Une mobilisation gouvernementale sur les principaux enjeux économiques

Le nouveau gouvernement Modi travaille à la définition de ce qui devrait être l’agenda des années à venir et a consulté largement avant la présentation du budget définitif 2019-2020.
C’est notamment dans ce cadre que le Premier ministre a reçu au sein du Think Tank NITII Aayog, une quarantaine d’économistes (dont l’ancien Gouverneur de la Banque centrale B. Jalan et un ex conseiller économique en chef au ministère des Finances) et de grands patrons (parmi lesquels ceux de ITC, Tata Sons et Tata Steels). L’idée était de recueillir leurs avis sur les priorités à définir pour compléter le train de réformes engagées lors du premier mandat et permettre à l’économie indienne de franchir un nouveau cap pour atteindre l’objectif précité à l’horizon 2024.

Cinq groupes de travail ont été préalablement identifiés, avec une présentation spécifique avant l’ouverture des discussions sectorielles. Il s’agit de l’emploi, de l’agriculture et des ressources en eau, du commerce extérieur, de la santé et de l’éducation. Ces priorités rejoignent pour l’essentiel celles que le BJP avait présentées dans son programme du 8 avril dernier, date limite de publication à trois jours de la première phase du scrutin.

  1. Emploi : c’est l’enjeu majeur dans un pays où les arrivées de jeunes sur le marché du travail frisent le million par mois. La priorité est à l’accroissement de la partie formelle de l’économie, notamment par le maintien ou le renforcement, probables, du Make in India, et à l’atténuation de l’inégalité Nord/Sud en termes de revenu par habitant (idée de favoriser les industries à forte intensité de main d’œuvre dans les Etats du Nord).
  2. Situation agraire : là encore un enjeu majeur au moment où la détresse agraire est patente dans de nombreux Etats (prix de gros insuffisants, endettement). Le premier mandat Modi a généralement été considéré comme insuffisant sur ces sujets. Parmi les mesures déjà annoncées ou qui figurent dans le programme du BJP, on relèvera notamment l’engagement de doubler les revenus des agriculteurs d’ici 2022, une aide directe promise aux agriculteurs propriétaires à hauteur de 6000 INR/an, des crédits de court-terme (1 à 5 ans) à taux d’intérêt nul dans la limite de 100 000 INR et conditionné au remboursement rapide du principal et la création d’un mécanisme d’assurance-retraite pour les petits agriculteurs afin d’assurer une retraite à partir de 60 ans. Une proposition a également concerné le développement de l’irrigation, selon un modèle plus performant expérimenté au Chhattisgarh (centre-est).
  3. De fait, la question de l’eau s’est imposée dans l’agenda gouvernemental. L’Inde fait aujourd’hui à une situation dramatique : mousson violente et surabondante au sud et à l’est, déficiente dans la majeure partie centrale du pays touchée par la sécheresse, surutilisation des nappes phréatiques, notamment dans le nord (Punjab, Uttar Pradesh). Le Premier ministre semble avoir conscience de ces enjeux et un plan à moyen terme serait en préparation pour tenter de relever les défis. Un nouveau ministère du « pouvoir de l’eau » (Ministry of Jal Shakti), figure au sein du nouveau gouvernement, qui regroupe les anciens ministères de l’eau potable et de l’assainissement, des ressources en eau, des voies fluviales et de la régénération du Gange.
  4. Sur le commerce extérieur, l’Inde est pénalisée par sa forte dépendance énergétique et sa faible capacité exportatrice en biens. Les tensions internationales sur ces aspects n’aident pas, même si l’Inde reste relativement préservée en raison de la faible ouverture de son économie vers l’extérieur. Le programme du BJP prévoit notamment le doublement des exportations, mais sans beaucoup de détails sur la façon d’y parvenir en l’absence d’éléments sur la nouvelle politique industrielle. Le Premier ministre a indiqué, pour sa part, que l’Inde devait accroitre ses exportations de céréales alimentaires, notamment à destination des pays du Golfe d’où elle importe l’essentiel de son pétrole brut.
  5. Pour ce qui est de la santé et de l’éducation, l’Inde n’y consacre clairement pas suffisamment de ressources. L’attention des experts consultés par le Premier ministre a naturellement été appelée sur la nécessité d’y affecter davantage d’investissements et de moyens, notamment pour recruter plus d’enseignants et de docteurs. Ce dernier point fait partie du programme d’avril 2019 du BJP qui prévoyait l’augmentation du nombre de médecins avec un objectif de 1 pour 1400 habitants, ou la création de 75 facultés de médecines sur l’ensemble du territoire. Les principales autres mesures déjà identifiées en matière de santé prévoient la poursuite du programme Ayushman Bharat, avec la construction de 150 000 centres de santé et de bien-être, ainsi que celle de la couverture santé minimale connue comme la « Modicare ».
Au-delà de ces secteurs identifiés, l’assainissement du secteur financier reste sur la table

La question du taux excessif des prêts non performants au sein des bilans des banques commerciales, notamment publiques (70% du total), est bien connue et régulièrement pointée par la communauté financière. Mais s’y ajoute désormais celle des institutions financières non-bancaires (shadow banking), qui ont souvent pris le relai des acteurs traditionnels dans le financement des projets immobiliers et des infrastructures et se retrouvent désormais très affectées par la crise de confiance et de liquidité suite au défaut de paiement de septembre 2018, du conglomérat IL&FS. Tant le ministère des Finances que la Banque centrale ont tenté de prévenir, à l’échelle de ce segment, les phénomènes de contagion qui pourraient résulter d’un rationnement du crédit destiné aux intermédiaires non-bancaires (et donc de sa capacité à se refinancer). Mais le signalement fait au Premier ministre met en exergue l’inquiétude qui point au sein de la communauté financière sur les vulnérabilités de cette sphère.