La Croatie, comme ses pays voisins, dispose d'un système d'enregistrement des parcelles et d’un système cadastral datant des années 1880, hérité de la période Austro-hongroise et répercuté jusqu’à aujourd’hui. Les enregistrements cadastraux des terres sont gérés par les bureaux du cadastre au niveau municipal (bureaux de l'Administration publique de géodésie State Geodetic Administration , au total 116 bureaux), alors que l'enregistrement des titres de propriété est assurée par 104 bureaux des tribunaux municipaux.

Ce système doublonné est loin d’être performant et est aujourd’hui une des principales barrières virtuelles à l’investissement malgré des réformes entreprises il y a plus d’une dizaine d’année. La plupart des problèmes encourus sur les marchés foncier et immobilier et dans la mise en œuvre effective des lois sur la propriété découlent de l'état des registres : l’incohérence des données entre livres fonciers et cadastre, les nombreux arriérés attendant leur transposition sont d’abord le résultat d’une augmentation sans précédent du nombre de transactions depuis la privatisation commencée en 1992 et de l'échec à maintenir le lien entre les livres fonciers et les systèmes de cadastre remontant à /pendant la période socialiste et ayant donné lieu à des écarts importants entre les documents officiels et le réel état de l'art sur le terrain. À l'heure actuelle, les données définissant les biens dans les registres des tribunaux diffèrent de 40% de la réalité sur le terrain.

 

1. Malgré l'engagement des IFIs, les améliorations restent très lentes

De la surface totale de la Croatie, près de 71% sont des biens publics (biens communs 36,4%, propriété de l’Etat 34,2%, propriété des collectivités locales et régionales 0,15%), dont environ la moitié correspond aux zones maritimes et côtières, le solde de 29,2% représente la propriété privée. Les zones urbaines qui représentent 38,6% du territoire rassemblent 70,4% de la population alors que les zones rurales (61,3% du territoire) ne représentent que 29,6% de la population.

Depuis plus de dix ans, la Croatie a entrepris de nombreuses activités visant à améliorer les processus et organiser le système administratif des biens fonciers. Bien que des moyens importants aient été mis en œuvre notamment avec la Banque Mondiale et les fonds européens [1], le système n'est toujours pas au niveau souhaité malgré d’importantes évolutions ces 2 dernières années. D’après les statistiques actuelles, les tribunaux croates comptent encore environ 45 000  dossiers déposés par des personnes physiques ou morales mais non-traités alors qu’ils étaient plus de 300 000 en 2004…(à noter qu’un dossier incomplet est rejeté puis clôturé par les tribunaux – les procédures sont donc en totalité à renouveler).

D’autre part, seulement 27% des données cadastrales et foncières seraient en totalité alignées, 61,7% en partie et 11,3% restent à traiter.

Le gouvernement actuel reste très engagé sur la question, conscient de l’indispensabilité d’une réforme profonde du système pour favoriser l’investissement et pérenniser la croissance économique du pays. Toujours accompagné par la Banque Mondiale, une plateforme électronique commune a pu être mise en place grâce à laquelle les citoyens ont accès dans un One Stop Shop à leur titre de propriété mais surtout devrait permettre la fusion du cadastre et des livres fonciers dans les années à venir : d’après l’agenda définit la mise en place d'une nouvelle institution de tutelle est prévue d’ici fin 2018, avec une fusion physique définitive des bureaux du cadastre et des livres fonciers jusqu’à décembre 2020.

 

2. Des transactions favorisées par le tourisme et l'entrée dans l'UE

Avec l'entrée dans l'UE et la montée en puissance du tourisme, la Croatie attire de plus en plus l'attention des acheteurs étrangers. Aucune statistique officielle n'en fait encore l'état mais les agences immobilières croates qui se spécialisent dans l'accompagnement des ressortissants étrangers éstiment à plus de 5000 le nombre d'acquisitions par an, soit entre 5 et 10% du total des transactions immobilières.  

  • Immobilier urbain : la Croatie étant membre de l’UE, les transactions de biens immobiliers sont ouvertes au non nationaux.  Toute personne physique ou morale d'un État membre de l'Union européenne, a le droit à la propriété de biens immobiliers en Croatie sous les mêmes conditions que ses citoyens, sauf en ce qui concerne les terres agricoles. Pour les non-ressortissant de l'UE, l'autorisation d'acquérir une propriété est assujettie à une procédure administrative dépendant de l'existance ou non d'un accord de réciprocité entre la Croatie et le pays d'origine de l'acquéreur. 

Toute transaction immobilière est assujettie à un régime d’imposition correspondant à 3% du montant de la transaction à compter du 1er janvier 2019 (impôt sur les transactions immobilières) sauf dans le cas de l’immobilier neuf où est appliquée la TVA (25%).

  • Transactions de terres agricoles : Le pays maintient aujourd’hui une restriction sur la vente des vergers, pâturages, et autres terres agricoles à des étrangers[2], négociée durant le processus d’adhésion à l'Union européenne. En vertu du traité d'adhésion, l'ouverture complète du marché dispose d’une période transitoire de 7 ans, jusqu’en 2020, et prolongeable de 3 années supplémentaires.

Cette mesure transitoire a été approuvée afin de permettre au pays d'éliminer les insuffisances de son marché foncier agricole et du secteur agricole et d'améliorer leur compétitivité. En effet, l'ouverture trop rapide du marché pourrait avoir des conséquences négatives en raison des différences significatives entre les prix des terrains et le pouvoir d'achat des agriculteurs croates par rapport au groupe EU-15, mais aussi et surtout car le marché reste encore sous l'influence de facteurs institutionnels rendant difficile l'utilisation des terres agricoles (privatisation et dénationalisation inachevées, cadastre et livres fonciers encore en cours de mise à jour).

 

Il est aujourd’hui pour cruciale pour la Croatie de stimuler l'investissement étranger direct pour maintenir sa croissance et de rationaliser ses procédures administratives et juridiques afin de se conformer aux normes de l'Union européenne.

Pour des raisons politiques mais surtout en raison de l’état encore insatisfaisant du cadastre et des livres fonciers, l'introduction d’un impôt foncier au 1er janvier 2018 a été suspendue fin 2017, sans indication quant à sa future date de mise en œuvre. Ce type d'impôt à ce jour n’existe pas en Croatie (excepté pour les maisons secondaires) où le taux de propriété est relativement élevé par rapport à d’autres pays européens. D’après le Ministre des finances Maric, cet impôt devait remplacer différentes taxes et charges dont les ménages et les entreprises doivent actuellement s'acquitter pour développer les infrastructures locales. Ce retard prive donc les autorités locales de revenus évalués par certains experts à environ 5 Mds HRK / an.

 

 


[1] Real property registration and cadastre project 2003-2010 - 69 M USD au total (WB+CARDS+Budget)

Land Governance Assessment Framework 2015-2016 : Implementation of an integrated land administration syste Real Property Registration and Cadastre Joint Information system – 2011 – 2018 - 20,5 M EUR (WB+ IPA+Budget)

[2] Elle comporte cependant certaines exceptions comme par exemple la possibilité pour les étrangers d’hériter des terres