On voit parfois resurgir un débat sur l’aide au développement qui semble, vu d’ici, un peu décalé. Si l’aide au développement n’a pas réglé tous les problèmes, n’est-ce pas qu’elle est inefficace ? C’est une ressource complémentaire, pas une recette magique qui permettrait soudainement de multiplier la richesse des pays destinataires. La bonne question renvoie à des interrogations plus techniques de coordination et de rationalité des affectations.

On voit parfois resurgir un débat sur l’aide au développement qui semble, vu d’ici, un peu décalé. Si l’aide au développement n’a pas réglé tous les problèmes, n’est-ce pas qu’elle est inefficace ? Globalement, l’aide représente 2,9% du PIB de l’Afrique sub-saharienne (selon la Banque mondiale, en 2017). Elle complète une ressource fiscale encore insuffisante (19 % du PIB en moyenne), et elle permet de faciliter des transferts de compétences en matière de politique publique. Mais ce chiffre montre bien le caractère relatif de cet apport : c’est une ressource complémentaire, pas une recette magique qui permettrait soudainement de multiplier la richesse des pays destinataires. La bonne question renvoie à des interrogations plus techniques de coordination et de rationalité des affectations. Pour l’Afrique centrale, on peut faire deux séries de constats.
Le premier élément qui mérite d’être souligné est que les programmes qui ont été décidé au sommet de Yaoundé en décembre 2016 ont atteint leurs objectifs, pour l’essentiel. L’effort collectif des gouvernements et des bailleurs a permis à la région de retrouver le minimum de stabilité macroéconomique indispensable. La situation des dettes publiques des différents pays est désormais plus claire, le Tchad et le Congo ont renégocié une partie des encours, et la trajectoire d’ensemble est mieux contrôlée. Les réserves de change ont retrouvé un niveau acceptable. Les mesures prises pour aboutir à ce résultat ont été quelque peu disruptives pour les entreprises, générant paradoxalement plus d’inquiétude lorsque la situation se stabilisait qu’au début de la période, mais c’était probablement une situation transitoire. Les budgets publics sont revenus peu ou prou à l’équilibre. Les aides budgétaires qui ont été mobilisées ont également permis – c’est moins apparent, puisqu’on parle plus volontiers des mauvaises nouvelles que des bonnes – que l’ajustement se fasse sans peser excessivement sur les populations. La zone CEMAC n’a connu qu’une récession très courte, et elle a retrouvé des taux de croissance satisfaisants.
Le second constat, évidemment, est que tirer un bilan plus large de l’efficacité de l’aide n’est pas un exercice simple. La situation du secteur agro-pastoral au Tchad représente un enjeu important pour le développement économique du pays ; la bonne gestion de tel ou tel opérateur chargé de la gestion des services publics au Cameroun, également. Dans les deux cas les agences peuvent apporter des compétences et des financements, mais les questions posées sont de natures très différentes. Les politiques publiques doivent concilier des objectifs multiples, parfois contradictoires. Pour équilibrer les budgets et financer les infrastructures, il faut des ressources fiscales. Mais si l’impôt augmente brutalement, ou de manière imprévisible, ou sur une base trop étroite, il pénalise le fonctionnement des acteurs économiques et le climat des affaires. Les situations changent d’un pays et d’une période à l’autre. Ici, il faut faire face à l’urgence médicale ou scolaire. Là, la croissance des dernières années permet à l’Etat d’apporter les réponses qu’il souhaite, et l’aide sera mieux utilisée pour importer des compétences spécifiques qui ne se trouvent pas encore facilement – gestion des entreprises publiques, progrès technique de telle ou telle administration fiscale, par exemple. En d’autres termes, l’enjeu se trouve à trois niveaux : améliorer la coordination – non qu’elle n’existe pas, mais c’est un enjeu permanent ; adapter les projets et les priorités aux évolutions sur le terrain ; intégrer les nouveaux enjeux, en particulier dans les régions où les évolutions récentes le justifient le plus directement, en mettant l’accent sur l’accompagnement du secteur privé, l’entreprenariat et l’innovation.