finalistes (SOSO Care, Natal Cares et Mobihealth).