Premier budget du gouvernement Ligue-M5S, la loi de finances pour 2019-2021 met en place les moyens nécessaires au lancement des principales mesures politiques promises par la coalition et prévues dans leur contrat de gouvernement : revenu de citoyenneté, abaissement de l’âge de la retraite, introduction de la Flat tax, « paix fiscale ». Un effort d’une dizaine de milliards d’euros par rapport au projet initial permet en effet de réduire le déficit public à un niveau acceptable au regard des règles européennes (-2,04% du PIB au lieu de -2,4%).

 

Promulguée par le président de la République le 31 décembre 2018, la loi de finances de l'Italie pour 2019‑2021 intègre les mesures correctives qui avaient été discutées par le gouvernement avec la Commission européenne pour réduire le déficit public et éviter une procédure pour déficit excessif. Elle comprend également les mesures du « decreto legge fiscale » qui accompagne traditionnellement le projet de loi de finances, et dont l’impact estimé sur le solde budgétaire est estimé à 42 M€ en 2019.

Le montant total des dépenses de l’Etat (hors remboursements d’emprunts) est fixé à 638 Md€ en 2019.

La loi de finances prévoit 38 Md€ de mesures nouvelles en 2019

Le coût des mesures nouvelles (cf. détail en annexe) est estimé à 38,1 Md€ en 2019 (dont 0,5 Md€ au titre des mesures du decreto legge fiscale), dont 17,7 Md€ sous forme de moindres recettes qui incluent les 12,5 Md€ découlant du gel de la hausse des taux de TVA (clause sauvegarde), et 20,4 Md€ de dépenses supplémentaires, principalement en dépenses courantes (14,8 Md€). Leur coût s’accroît les années suivantes, atteignant 44,3 Md€ en 2020 puis 43,2 Md€ en 2020 (voir annexe 3).

La loi de finances autorise ainsi le lancement des mesures phares du gouvernement :

  • Revenu et pension de citoyenneté destinés à assurer un revenu minimal de 780 euros par mois, avec une première dotation de 7,1 M€ pour 2019, puis 8,1 Md€ pour 2020, et 8,7 Md€ pour 2021, qui contribuera également au renforcement des centres pour l’emploi ;
  • Révision du système de retraite (dispositif Quota 100), dont le coût passerait de 4 Md€ en 2019 à 8,3 Md€ en 2020 et 8,7 Md€ en 2021 et se réduirait ensuite de 8,15 M€ en 2022 à 7 Md€ en 2024 ;
  • Réforme fiscale, avec l’introduction de la flat tax à 15% pour les entrepreneurs individuels dont les revenus d’activité ne dépassent pas 65 000 euros et pour les entreprises qui investissent en biens d’équipement et qui embauchent en CDI ou CDD. Le coût de la mesure est estimée à 1,4 Md€ en moindres recettes en 2019 puis 3,4 Md€ en 2020 et 3,3 Md€ en 2021. En parallèle, le taux d’imposition est abaissé de 24% à 20% pour les entrepreneurs individuels dont les revenus d’activité sont compris entre 65 001 et 100 000 euros (109 M€ de moindres recettes en 2020 et 1,13 Md€ en 2021) ;
  • Fonds d’indemnisation des épargnants victimes de crises bancaires (525 M€ par an).

Pour la relance de l’investissement public, ce budget prévoit environ 4 Md€ de crédits en 2019 (4,4 Md€ pour 2020 et 4,5 Md€ pour 2021) avec l’instauration de fonds pour les investissements des administrations centrales (49,7 Md€ pour la période 2019‑2023 au lieu de 50,2 Md€ initialement prévus, dont 0,7 Md€ en 2019), des collectivités locales (2,8 Md€ en 2019, 3,2 Md€ en 2020, 1,3 Md€ en 2020) et des communes de moins de 20 001 habitants (400 M€ pour 2019). S’y ajoutent 8,8 Md€ prévus pour la période 2021-2033 pour la mise en sécurité du territoire face [1]au risque sismique et hydrologique. Deux structures sont créées, InvestItalia (évaluation des projets) et une « centrale pour la conception des ouvrages publics » (accompagnement des collectivités publiques) pour accélérer la réalisation des projets d’infrastructures publiques.

La loi de finances institue également le gel de 2 Md€ de crédits en 2019, répartis entre divers ministères, ce dispositif ayant été instauré dans le cadre de la négociation avec la Commission pour garantir le respect des objectifs budgétaires. Un point d’étape est prévu d’ici juillet 2019 afin d’évaluer le respect des objectifs et l’éventuel déblocage des crédits concernés.

La couverture budgétaire des mesures nouvelles est assurée à hauteur de 26,5 Md€

Cette couverture est assurée au moyen de recettes supplémentaires (14,3 Md€), d’autre part d’économies sur les dépenses (12,2 Md€) :

En recettes :

  • Report et révision de la déduction des dépréciations et pertes sur les crédits (4,9 Md€ de recettes supplémentaires en 2019) ;
  • Suppression de certaines dispositions fiscales (2,2 Md€) telles que le régime optionnel d’impôt sur les revenus d’entreprises à 24%, l’aide à la croissance économique ACE, le crédit d’impôt pour les investissements en nouveaux biens d’équipement ;
  • Programme de cession d’actifs immobiliers (950 M€) ;
  • Mesures de « paix fiscale » (392 M€), telles que des facilités de règlement d’arriérés d’impôts et d’amendes, des litiges fiscaux, de correction des déclarations fiscales et une nouvelle amnistie fiscale pour les dettes ne dépassant pas 1000 euros (« Rottomazione ter »). Le montant de recettes supplémentaires attendues de ces mesures atteindrait jusqu’à 1,3 M€ en 2021 ;
  • Lutte contre la fraude fiscale (337 M€) avec l’introduction de l’obligation de conservation et de transmission télématique des données de facturation aux services fiscaux ;
  • Instauration de taxes sur les services numériques (150 M€) et les transferts d’argent à l’étranger (63 M€ de recettes par an) ;
  • Hausse de la fiscalité sur les jeux et paris (450 M€ par an) ;

En dépenses :

  • Révision des dépenses publiques ou spending review (1,2 Md€ d’économies de dépenses en 2019) ;
  • Limitation de la hausse des dépenses de retraites (329M€) par la révision du mécanisme de péréquation automatique des retraites et la réduction des retraites supérieures à 100 000 euros brut annuel ;
  • Réduction du Fonds pour la pauvreté (2,2 M€) – pour financer le revenu de citoyenneté - et de fonds pour les investissements des organismes locaux (1,1 Md€) ;
  • Réduction et reprogrammation de ressources (935 M€), suite aux engagements pris envers la Commission, des fonds pour le développement du capital immatériel, le développement et la cohésion, les investissements de Ferrovie dello Stato.

La loi de finances prévoit par ailleurs une hausse des taux de TVA (clause de sauvegarde) à partir de 2020 qui engendrerait 23 Md€ de recettes supplémentaires en 2020 et 28,7 Md€ en 2021 (le taux normal de TVA atteignant alors 26,5% en 2021). Si ces hausses devaient être annulées, à l’instar de la pratique des années précédentes, le gouvernement devra identifier de nouvelles couvertures pour ne pas dégrader le solde budgétaire.

Le déficit budgétaire se creusera significativement en 2019 contribuant à un accroissement du besoin de financement de l’Etat de près de 23 Md€

  1. Le montant total des dépenses de l’Etat (hors remboursements d’emprunts) est fixé à 638 Md€ en 2019 marquant une hausse de 2,5% par rapport à 2018 (budget prévisionnel révisé)

Cette augmentation tient essentiellement à une progression de 2,8% des dépenses courantes (588 Md€ en 2019), qui s’explique par le lancement du revenu de citoyenneté et la révision du système de retraite, ainsi que, dans une moindre mesure, par une hausse de 4,7% des charges d’intérêt (+3,6 Md€) qui représenteront ainsi environ 4,4% du PIB (au lieu des 3,6% prévus dans le projet de projet de plan budgétaire révisé). La hausse des dépenses courantes tient également à celle des charges de personnels (+462 M€, pour atteindre 93,5 Md€) à mettre en lien avec la hausse programmée des rémunérations et des effectifs publics.

Les dépenses en capital baisseront de 0,3% en 2019 (à 49,7 Md€) avec une diminution des contributions aux investissements des administrations publiques (-7%, soit ‑2 Md€) et aux investissements des entreprises diminueront (-3,6 Md€ en 2019).

Les recettes fiscales de l’Etat (513,2 Md€ pour 2019) augmenteront de 1,7% en 2019. Toutefois, le montant total des recettes (hors ressources de financement) demeurerait relativement stable (578,6 Md€ contre 578,5 Md€ en 2018) en raison de la baisse attendue de 11,7% des produits et ressources non fiscales (63,2 Md€).

  1. Le déficit budgétaire se creusera de 15,4 Md€ en 2019 contribuant à un accroissement du besoin de financement de l’Etat de près de 23 Md€

En 2019, le déficit budgétaire se creusera à ‑57,2 Md€ (contre -41,8 Md€ en 2018), passant de -2,3% à -3,1% du PIB[2]. Le déficit budgétaire s’établirait ensuite à ‑41,3 Md€ en 2020 (-2,2% du PIB) et -27,3 Md€ en 2021 (-1,4% du PIB). La loi de finances autorise le gouvernement à porter le solde net à financer potentiellement jusqu’à ‑68,2 Md€, ce qui correspondrait à un déficit budgétaire à ‑67,2 Md€ en 2019 (‑3,7% du PIB).

Le besoin de financement de l’Etat (couverture du déficit et amortissement de la dette à moyen et long terme) augmentera à 290,9 Md€ (+8,5%) en 2019, représentant 16% du PIB (après 14,7%). A cet effet, la loi de finances autorise le gouvernement à emprunter jusqu’à 299,7 Md€ en 2019 puis 284,2 Md€ en 2020 et 288,7 Md€ en 2021. Le montant du service de la dette (intérêts et remboursement de la dette) dépasserait 303 Md€ en 2019 (16,6% du PIB), en hausse de plus de 3% par rapport à 2018. La charge des intérêts de la dette connaitrait une progression haussière sur le triennal (de 71,6 Md€ en 2018 à 82,7 Md€ en 2021 (soit de 4,1% du PIB à 4,3%), notamment sous l’effet d’une hypothèse de taux d’intérêt revue à la hausse.