Lors de son arrivée au pouvoir en 2015, le président Macri avait annoncé le doublement du trafic intérieur pour 2019 afin d’atteindre 20 millions de passagers par an, le ministre des transports, Guillermo Dietrich, parlant à cette occasion de « révolution des avions ». Si cet objectif semble inatteignable, entre 2015 et 2018, le trafic aérien total aura tout de même progressé de 32% avec l’apparition de nouvelles compagnies. Flybondi, Norwegian et Avianca Argentina totalisent ainsi 14% du marché intérieur. L’ouverture du ciel s’est également traduite par une série de mesures visant à limiter les coûts aéroportuaires, jugés particulièrement élevés par les compagnies aériennes. Enfin, d’importants investissements ont été entrepris afin de moderniser les infrastructures et les systèmes de navigation aérienne

Panorama des compagnies aériennes argentines

Les compagnies existantes

Jusqu’en 2015, trois compagnies aériennes se partageaient l’essentiel du marché intérieur argentin et sont aujourd’hui en difficulté sous l’effet conjugué de la crise économique, de la forte dépréciation du peso argentin et de la concurrence des nouveaux entrants.

  • Membre de Skyteam, Aerolineas Argentinas a été créée en 1950 par la fusion de quatre entreprises. Privatisée et fusionnée avec Austral en 1990, elle est renationalisée en 2008. Elle exploite actuellement des Airbus A330 et A340 pour ses long-courriers et 44 Boeing B737 pour ses courts et moyens courriers. S’ajoutent à cette flotte 26 Embraer 190 exploités par Austral que la compagnie souhaite remplacer. La compagnie demeure sous perfusion de subventions publique et l’objectif zéro subvention en 2019 ne sera pas atteint. Selon le gouvernement, Aerolineas Argentinas a reçu 183 M USD de subventions en 2017 (pour environ 2,4 Mds USD de chiffre d’affaires) contre 302 M USD en 2016 et en moyenne 678 M USD par an entre 2008 et 2015.
  • Latam Argentine a été lancée en 2005, et exploite actuellement 13 Airbus A320-200 et 3 Boeing B767-300ER. En difficulté avec la crise économique et l’arrivée de nouveaux concurrents en Argentine, elle a réduit son programme de vols et réaffecté deux A320-200 au marché chilien en juillet 2018.
  • Andes était la troisième compagnie argentine avant l’ouverture du ciel argentin. Fondée en 2006, elle exploitait initialement des lignes au départ de Salta ainsi que des vols charter. Elle détient cinq McDonnell Douglas MD 83, dont l’âge moyen avoisine 30 ans. Face à la crise et à la concurrence, elle a annoncé en octobre 2018 un plan de licenciement de 40% de son personnel (480 personnes) et l’annulation de la location des quatre B737-800 qu’elle avait incorporés suite à l’ouverture du ciel argentin.
  • À ces trois compagnies s’ajoute Lade (Lineas Aereas del Estado), une compagnie aérienne appartenant aux forces armées argentines et au ministère de la Défense. Fortement subventionnée, elle assure la connexion de quelques villes en Patagonie. Elle exploite un SAAB-340 et un Fokker F-28. Enfin Sol Líneas Aéreas, créée en 2006, a fait faillite en décembre 2015 lors de la résiliation par Aerolineas Argentinas de l’accord de partage de codes liant les deux entreprises.

Les nouveaux entrants exploitant des monocouloirs de type A320 et B737

L’ouverture du ciel aérien décrétée par le président Macri a rapidement pris forme avec le lancement de nouvelles compagnies de lignes régulières. Quatre compagnies aériennes ont annoncé vouloir exploiter des monocouloirs des familles A320 et B737 en entrant directement en concurrence avec les compagnies existantes. Avianca Argentina, Flybondi et Norwegian volent déjà et le chilien Jetsmart devrait se joindre à eux courant 2019. La chute du peso argentin et la crise économique ont cependant retardé la mise en service de nouveaux appareils.

  • Avianca Argentina est la marque commerciale d’Avian Líneas Aéreas, propriété du groupe Synergy (également actionnaire majoritaire dans Avianca Holdings). Ses deux premiers ATR 72-600 ont été affectés à des lignes intérieures et son premier A320-200 devrait lui permettre de mettre en place son vol Buenos Aires – Sao Paulo.
  • Flybondi a adopté la stratégie la plus agressive. En novembre 2018, après moins d’un an d’activité, elle disposait de 7,6% de parts de marchés sur les vols intérieurs. Elle a également lancé ses premiers vols internationaux vers l’Uruguay et le Paraguay fin décembre 2018. Elle exploite des B787-800 en leasing (la moyenne d’âge de la flotte étant de 15 ans) à partir de l’aéroport militaire d’El Palomar, situé à 20 km du centre de Buenos Aires.
  • Norwegian a inauguré son premier vol intérieur en octobre 2018 avec des Boeing B737-800, après avoir lancé Londres - Buenos Aires en février 2018. Outre la capitale, elle dessert Bariloche, Cordoba, Iguazu, Mendoza, Neuquèn et Salta.
  • Jetsmart, la compagnie low cost chilienne créée par le fonds américain Indigo Partners, a inauguré ses premiers vols entre l'Argentine et le Chili en décembre 2018 (entre Buenos Aires, Córdoba, Mendoza et Santiago et La Serena) et elle prévoit d’effectuer ses premiers vols intérieurs courant 2019 avec des avions de la famille A320.
  • Buenos Aires International Airlines a également obtenu l’autorisation d’exploiter plusieurs routes sous réserve d’obtention de son certificat d’exploitation (CESA). Bien que ses dirigeants prétendent avoir le soutien du fonds américain Seabury, un grand flou entoure cette compagnie.

Les nouveaux entrants exploitant des monocouloirs de moins de 50 places

Trois entreprises prévoient d’exploiter des routes de faible fréquentation délaissées par les autres compagnies, avec un succès plus mitigé jusqu’à présent.

  • Flyest devrait jouer un rôle limité. La compagnie compte comme actionnaire l’espagnol Inversiones líneas aéreas internacionales à hauteur de 49% (ILAI est également actionnaire d'Air Nostrum et du paraguayen Ampy-Amaszonas à hauteur de 33%). L’entreprise affichait sa volonté d’exploiter 4 avions dès fin 2017, mais n’a débuté ses opérations régulière avec un Bombardier CRJ 200 qu’en novembre 2018.
  • Lasa (capitaux argentins) a débuté ses opérations en novembre 2018 avec deux Embraer ERJ 145 de 50 places avec pour objectif de relier les différentes villes de Patagonie. Après seulement 1 mois d’activité, elle s’est résolue à suspendre ses vols en raison de problèmes économiques.
  • American Jet, compagnie aérienne spécialisée dans les vols charter et affaires du groupe Via Bariloche (entreprise de bus longue distance et gestionnaire d’une station de ski) a débuté ses activités en 1984. Elle a émis le souhait de se développer depuis la ville de Neuquén avec des ATR 42.

Le trafic aérien a augmenté de 38% en trois ans

Les vols intérieurs représentaient 10,3 millions de passagers en 2015, pour 11,7 millions de passagers internationaux. En trois ans, l’ouverture du ciel argentin a permis une augmentation de 38% de la fréquentation des vols internes (14,2 millions de passagers) et de 28% des vols internationaux (15,0 millions de passagers). A titre de comparaison, entre 2012 et 2014, les variations étaient respectivement de 21% et de -1%.

Lignes intérieures

Si le nombre de passagers transportés par Aerolineas Argentinas est en hausse de 28% en 3 ans, sa part de marché s’effrite, passant de 72% en décembre 2015 à 62% en décembre 2018. Latam a transporté un nombre stable de passagers avec une part de marché en baisse, passant de de 25% à 18%. Les nouveaux entrants Flybondi, Norwegian et Avianca totalisent à eux trois 14% du marché intérieur en décembre 2018.

 

Figure 1 : parts de marché sur les vols intérieurs

Parts de marché sur les vols intérieurs

 

Lignes internationales

Sur les liaisons internationales en 2018, Aerolineas Argentinas a transporté 3,3 millions de passagers (+ 11% par rapport à 2015). Sa part de marché a en revanche diminué avec l’ouverture de nouvelles lignes par ses concurrents (21% en 2018 contre 26% en 2015). Latam profite également de l’ouverture du ciel avec un trafic en hausse de 27%, mais une part de marché de 25% contre 27% en 2015. Outre l’ouverture de nouvelles liaisons vers l’Europe et les États-Unis (voir tableau ci-dessous), Azul (Brésil), Gol (Brésil), Sky Airlines (Chili), Copa (Panama) et Amaszonas (Paraguay) ont également inauguré de nouvelles liaisons régionales.

 

Tableau 1 : ouverture des nouvelles lignes intercontinentales

Compagnie

Destination

Date du vol inaugural

Fréquence (hebdomadaire)

Avion

Air Europa

Madrid (de Cordoba, via Asuncion)

Décembre 2016

5 vols

A330-200

Level

Barcelone

Juin 2017

9 vols

A330-200

United Airlines

New York Newark

Octobre 2017

7 vols

B767-400

Norwegian

Londres Gatwick

Février 2018

4 vols

B787-900

Ethiopian Airlines

Addis Abeba

(via Sao Paulo)

Mars 2018

5 vols

B777-200

Edelweiss

Zürich

Novembre 2018

2 vols

A340-300

American Airlines

Los Angeles

Décembre 2018

3 vols

B787-900

American Airlines

Miami (de Cordoba)

Prévu en avril 2019

4 vols

B767-300

Air Europa

Madrid (d’Iguazu)

Prévu en juin 2019

2 vols

 

TAP

Lisbonne

Prévu en 2019

 

A330

Le système aéroportuaire est fortement concentré

Le système aéroportuaire argentin comprend 54 aéroports. Buenos Aires - Aeroparque est le principal aéroport argentin avec 13,4 millions de passagers en 2018. À partir du 1er avril 2019, seuls les vols intérieurs et ceux à destination de l’Uruguay seront exploités à partir de cet aéroport. Buenos Aires - Ezeiza, avec 11,2 millions de passagers, deviendra ainsi la principale porte d’entrée en Argentine. Un important effort de modernisation a été entrepris par les gestionnaires et directement par le gouvernement au travers de l’ORSNA (Organisme régulateur du système national d’aéroports). Entre 2016 et 2018, les autorités ont annoncé avoir rénové intégralement 8 pistes et construit 4 nouveaux terminaux.

Figure 2 : nombre de passagers des cinq principaux aéroports argentins

Trafic aéroportuaire

 

(i) Corporación América Airports dispose d’une position quasi-monopolistique et gère 37 aéroports, dont les huit qui dépassent le million de passagers. Elle totalise ainsi 90% de part de marché (en nombre de passagers). Sa principale filiale, Aeropuertos 2000 gère 33 aéroports depuis 1998. Le contrat a été étendu à l’aéroport de Rio Hondo en 2012 et à celui d’El Palomar en 2017. Le groupe exploite également les aéroports de Neuquèn et Bahia Blanca. Il gère au total 53 aéroports dans le monde (Arménie, Brésil, Équateur, Italie, Pérou et Uruguay).

(ii) London Supply gère les aéroports d’El Calafate, Trelew et Ushuaia pour un total de 1,7 millions de voyageurs. Ce groupe familial argentin s’est également diversifié dans l’industrie du bois, la fourniture de services maritimes et la gestion de zones franches et de boutiques de duty free.

(iii) Enfin, quelques aéroports sont gérés en régie par les provinces : Corrientes, Rosario, Santa Fe et San Martin de Los Andes.

Le gouvernement a pris une série de mesures pour stimuler le trafic aérien

L’ouverture du ciel aérien s’est également traduite par une série de mesures visant à limiter les coûts aéroportuaires, jugés particulièrement élevés par les compagnies aériennes, introduire de la concurrence au niveau des fournisseurs et flexibiliser la réglementation.

  • Libéralisation des prix des billets : une bande tarifaire avait été instaurée en 2002 pour les vols intérieurs, comprenant un tarif plancher et deux tarifs plafonds (achat à plus de 10 jours avant le vol ou moins de 10 jours avant le vol). Le gouvernement a supprimé en février 2016 les tarifs plafonds (décret 294/2016) et, les tarifs planchers pour tout achat effectué 30 jours avant le vol en juillet 2018 (décret 656/2018).
  • Facilitation du travail de pilotes ayant obtenu leur licence à l’étranger : face à la pénurie de pilotes engendrée par l’augmentation des vols, le gouvernement cherche à faciliter le travail de pilotes ayant obtenu leur licence à l’étranger. La résolution 895/2018 permet notamment de déroger aux examens théoriques et pratiques pour l’obtention d’une licence de pilote argentine, facilitant ainsi les obtentions des équivalences.
  • Fin du monopole de l’assistance en escale d’Intercargo : le décret 49/2019 de janvier 2019 ouvre le marché de l’assistance en escale à toute entreprise habilitée par l’ANAC. Jusqu’alors, seules Aerolineas Argentinas, American Airlines, qui avait réussi à obtenir une autorisation dans les années 90, et Flybondi effectuaient leur assistance en escale.
  • Modernisation des systèmes de navigation aérienne : EANA (Empresa argentina de navegación aerea) a repris en août 2016 les activités de contrôle aérien assurées jusqu’alors par la Direction générale du transport aérien qui dépend du ministère de la Défense. Elle est présente dans 56 aéroports et contrôle également les cinq régions d’information de vol (FIR) du pays. L’entreprise a entrepris un important effort de modernisation afin de faire face à la croissance du trafic aérien. En 2018, le montant total des investissements prévus était ainsi d’environ 140 MUSD.

 

Crédit illustrations DG Trésor