Depuis quelques années, le secteur des énergies renouvelables en Ukraine connaît une importante accélération du rythme d’installation des capacités (+12% en 2016 et +23% en 2017). L’indépendance énergétique recherchée par ce pays contribue à rendre le secteur des ENR prioritaire pour le gouvernement ukrainien, ce qui se manifeste notamment par un tarif de rachat très attractif et qui attire un nombre croissant d’entreprises internationales. Toutefois, à long terme, la viabilité du secteur en l’état implique de nouveaux défis, tant du point de vue du modèle économique de rachat de l’électricité que d’un point de vue de la capacité technique pour accueillir de nouvelles capacités.

1. La recherche d’indépendance en matière d’approvisionnement énergétique ainsi que la convergence vers les objectifs européens incitent les autorités ukrainiennes à développer les sources d’énergies renouvelables

a. L’Ukraine souhaite réduire sa dépendance aux importations d’hydrocarbures qui alourdissent fortement sa balance commerciale.

b. L’Ukraine souhaite également démontrer son engagement vis-à-vis de la communauté internationale.

Alors qu’elle est le 25e émetteur de CO2 au monde, l’Ukraine a été le 3e pays à ratifier les Accords de Paris en 2015. Membre de la Communauté Européenne de l’Energie (depuis 2011) et ayant conclu un Accord d’Association avec l’UE (entré en vigueur en 2017), l’Ukraine s’est engagée à intégrer l’acquis communautaire en matière énergétique. Dans ce contexte, le gouvernement ukrainien a adopté en 2014 un Plan d’Action National et une Stratégie de développement des ENR, avec l’ambition de réduire la consommation d’énergie totale et de porter la part des EnR à 11% de la consommation d’énergie finale d’ici 2020 et 25% d’ici à 2035.

2. Les autorités ukrainiennes souhaitent exploiter le potentiel énergétique des EnR, et l’encouragent via la mise en place d’incitations publiques

a. Pour promouvoir le développement des ENR, les autorités ukrainiennes s’appuient sur un tarif de rachat extrêmement avantageux.

Mis en place en 2009, le « tarif vert » est garanti jusqu’au 1er janvier 2030. Bien qu’amené à diminuer progressivement, ce tarif reste deux fois plus élevé que la moyenne européenne (ex. pour le solaire : 0,15 EUR/kWh en 2017). Autre particularité de ce cadre tarifaire : la couverture du risque de change garantie par un ajustement trimestriel des tarifs sur la base du taux de change EUR/UAH. Depuis 2015, les conditions de part locale ont été assouplies (remplacées par des mécanismes incitatifs). Enfin, depuis 2017, les projets renouvelables peuvent bénéficier d’un accord préalable d’achat (« pre-PPA » en anglais) leur donnant une garantie d’obtenir le « tarif vert » une fois l’installation énergétique agréée. Ces conditions ont encouragé les investissements dans les EnR en Ukraine : depuis 2014, le nombre d’installations d’ENR est passé d’un équivalent de 967 MW à 1,3 GW fin 2017 puis 1,8 GW au T3-2018.

b. L’Ukraine a déjà exploité son potentiel hydraulique de longue date mais dispose d’un fort potentiel dans d’autres sources d’ENR, notamment solaire et éolien.

L’énergie solaire détient le potentiel le plus prometteur en Ukraine grâce à un ensoleillement comparable à la France et susceptible de rentabiliser des projets d’installation de panneaux photovoltaïques, en particulier dans le sud du pays. Bénéficiant en outre du tarif vert le plus élevé, cette source d’énergie semble privilégiée par les développeurs : en 2017, 64 des 87 nouveaux sites de production d’EnR correspondaient à des installations solaires. L’un des projets les plus emblématiques pour le gouvernement ukrainien consiste à aménager un parc solaire dans la zone d’exclusion de Tchernobyl (capacité potentielle de 1,2 GW, ce qui en ferait l'un des plus grands parcs solaires au monde). L’énergie éolienne présente aussi un fort potentiel à travers tout le pays. Les installations existantes atteignent une capacité totale de plus de 500 MW au 1er semestre 2018. Bien que moins élevé que pour le solaire, le tarif de rachat pour l’énergie éolienne reste avantageux (de 0,05 à 0,10 EUR/kWh).

c. La biomasse, moins exploitée à l’échelle industrielle, revêt un fort potentiel en Ukraine.

En particulier, le biogaz est une source d’énergie prometteuse en Ukraine, offrant notamment la possibilité de valoriser certains types de déchets, à commencer par ceux du secteur agricole (10 à 15 Mt par an). Le coût d’investissement initial du biogaz reste toutefois élevé, limitant pour l’heure l’accès à celui-ci à de grandes entreprises : actuellement, certaines agro-holdings mettent en place des projets pilotes (exemple : développement par MHP d’un complexe biogaz de 10 MW dans la région de Vinnitsia) .Le secteur des énergies renouvelables ukrainien attire tant les investisseurs nationaux qu’internationaux

3. Les acteurs prenant part au développement des EnR en Ukraine

a. Le secteur des EnR en Ukraine regroupe majoritairement des acteurs nationaux

L’Agence ukrainienne pour l’Efficacité Energétique (AUEE) recense près de 400 entreprises intervenant dans le secteur des EnR, de plusieurs types. Le plus souvent, il s’agit d’acteurs locaux et de taille modérée, mais les grands investisseurs ukrainiens se sont progressivement intéressés à ce secteur, attirés par des rendements élevés et une relative sécurité des placements grâce à la garantie actuelle du tarif vert (parmi les grands investisseurs, on compte le groupe immobilier UDP ou encore la holding DTEK , jusque-là spécialisée dans les hydrocarbures et qui amorce une transition).

b. Le secteur des EnR, en pleine croissance, attire les acteurs étrangers en Ukraine, dont français.

Constatant l’essor des EnR en Ukraine, un nombre croissant d’investisseurs internationaux ont décidé d’y développer ou de prospecter des projets sur l’ensemble du territoire. Plusieurs entreprises françaises se positionnent, aussi bien comme développeurs qu’investisseurs.

Les financements multilatéraux révèlent que les IFIs sont mobilisées pour financer des projets dans le secteur des EnR en Ukraine.  La BERD a déjà investi plus de 200 M EUR dans des projets relatifs aux EnR en Ukraine (soit un total de 15MW) et a annoncé un programme « USELF 3 » pour les années à venir soit un investissement de près de 250 M EUR.

4. Toutefois, pour garantir un développement durable de ce secteur en forte expansion, l’Ukraine doit répondre à un certain nombre de défis

a. Le niveau élevé des tarifs de rachat soulève la question de sa soutenabilité économique et de la capacité des finances publiques ukrainiennes de le supporter à moyen/long terme.

Actuellement, une profonde réforme du cadre règlementaire des EnR est en discussion entre les acteurs du secteur. Plusieurs projets/propositions de loi sont soumis et discutés par les parties prenantes. Les institutions internationales mettent en avant des modèles alternatifs à celui du « tarif vert » actuel, notamment un système d’« enchères » pour des projets solaires et éoliens dépassant une taille critique (10 à 20 MW). Le vote d’une nouvelle loi est attendu pour l'année 2019.  Cette réforme n’aurait a priori pas d’effet rétroactif sur les projets commissionnés avant juillet 2019 (ce qui, combiné à une nouvelle baisse du tarif en 2020, est un facteur expliquant une accélération notable du nombre de demandes de commissionnement pour des projets renouvelables à l’heure actuelle).

b. Aussi, le développement de projets renouvelables à travers tout le pays, en particulier dans les régions sud, soulève des enjeux de capacités de renouvellement du réseau (« balancing »).

Les gestionnaires des réseaux de transport (Ukrenergo) et de distribution (Oblenergos) doivent anticiper le développement du réseau électrique ukrainien en prenant en compte la multiplication des centres de production d’électricité issue de sources renouvelables et les évolutions des tarifs de rachat. L’accroissement de cette future production renouvelable supposera un fonctionnement bidirectionnel des réseaux électriques et un décalage des flux, les lieux de production n’étant plus à proximité des grands centres de consommation. Certains gestionnaires de réseaux de distribution retardent ou limitent l’obtention de permis de raccordement pour des petits projets renouvelables.