Sur proposition du gouvernement, le Parlement kenyan a adopté, le 10 octobre, un amendement à la loi sur la gestion des finances publiques (Public Finance Management Act), portant suppression du plafond légal d’endettement qui y avait été introduit en 2015.

Cette décision permet donc au gouvernement de poursuivre sa stratégie d’investissement fondée sur l’endettement, alors que le plafond avait été dépassé en début d’année. Cette décision intervient dans un contexte de dégradation continue de la soutenabilité de l’endettement public du pays : le risque de non-soutenabilité de l’endettement public du Kenya avait été relevé de faible à modéré par le FMI début 2018, tandis que le pays ne bénéficie plus d’un programme de précaution avec le Fonds depuis septembre 2018.

Un plafond de la dette inscrit dans la loi, dans le cadre de l’intégration à la Communauté de l’Afrique de l’Est.

A l’occasion d’une série d’amendement apportée en 2015 au Public Finance Management Act 2012 (PFM Act), le parlement kenyan avait introduit au titre du règlement 26 alinéa (c) (« Fiscal Responsibility Principle ») un plafond fixant la limite d’endettement public à 50 % du PIB en valeur actualisée nette. Cette règle budgétaire s’inspirait directement du protocole sur l’établissement de l’Union Monétaire de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (CAE), signé par les Etats membres en 2013 et stipulant la même règle d’endettement public dans le cadre des critères de convergence macroéconomique.

La trajectoire fortement haussière de l’endettement public depuis 2013 a rendu inéluctable le relèvement du plafond.

La mise en place de la stratégie de développement - Vision 2030 - s’est appuyée sur un recours croissant à l’endettement, menant la dette publique de 40 à 60% du PIB entre 2013 et 2018 avec un déficit budgétaire moyen de 7 % au cours de la décennie écoulée. Selon le Directeur Général du Bureau de Gestion de la Dette publique (PDMO) du National Treasury Kenyan, la dette aurait dépassé le plafond fixé de 50 % en VAN au début de cette année, mettant de facto les autorités en porte-à-faux vis-à-vis du PFM Act. Le relèvement de ce seuil apparaissait donc comme une mise en adéquation nécessaire du cadre légal avec la réalité. Une telle décision anticipe aussi le fait que : (i) les passifs éventuels – principalement des garanties octroyées par l’État – ne sont pas pris en compte dans le calcul de la dette publique et représenteraient entre 8 et 10 % du PIB, (ii) une trajectoire de déficit public, au moins à court-terme, qui se maintient aux alentours des 6 % du PIB, induisant, compte tenu de la croissance, une hausse mécanique de 2 à 3 points de PIB d’endettement annuel.
Cette trajectoire est à la fois le fruit d’un manque de maitrise des dépenses courantes, en croissance de 14 % dans le budget 19/20, notamment sur des éléments opaques comme « Operation and maintenance » qui atteint 50 % des dépenses courantes, l’affaiblissement relatif du prélèvement fiscal, passé de 20 % à 17% du PIB en quatre ans, et le décaissement d’engagements pris, tel le prêt chinois sur le SGR, qui devrait arithmétiquement mener à l’augmentation de l’endettement.

Le parlement a donc entériné la proposition d’amendement du National Treasury visant à remplacer le plafond d’endettement par une valeur absolue fixée à 9 000 Mds KES.

Selon l’amendement à la loi adopté, le plafond de 50% d’endettement public en VAN est remplacé par un montant en valeur absolue fixé à 9 000 Mds KES (soit 86,8 Mds USD). Or, le PIB kényan est de 9 510 Mds KES (91,7 Mds USD) pour 2018, et le stock de dette publique est estimé à 5 800 Mds KES à juin 2019. Cet amendement au PFM Act permet donc, légalement, une forte hausse des capacités d’emprunt public du pays à court-terme ; le plafond étant exprimé en valeur absolue, les effets conjugués du déficit public structurel, de l’inflation et de la croissance devraient le rendre très rapidement obsolète : en 2022/23 selon les prévisions du FMI, tout en renforçant les inquiétudes sur la soutenabilité de la trajectoire des finances publiques à moyen terme.