Le marché italien de la finance verte se structure lentement sous la pression des engagements internationaux et européens, à l’initiative de certaines entreprises. Cela se manifeste notamment par l’émission d’obligations vertes dans l’énergie, les transports et les services financiers, sur la base des « green bonds principles » de l’International Capital Market Association (ICMA).

Le marché italien de la finance verte se structure lentement sous la pression des engagements internationaux et européens, à l’initiative de certaines entreprises. Cela se manifeste notamment par l’émission d’obligations vertes dans l’énergie, les transports et les services financiers, sur la base des « green bonds principles » de l’International Capital Market Association (ICMA). Comme en France, les bénéfices escomptés sont plus réputationnels que financiers. Le gouvernement a lancé un Observatoire sur la question mais, à la différence de la France, n’a pas pris de mesure concrète d’aide à l’émergence de ce marché.La coopération entre les principales entreprises impliquées est déjà étroite, à l’échelle européenne, au sein d’un forum, où les entreprises françaises et italiennes sont bien représentées.
 
1. Des offres et des pratiques commerciales nouvelles émergent sous l’effet conjoint de la réglementation et de la demande des clients, assurés, investisseurs et consommateurs.

Certaines grandes entreprises italiennes, cotées et engagées à l’international, ont commencé au début des années 2010[1] à publier des rapports d’information extra-financière conformes aux standards internationaux, en termes de transparence et d’impacts sur l’environnement. Les entreprises financières ont commencé à développer et renforcer de nouveaux services de financements « verts » (prêts verts proposés pour l’isolation de logements privés ou l’achat d’un véhicule à basse émission carbone par certaines banques dont Intesa Sanpaolo) tandis que certains gestionnaires de fonds restreignaient l’acquisition de certains actifs au respect par leurs émetteurs de standards ESG (notamment dans le cadre de l’éligibilité au Piano Individuale di Risparmio  (PIR[2]) pour Eurizon – filiale de gestion d’actifs d’Intesa Sanpaolo). Si la généralisation de ces principes « ESG » (environnemental, social et gouvernance) dans les offres commerciales – thématique au centre de l’édition 2019 du salon annuel de l’épargne organisé début avril par l’association italienne de fonds d’investissements (Assogestioni) – contribue au renforcement de leur compétitivité, ils étaient déjà au cœur de différents pans de l’économie italienne dont le secteur coopératif (sociétés et banques) et le terzo settore[3] (dont les fondations bancaires).

 2. Le marché italien se structure désormais progressivement autour de règles intégrant les impératifs de finance verte sous l’effet du contexte international.

En écho aux engagements internationaux pris (Accord de Paris sur le climat, Objectifs de développement durable - ODD), un débat national consacré à la finance verte a été organisé en Italie. Celui s’est concrétisé par la rédaction d’un rapport « Financer le futur » proposant 18 thèmes d’actions en faveur du « verdissement » du système financier italien[4] et dont la mise en œuvre a été confiée à l’Osservatorio italiano per la Finanza Sostenibile[5] (cf. Annexe 1), créé en janvier 2018. Le ministère de l’économie et des finances[6] et les organes de supervision (Banque d’Italie, IVASS, Consob[7]) ont entamé des réflexions pour adapter le cadre règlementaire (méthodes de supervision, définition des exigences prudentielles) intégrant les risques liés au changement climatique. Mais les travaux de l’Osservatorio n’ont pas encore été suivis des mesures gouvernementales. Seule l’IVASS, l’autorité de supervision des assurances, a produit un nouveau règlement (n°38 du 3 juillet 2018) en matière de gouvernance qui prévoit explicitement (art. 4) la prise en compte, dans les stratégies, des risques environnementaux et sociaux.

3. Malgré l’absence de cadre règlementaire, les grandes entreprises italiennes recourent de plus en plus aux émissions d’obligations vertes.

Fin mars 2019, une douzaine d’entreprises italiennes (cf. annexe 2), essentiellement des secteurs énergétique et financiers, avaient émis des « obligations vertes[8] » pour un total légèrement supérieur à 10 Md€, soit environ 4% des émissions mondiales (env. 340 Md€). Faute de standards internationaux ou européens[9], ces entreprises, dont certaines se coordonnent au sein du Corporate Forum on Sustainable Finance[10], se sont préalablement dotées de « cadres de référence » (framework) sur la base des prérequis détaillés dans les green bonds principles (dont l’affectation des ressources acquises, des procédures d’évaluation et de sélection, de gestion des ressources et de reporting) annuellement établis par l’International Capital Market Association (ICMA). Si l’affectation des ressources ainsi levées sur les marchés diffère d’une entreprise à une autre, toutes ont établi un groupe de travail interne composé de collaborateurs issus de différents « métiers » de l’entreprise, responsable de la sélection des projets éligibles et de l’élaboration des documents de suivi (rapport d’impact environnemental et rapport d’allocation des ressources), à destination des investisseurs et clients, soumis à l’audit d’une entité tierce.

Pour la plupart des entreprises émettrices d’obligations vertes, ce n’est pas tant l’optimisation de conditions de financement sur les marchés (in fine quasiment identiques, à ce stade de développement du marché pour ce type de produits, à des émissions de titres semblables) ou la survenue de difficultés de financement qui ont motivé leur démarche. Celle-ci est recherchée, malgré les coûts significatifs de conformité, par la diversification (profil, nationalité) des investisseurs qu’elle permet, notamment auprès de fonds d’investissements restreignant leur activité à certains critères environnementaux, ainsi que le suivi « certifié » d’engagements tangibles en faveur de l’environnement (cf. rapports d’information non-financières) exigé par certains types d’investisseurs et actionnaires à des fins réputationnelles.

4. La structuration d’une plateforme d’échange spécialisée à Borsa Italiana facilite les projets d’émissions d’obligations vertes.

En mars 2017, le groupe Borsa Italiana a élaboré une procédure précise permettant la cotation et l’échange d’obligations « vertes » et « durables » sur son segment ExtraMOT Pro[11], notamment pour faciliter la constitution de paniers obligataires (Echange-Traded Fund ou fonds négociés en bourse) « vert » ou « durable ». Fin septembre 2018, 65 « obligations vertes » émises par 12 entités étaient échangées sur cette plateforme, contre 71 en janvier 2019 et actuellement 75 (14 émetteurs différents) dont plus de la moitié (37) émise par des organismes multilatéraux (BEI, Banque Mondiale dont IFC). Le reste est constitué d’émetteurs souverains (7), d’agences de développement et de promotion nationale (10) et d’entreprises dont Enel (3), Iren (2), Hera (1) et la Société générale (2).

La structuration des plateformes d’échanges, associée à celle des conditions d’émission et à leur standardisation, a progressivement renforcé la demande des marchés, déjà initialement forte, pour ces produits. Si entre 2014 et 2017 chaque émission suscitait une demande 2 à 4 fois supérieure aux titres émis, ce multiple est depuis compris entre 4 et 6 (cf. annexe 2). 



[1] Sous l’effet notamment de la directive 95/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014, modifiant la directive 34/2013 relative à la communication d’informations à caractère non financier et d’informations sur la diversité par des entreprises ou groupe de grandes dimensions (transposé en législation italienne par le Dlgs n°254 du 30 décembre 2016.

[2] Piano Individuale di Risparmio. Dispositif d’allègement fiscal établi par la loi de finances 2017 afin de favoriser l’investissement de personnes privées dans des PME/PMI. Limité à 30 000€/an (et un maximum de 150 000€), ce véhicule fiscal permet aux épargnant de bénéficier d’une exonération totale des revenus et plus-values générées, sous conditions de respecter une période d’investissement initiale de 5 ans et d’affecter une part significative de l’investissement sur des titres émis par des sociétés établies en Italie

[3] Le terzo settore ou le « troisième secteur » est un statut juridique reconnu par la loi (D.Lgs. 117/2017) comprend un panel d’entités à but non lucratif regroupant plus de 300 000 associations, entreprises sociales etc. Son appellation renvoie à sa situation eu égard à l’administration publique (premier secteur) et les activités privées (second secteur).

[4] Ce rapport est le fruit du « Dialogue national de l’Italie pour la finance durable », auquel a contribué les secteurs bancaires et assuranciels, à l’initiative du Ministère de l’environnement et de l’UNEP, le programme de l’ONU pour l’environnement. Les 18 thèmes se répartissent en 4 champs d’actions : établir un cadre administratif efficace, stimuler les innovations financières, améliorer l’infrastructure de marché (gouvernance, information), construire et renforcer les capacités, la prise de conscience et les connaissances. Lien vers le rapport.

[5] Cf. Annexe. Outre le suivi des 18 thématiques d’action susmentionnés, l’observatoire est chargé de créer un centre italien de la finance durable à Milan, d’être force de proposition pour que la finance verte soit mise au service de la ré-industrialisation et à assurer la bonne transposition des initiatives et évolutions normatives internationales.

[6] Création en 2017 d’un groupe technique interministériel chargé de définir les indicateurs / critères d’objectifs de développement durable.

[7] Respectivement instances italiennes de supervision et de régulation des secteurs bancaire, assurantiels et des marchés financiers. 

[8] Les liquidités acquises grâce à l’émission d’obligations vertes sont directement, intégralement ou partiellement, affectées au financement (ou refinancement) de projets précis en faveur de la transition écologique (lutte contre le réchauffement climatique, défense de la biodiversité, prévention de la pollution) en respectant les Green Bond Principles. Ces obligations sont soumises aux mêmes réglementations que les autres titres, et sont en plus accompagnés d’un reporting détaillé permettant d’assurer aux souscripteurs la bonne affectation de leurs investissements.

[9] Trois textes sont actuellement discutés au niveau européen dans le cadre du « plan d’action pour une économie plus verte et plus propre » publié par la Commission Européenne en mars 2018. Sur les deux premiers volets (transparence et benchmark), un accord du conseil a déjà été fourni en décembre 2018, les propositions de texte étant actuellement en trilogue, avec une publication au JO escomptée fin 2019 et une application mi-2021. Le troisième texte sur la taxonomie (identification des critères de définition de l'aspect vert d'une activité) fait l’objet de longs débats, mais a néanmoins été adopté par le Parlement en avril 2019.

[10] Réseau d’échange créé en janvier 2019 visant à défendre et promouvoir une finance durable contribuant à la lutte contre le changement climatique et soutenir une société durable. Son objectif principal est de contribuer au développement d’instruments financiers « verts » et « sociaux » s’inscrivant dans une logique de finance durable. Les 16 entreprises, dont Ferrovie dello Stato, ENEL et Terna (RATP, SNCF Réseau, Société du Grand Paris, EDF, ENGIE, Icade, EDP, Iberdrola, Ørsted, SSE, Tennet, Tideway, Vasakronan) sont toutes émettrices d’obligations vertes et représentent début 2019 les 2/3 de la valeur des obligations vertes émises en Europe. Plus d’informations : lien.

[11] ExtraMot est un marché géré par la Borsa Italiana pour l’échange d’obligations d’entreprise italiennes et non-italiennes qui sont déjà cotées sur d’autres marchés régulés. Le segment « pro » de l’ExtraMot inauguré en 2013, réservé aux seuls investisseurs professionnels, est dédié à la cotation d’obligations et à d’autres instruments (dont les project bonds) financiers afin de faciliter l’accès au financement de marché des entreprises et PME italiennes.