Échanges Chine-Cameroun : une relation commerciale déséquilibrée en faveur de Pékin

La Chine représente depuis 2013 le premier fournisseur du Cameroun. Le montant des produits importés par le Cameroun depuis la Chine s’élevait à plus de 1 Md USD en 2016 (plus d’un cinquième du total), soit quasiment le double du montant atteint en 2010. A l’inverse, la Chine ne représente que le cinquième client du Cameroun avec un total de 150 M USD de produits exportés en 2016 (soit 7 % des exportations du pays). La structure des échanges est donc très déséquilibrée, au profit de la Chine.

Les importations chinoises se concentrent essentiellement sur les matières premières : les deux tiers d’entre elles concernent le bois, le coton et le cacao. En échange, la Chine exporte principalement des appareils électroniques (téléphones, télévisions, panneaux solaires), des matériaux ferreux (barres, produits laminés) et des engins mécaniques (notamment des turbines hydrauliques).

Outre le commerce bilatéral, la Chine affirme sa présence au Cameroun par l’intermédiaire de ses nombreuses sociétés qui mènent de grands projets d’infrastructures ou sont positionnées sur des secteurs stratégiques. C’est le cas du pétrolier Addax Petroleum (filiale du géant Sinopec), deuxième producteur de brut du Cameroun avec 30 % des parts de marché, ou du constructeur China Harbour Engineering Corporation (CHEC), bâtisseur du port de Kribi et également adjudicataire du terminal à conteneur dans le consortium composé avec Bolloré Africa Logistics et de CMA-CGM depuis 2015. Selon le dernier recensement de l’Institut national de la statistique publiée en 2018, 172 entreprises chinoises sont installées au Cameroun, ce qui fait de la Chine le pays non continental le plus représenté en nombre d’implantations.

 

 

La Chine, premier bailleur de fonds du Cameroun, finance des projets d’envergure dans tous les secteurs

La Cameroun a bénéficié d’une annulation de dette dans le cadre de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés en 2006. Entre 2007 et 2017, le montant des financements chinois a atteint 3 282 Mds FCFA (soit 5 Mds EUR) selon le ministère camerounais de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MINEPAT), faisant de la Chine le premier bailleur de fonds du pays. Ce montant se répartit en 459 Mds FCFA de prêts concessionnels, 1 092 Mds FCFA de prêts commerciaux, et 1 732 Mds FCFA de prêts « préférentiels ».

Le montant des marchés remportés par la Chine s’est accru à partir de 2010 grâce à la conclusion de contrats d’envergure visant la construction de grandes infrastructures dans les secteurs de l’hydroélectricité, des transports et des télécommunications. Le schéma de financement privilégié par la Chine est l’intervention d’une de ses banques d’export (Eximbank, ICBC, Bank of China) pour l’apport de la quasi-totalité des fonds nécessaires à la réalisation des projets.

L’hydroélectricité fait figure de secteur clé pour les sociétés chinoises qui ont assuré la construction de plusieurs édifices. Le barrage réservoir de Lom Pangar, le plus grand de ce type au Cameroun, a été bâti par l’entreprise China Water and Electricity (CWE) et mis en service en 2015. Une centrale de pied est actuellement en construction sur ce site, les travaux sont réalisés par le chinois Camc Engineering. Le barrage de Mekin, attribué en 2010 à l’entreprise China National Electric Engineering Group et financé à hauteur de 85 % par la banque chinoise Eximbank, devait être achevé en 2017. Néanmoins, les premiers tests ont révélé des dysfonctionnements et la mise en service a été retardée. Le barrage de Memvé’élé, censé être opérationnel en 2018 ne le sera pas avant 2019 en raison des retards pris dans l’installation des lignes de transport d’électricité. L’infrastructure a été réalisée par le chinois Sinohydro sur un financement de l’Eximbank (50 % du montant total).

Les sociétés chinoises construisent également des infrastructures de transport, notamment des autoroutes comme celle reliant Yaoundé et l’aéroport de Nsimalen, dont la construction a débuté en 2013 ou encore celle entre Kribi et Lolabé (emplacement du port) qui devrait être achevée en 2018. Le port en eau profonde de Kribi a également été financé à hauteur de 85 % par l’Eximbank.

Dans le secteur des télécommunications, le groupement China Unicom, Huawei Marine et Camtel a achevé la pose du premier câble sous-marin de fibre optique reliant le Brésil au Cameroun en septembre 2018.

Dans l’assainissement des eaux, le projet PAEPYS (Projet d’adduction en eau potable de la ville de Yaoundé), d’un montant total de 400 Mds FCFA (soit 600 M EUR) a été financé par la Chine à hauteur de 85 %. Enfin, Huawei technologies installe actuellement des systèmes solaires photovoltaïques dans plus de 350 localités du Cameroun. La première phase du projet avait été financée à hauteur de 85 % par le groupe chinois. La deuxième phase du projet, dont l’accord de prêt a été signé en juin 2017, atteint un montant total de 68 Mds FCFA, financé intégralement par la Bank of China.

 

Le degré d’endettement du Cameroun parait peu compatible avec une poursuite du lancement de nouveaux projets à un rythme aussi soutenu

En conséquence, la Chine est désormais de loin le premier créancier du Cameroun. Selon les données communiquées par la Caisse autonome d’amortissement, en charge de la gestion de la dette au Cameroun, l’encours de la dette chinoise s’élevait à 1 600,6 Mds FCFA au mois d’août 2018 (soit plus de 30  de l’encours total de la dette extérieure), en hausse de 17,2 % par rapport à fin 2016 et de 10,0 % par rapport à fin 2017. Bien que le Cameroun fasse preuve d’une meilleure capacité de résistance que les autres pays de la CEMAC, il a accumulé d’importants arriérés sur sa dette intérieure et le service de la dette a atteint un niveau difficilement soutenable. Le FMI a classé le pays en risque élevé de surendettement.

Les dernières visites du président Biya en Chine (mars 2018, septembre 2018) ont été l’occasion d’aborder les questions de renégociation de la dette. Des discussions ont d’ores et déjà été entamées avec Eximbank China pour l’annulation de la moitié de la dette due à cette banque et le rééchelonnement de l’autre moitié. Le montant global de cette dette serait d’environ 400 Mds FCFA. Aucune confirmation officielle n’a cependant été communiquée.