Du 16 au 22 juin 2019, l’équipe de la lutte contre la criminalité financière de la direction générale du Trésor, accompagnée de la délégation interministérielle française (Tracfin, ACPR, Affaires Etrangères, Justice) s’est rendue à la réunion plénière du Groupe d’Action Financière, à Orlando (Floride).

Évolution des standards, lignes directrices, typologies 

Marquant le terme de la présidence américaine ainsi que les 30 ans d’existence du GAFI, les réunions ont permis des avancées déterminantes sur : 

  •  Les standards anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme applicables aux actifs virtuels et aux prestataires de services en actifs virtuels

Les États membres du GAFI ont adopté une note interprétative du nouveau standard international (lui-même adopté en octobre 2018) sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans les Fintech, ainsi que des lignes directrices à destination des autorités de supervision et des entités assujetties de ce domaine. Ces éléments éclairent et stabilisent les normes applicables pour encadrer les actifs virtuels en matière de LCB-FT. Le GAFI continuera à suivre les développements dans ce domaine en constituant un groupe de contact avec les industries du secteur privé durant 12 mois, chargé d’accompagner ces dernières dans le développement de solutions technologiques de mise en œuvre des nouvelles obligations.

En bref, les États membres du GAFI sont désormais appelés à évaluer les risques de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme auxquels sont exposés leurs actifs virtuels et prestataires de services en actifs virtuels. Ils doivent enregistrer ou agréer de tels acteurs, et être en mesure de les sanctionner quand ils ne respectent pas les obligations qui leur incombent.

Ces obligations sont principalement de deux ordres : (i) recueillir des informations sur la clientèle (Know Your Customer) afin de pouvoir mettre en œuvre des mesures de vigilances adaptées à leur niveau de risque ; (ii) s’assurer, lors de tout transfert d’actifs virtuels, de pouvoir identifier l’émetteur et le bénéficiaire de la transaction.

Le GAFI est ainsi la première institution à définir, dans son domaine, un cadre précis de régulation pour les actifs virtuels, afin de permettre à ces innovations financières d’offrir les plus grandes opportunités tout en maîtrisant au mieux les risques possibles associés en matière de blanchiment et financement du terrorisme.  

  • Les moyens de la lutte contre le financement du terrorisme.

Les États membres du GAFI ont poursuivi leurs travaux d’identification des sources de financement de l’ÉEtat islamique, d’Al-Qaida et de leurs affiliés, en adoptant le dixième rapport (non public) sur le sujet qui met en lumière l’évolution des sources de financement de ces organisations à la faveur de leur retour à la clandestinité ainsi que de la résilience de leurs soutiens locaux. Ils ont également adopté et publié un guide de bonnes pratiques sur l’analyse des risques de financement du terrorisme à destination des autorités nationales concernées.

  • L’état de la réflexion sur l’évolution des standards internationaux de lutte contre le financement de la prolifération

À l’initiative de la présidence américaine, les États membres du GAFI ont mené un travail d’inventaire des positionnements quant à l’évolution des standards de lutte contre le financement de la prolifération, et se sont accordés à rouvrir les standards d’ici à la prochaine réunion plénière (en octobre 2019) afin de permettre (i) une meilleure prise en compte de cette menace dans les analyses nationales des risques, (ii) une amélioration des mécanismes nationaux de coopération à ce sujet.  

  • L’accompagnement des professions du chiffre et du droit dans la mise en œuvre des standards

À l’issue d’un travail d’un an sur le sujet ayant inclus une consultation approfondie et des rencontres avec les secteurs concernés, les États membres ont adopté trois textes de lignes directrices sur l’approche par les risques pour les professions du chiffre et du droit (le premier à destination des avocats, le deuxième à destination des comptables, le troisième pour les sociétés de service juridique aux sociétés et aux trusts).

 À retenir sur les évaluations et listes GAFI

  • Adoption des rapports d’évaluation mutuelle de Hong Kong et de la Grèce, accession de l’Arabie Saoudite au statut de membre du GAFI, communiqué public du GAFI concernant le retard pris par le Brésil dans l’adoption de ses textes de loi sur les sanctions financières ciblées

Comme lors de chaque plénière, ont été examinés les cadres légaux et réglementaires de deux États membres dans le cadre d’une revue par les pairs. Les rapports d’évaluation mutuelle de Hong Kong et de la Grèce seront prochainement publiés sur le site de l’institution. Ils mettront en évidence :

Pour Hong Kong, une base juridique solide en termes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, qui s’appuie sur une bonne compréhension des risques auxquels la juridiction est exposée, sur des autorités judiciaires efficaces capable de confisquer les produits du crime et de coopérer activement avec leurs partenaires internationaux. Le rapport pointera néanmoins un besoin de priorisation des efforts pour poursuivre le blanchiment de capitaux issus de crimes commis à l’étranger, et la nécessité d’améliorer la compréhension des risques liés aux institutions financières de moindre envergure ainsi que leur supervision.

Pour la Grèce, un cadre juridique performant, s’appuyant en grande partie sur les directives européennes, mais des efforts restant à accomplir pour une mise en œuvre plus efficace des volets préventif (nécessité de mieux superviser les secteurs non financier et non lucratif) et répressif de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

L’Arabie Saoudite a accédé au statut de membre de plein droit du GAFI à l’issue d’une procédure d’adhésion qui a inclus une évaluation mutuelle en juin 2018 ainsi qu’un plan d’action pour remédier aux dernières défaillances identifiées lors de son évaluation.

Le GAFI a publié un communiqué public prenant note de l’entrée en vigueur du décret n°9.825  le 8 juin 2019, supposé remédier aux défaillances identifiées à maintes reprises par les Etats membres concernant les sanctions financières ciblées et leur application au Brésil.  Toutefois, en raison des retards répétés du Brésil pour se mettre en conformité avec les standards internationaux sur ce point, le GAFI considère toujours que cette problématique pourrait entraîner la suspension de la qualité de membre du GAFI du Brésil. Les progrès réalisés par le Brésil et l’éventuelle question de sa suspension seront examinés lors de la prochaine réunion plénière, en octobre 2019.

  • Sortie de la liste grise pour la Serbie, entrée du Panama ; maintien en liste noire pour la Corée du Nord et l’Iran

Par ailleurs, les États membres ont examiné les progrès des pays identifiés comme présentant des carences stratégiques en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, afin de déterminer si leur identification publique (sur liste grise – autrement appelée liste des pays en cours de mise en conformité ; ou liste noire – autrement appelée liste des juridictions à haut risque pouvant faire l’objet ou non d’un appel à contre mesure) est toujours d’actualité.

Cet examen détaillé a conclu à l’entrée sur liste grise du Panama, alors que la Serbie en sort à la suite de la réalisation d’un plan d’action adopté en novembre 2017. L’ensemble des conclusions du GAFI concernant les juridictions présentant des carences stratégiques peut être consulté sur la page dédiée du site internet de l’institution.

Enfin, le GAFI a publié un communiqué public concernant les juridictions à haut risque, nommément la Corée du Nord et l’Iran. Ce communiqué peut être consulté en cliquant sur ce lien.

Concernant la Corée du Nord, le GAFI a maintenu son appel à contremesures

Concernant l’Iran, le GAFI a décidé de continuer la suspension des contremesures, à l’exception d’un appel à des examens de supervision renforcés pour les branches et succursales d’institutions financières basées en Iran, conformément à ce qui avait été annoncé dans le précédent communiqué (en février 2019). Le GAFI a également reconnu les progrès réalisés par l’Iran (notamment l’adoption des amendements à la loi de lutte contre le blanchiment de capitaux), et exprimé sa déception concernant les points du plan d’action non encore accomplis. Il attend de l’Iran que les progrès continuent concernant les lois et règlements restant à adopter. Si en octobre 2019, l’Iran n’adopte pas les conventions de Palerme et de Répression du financement du terrorisme en ligne avec les standards internationaux, le GAFI demandera à ses Etats membres de mettre en œuvre un reporting adapté ou systématique des transactions financières ainsi qu’un renforcement des audits externes pour les groupes financiers disant de branches ou succursales en Iran.