intro

Le service économique régional de Tokyo et la start-up française Sparkup, en partenariat avec la French Tech Tokyo, ont organisé les 15 mai et 27 septembre 2019 deux séminaires « Workstyle Innovation Day ». De nouvelles éditions sont prévues en 2020.

 Le Workstyle Innovation Day est l’occasion de présenter la valeur ajoutée que des entreprises tech, y compris françaises, peuvent apporter au gouvernement japonais pour concevoir les réformes nécessaires pour répondre aux enjeux auxquels le Japon est confronté. Avec une productivité horaire moyenne de 42,05 $ en 2018, le Japon est en dessous de la moyenne de l’OCDE (48,15 $) et de la France (61,46 $, équivalent à la Suède). Le vieillissement déjà avancé du Japon provoque par ailleurs un déficit de main d’œuvre qui rend d’autant plus pressant l’adoption de nouvelles formes de travail. Les acteurs publics et privés du Japon sont aujourd’hui très réceptifs aux solutions que peuvent proposer les entreprises étrangères et les modèles sociaux de pays étrangers.

 

Amb

Les deux premières éditions du Workstyle Innovation ont réuni un public composé de représentants de start-up, PME, grands groupes et ministères japonais autour de spécialistes de l’innovation dans l’organisation du travail,  dirigeants de startups Work Tech et consultants- : Vincent Bruneau, PDG de Sparkup ; Miyuki Tsuboi, PDG de HR Advisory Service ; Fabien Brogard, PDG de HirePlanner ; Taisuke Inoue, Representative director, SparkUp Japon ; Daishiro Okada, Representative director, HLD Lab ; Seiji Sasaki, Country manager, Slack

 

Elles ont permis d’aborder des thèmes d’actualité dans les deux pays : les réformes du travail en France et au Japon en 2018 (Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel en France, Loi pour la réforme de la façon de travailler au Japon), les changements rendus possibles par les nouvelles technologies dans l’organisation interne des entreprises, la collaboration entre employés, la communication au sein de l’entreprise ou encore l’équilibre entre la vie privée et le travail.

 

SU

 

1. Les ressources humaines du point de vue des entreprises : conserver ses talents en offrant des conditions de travail épanouissantes.

Dans un contexte de déclin démographique, la concurrence entre entreprises pour recruter et garder les meilleurs talents est une réalité. Avec l’abandon progressif du modèle traditionnel d’emploi à vie, la prise en compte du bien-être au travail devient un facteur dans les choix de carrière, y compris au Japon. Les étudiants issus des meilleures universités japonaises ont ainsi de plus en plus tendance à privilégier les entreprises qui permettent un meilleur équilibre de vie. Cependant, l’appréciation du bien-être diffère selon les individus. Les entreprises sont donc amenées à aller à contre-courant des valeurs traditionnelles japonaises favorisant l’uniformité sur le lieu de travail en créant des environnements de travail adaptables à des profils différents.

2. Les enjeux de l’organisation du travail du point de vue de l’Etat : la réforme du travail au Japon.

Un équilibre est possible entre les intérêts des entreprises et le bien-être des individus. Cette prise de conscience atteint progressivement toutes les strates de la société japonaise. La « Work Style reform » adoptée au Japon en 2018 en est l’illustration. La conciliation entre vie privée et vie professionnelle est, en effet, l’un des facteurs indispensables au redressement démographique souhaité par le gouvernement japonais, qui a fixé un objectif de redressement du taux de fécondité à 1,8 d’ici 2026 (1,42 en 2018). Ces réformes encouragent notamment la diminution des heures travaillées (en particulier les heures supplémentaires non payées caractéristiques de la culture de travail japonaise contemporaine) et l’utilisation des congés payés, congés maladie et congés maternité/paternité, prévus par le droit du travail japonais mais rarement utilisés dans la pratique car socialement mal perçus.

3. Importance de la communication interne au sein de l’entreprise.

La communication interne au sein de l’entreprise peut manquer parfois de fluidité et d’efficacité. Au-delà des processus, qui peuvent être fluidifiés par la numérisation, un enjeu important au Japon est l’établissement d’un environnement de confiance. Les chiffres recueillis par Sparkup via sa plateforme collaborative lors de la conférence du 27 septembre montrent par exemple que 86% des participants déclaraient n’avoir au moins une fois pas osé s’exprimer en réunion alors qu’ils pensaient avoir une contribution pertinente, contre 44% lors d’une conférence en Espagne. Les échanges de type bottom-up (avec feedback des subordonnés) contribuent à une prise de décision adaptée mais ils peuvent être découragés par une structure hiérarchique trop rigide. Les outils technologiques innovants, comme ceux développés par les startups de Work tech[1], peuvent apporter une solution intéressante pour le Japon en se substituant aux réunions traditionnelles, à l’image de Sparkup qui offre des options de feedback dynamiques et anonymes. Les messageries de communication instantanées collectives comme celle de Slack tendent par ailleurs à favoriser l’engagement et la réactivité (communication dite active) et jouent un rôle complémentaire à celui de canaux de communication passive plus traditionnels comme les e-mails, qui offrent de leur côté une meilleure traçabilité.

4. Formation et adaptation des employés et des entreprises aux besoins contemporains.

Dans un monde dans lequel la technologie évolue en permanence, la créativité, la réactivité et l’esprit d’analyse sont des caractéristiques essentielles chez les travailleurs. Les entreprises qui veulent s’adapter aux nouvelles formes de knowledge work[2] doivent cultiver la curiosité et l’implication chez leurs employés. De façon générale, les capacités d’innovation des entreprises doivent prendre la forme d’une co-innovation. Celle-ci résulte d’une gouvernance d’entreprise donnant la priorité à l’innovation mais aussi d’un environnement de travail qui encourage les individus à contribuer. Il s’agit également d’un enjeu pour les gouvernements qui doivent moderniser à la fois la formation initiale dispensée par les systèmes éducatifs et la formation continue au sein des entreprises.

slack

[1] Pour référence, 6 des 40 start-up françaises du Next40, rendu public en septembre 2019, proposent des solutions qui s’apparentent aux Work tech : outils de collaboration participatifs, de gestion des ressources humaines, de recrutement ou de paiement des salaires, etc.

[2] Travail qui consiste à développer et utiliser du savoir en back office plutôt que de produire des marchandises ou des services.