Le gouvernement indonésien considère avec intérêt la Belt & Road Initiative compte tenu de ses besoins importants en infrastructures et de ses capacités d’investissement limitées. Au total, 91 Mds USD d’investissements ont été proposés à la Chine lors du dernier sommet d’avril. L’Indonésie pose toutefois des conditions claires afin d’assurer que les projets bénéficieront bien à l’économie locale et de préserver son indépendance.

La Chine s’affirme de plus en plus comme le principal partenaire économique de l’Indonésie. Son poids dans les échanges commerciaux n’a cessé de se renforcer. Elle est de loin le premier fournisseur du pays (23 % de part de marché en 2018) et son premier débouché (15 % des exportations indonésiennes). Surtout, le déficit de l’Indonésie à l’égard de la Chine s’est creusé, passant de 3,6 Mds USD en 2008 à 17 Mds USD en 2018. Il s’agit de son principal déficit commercial devant Singapour et l’Australie. L’Indonésie exporte principalement ses matières premières vers la Chine (plus de 75 % des exportations) qui lui vend pour sa part des biens d’équipement ou des biens intermédiaires (45 % des importations sont des machines-outils).

Le niveau des investissements directs chinois en Indonésie n’est pas encore à la hauteur de la relation commerciale bilatérale (13,6 Mds USD de stocks en 2017, au 7ème rang, en incluant Hongkong), mais progressent rapidement (les flux annuels moyens ont été multiplié par 3,3 depuis 2010).

La dette indonésienne à l’égard de la Chine a considérablement progressé. Les encours ont été multipliés par 6 entre 2010 et 2018 (la dette externe totale a été multipliée par 2 sur cette période). La Chine est passée de 9ème créditeur de l’Indonésie en 2009 (5ème en incluant HK) à 4ème créditeur en 2018 (2ème en incluant HK), devançant les Pays-Bas, l’Allemagne, Hong-Kong, le Royaume Uni et la France. Il s’agit principalement de dette privée (30 Mds USD de dette privée (y compris aux entreprises d’Etat) pour 1,7 Mds USD de dette souveraine).

Compte tenu de ses besoins en infrastructures (1500 Mds USD selon la Banque mondiale) et de ses capacités d’investissement limitées, l’Indonésie considère avec intérêt l’Initiative Belt & Road (BRI). Elle a proposé à la Chine en 2017 une première liste de projets représentant 65 Mds USD d’investissements. Cette liste a été mise à jour à l’occasion du Sommet BRI d’avril 2019. Elle compte désormais 28 projets, requérant 91,1 Mds USD d’investissement.

La plupart de ces projets se trouvent dans quatre corridors économiques, déjà ciblés en 2017, et ne concernent pas uniquement des infrastructures de connectivité :

  • Sumatra Nord où les investissements sont orientés en priorité dans la logistique autour du port de Kuala Tanjung sur le détroit de Malacca, dans la transformation des matières premières (huile de palme, caoutchouc) dont la province est un producteur important ;
  • Kalimantan Nord où la priorité est donnée à l’hydro-électricité et la sidérurgie (projet de fonderies pour aluminium, qui complémenteraient le complexe de Morowali à Sulawesi, et de gazéification du charbon en collaboration avec la Corée) ;
  • Sulawesi Nord où les projets sont principalement dans le tourisme (le nombre de touristes chinois a été multiplié par 12 en cinq ans) et dédiés au développement de la zone économique spéciale autour du port de Bitung ;
  • Bali, en priorité dans le tourisme (nouveaux ports et aéroports) et les nouvelles technologies.  

 

Huit projets supplémentaires situés hors des 4 corridors ont été ajouté cette année. Il s’agit notamment de centrales à charbon, du développement de plusieurs zones économiques (Jonggol, Ketapang et Meikarta) et de la construction d’une tour à Jakarta.

A ce stade, la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Jakarta et Bandung décidé en 2015 est toutefois le seul investissement chinois en cours de réalisation à être labélisé BRI.

Pont à Manado, Sulawesi

Pont à Manado (Nord Sualwesi),
un des corridor économiques désigné pour les investissements BRI en Indonésie,
notamment dans le tourisme

Le gouvernement indonésien a posé des conditions claires aux investissements BRI. Les projets doivent (1) utiliser les technologies avec le plus faible impact environnemental possible, (2) générer des emplois locaux en priorité, (3) créer de la valeur ajoutée localement et (4) permettre des transferts de technologies et de compétences. A ces conditions opérationnelles, s’ajoute une condition financière : les projets ne peuvent bénéficier d’une garantie souveraine et prendront en priorité la forme de projets business-to-business.

Les entreprises chinoises, en particulier les géants du numérique, participent également au développement d’une « digital silk road ». Huawei Marine a par exemple posé trois câbles sous-marins transfrontaliers en Indonésie. Alibaba et Tencent investissent massivement (plusieurs milliards de dollars au cours des deux dernières années) dans le e-commerce et les moyens de paiements électroniques. Ainsi, on retrouve des participations chinoises dans les 4 grandes licornes indonésiennes : Tokopedia et Bukupalak ont à leur capital Alibaba, pour Go-Jek il s’agit de Tencent et JD.com, et ce dernier étant également investisseur chez Traveloka.

logo des licornes indonésiennes