Après une longue période de sous-investissements, l’Argentine a relancé ses projets dans le secteur énergétique. Le développement des énergies renouvelable s’effectue essentiellement au travers des appels d’offres Renovar. 4,5 GW de puissance ont ainsi été attribués en 2016 et 2017. 5,5 GW devraient encore être nécessaires pour atteindre l’objectif de 20% d’électricité renouvelable d’ici 2025. En raison de la crise économique actuelle, le rythme des investissements devrait cependant fortement diminuer d’ici les élections de 2019. L’appel d’offres Renovar 3 ne concernera ainsi que 400 MW pour une puissance maximale de 10 MW par projet. Les contrats à terme entre entreprises privées peuvent toutefois représenter des perspectives, les grands utilisateurs étant également sujets à l’atteinte de l’objectif de 20% d’ici 2025. 

1. Le développement des renouvelables s’inscrit dans une relance des investissements dans le secteur énergétique

(i)        Le secteur énergétique argentin souffre d’une longue période de sous-investissement : après une longue période de 15 ans de manque d’investissement, l’Argentine a hérité d’une capacité de production insuffisante et en partie obsolète. À son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement de Mauricio Macri avait décrété « l’état d’urgence électrique » jusqu’à fin 2017. Selon le ministère de l’Énergie, les coupures d’électricité représentaient en 2014, 33 heures par an par usager (avec 7,5 coupures par an et par usager). Afin de faire face à la croissance de la demande, de l’ordre de 3% par an depuis 2010, l’entrée en service de nouveaux moyens de production sera nécessaire dans les prochaines années.

(ii)       Le développement des énergies renouvelables fait partie du plan d’action de lutte contre le changement climatique : jusqu’à 2015, la stratégie climat de l’Argentine manquait de clarté. Dans sa Contribution déterminées au niveau national (NDC) à l’Accord de Paris pour le climat présentée en 2016, l’Argentine prévoit 77 Mt eq CO2 d’émissions évitées à l’horizon 2030 (101 Mt eq CO2 pour la contribution conditionnée à l’apport de financements et de transferts de technologies). 25% de cet effort proviendra du développement des énergies renouvelables (figure 1).

(iii) L’Argentine vise un objectif de 20% d’électricité d’origine renouvelable (dont petites hydroélectricités de moins de 50 MW) à l’horizon 2025 : après les tâtonnements des années 2000, l’Argentine a accéléré le développement des énergies renouvelables (hors gros hydro) avec la promulgation de la loi 27.191 d’août 2015. Celle-ci fixe un objectif général de 20% de consommation d’électricité couverte par les énergies renouvelables au 31 décembre 2025 (environ 10 GW) avec des objectifs intermédiaires (tableau 1).

Figure 1 : objectifs de réduction des émissions de l'Argentine

objectifs de réduction des émissions

 

Tableau 1 : objectifs de consommation d’électricité d’origine renouvelable (hors gros hydro)

Èchéance

Fin 2017

Fin 2019

Fin 2021

Fin 2023

Fin 2025

Consommation électrique d’origine renouvelable

8%

12%

16%

18%

20%

 

2. L’essor de la production électrique d’origine renouvelable s’effectue essentiellement dans le cadre du programme Renovar

 (i)        Trois appels d’offres ont eu lieu en 2016 et 2017 : les projets attribués dans le cadre des appels d’offres Renovar bénéficient d’une durée de contrat d’achat d’électricité de 20 ans et d’un tarif à prix fixe en dollar. Les deux premiers appels d’offres ont été lancés en 2016 et le troisième en 2017 par CAMMESA (l’entité administratrice du marché électrique argentin). 147 projets ont été attribués pour un total de 4,5 GW de puissance et une production qui devrait atteindre 15 000 GWh par an. Ces projets devraient permettre de multiplier par cinq la production d’électricité d’origine renouvelable, qui représentait en 2017 seulement 2% de la production électrique totale du pays. Si la petite hydroélectricité (puissance inférieure à 50 MW) assurait l’essentiel de cette production (figure 2), l’appel d’offres Renovar marque l’essor de l’éolien et du solaire qui représentent 96% de la puissance attribuée (figure 3). D’ici fin 2018, 28% des installations attribuées en 2016 (phase 1 et 1.5) devraient entrer en service, et 62% seront en construction. Les prix d’achat sont par ailleurs très compétitifs, avec une moyenne de 41 USD/MWh pour l’éolien et 43 USD/MWh pour le solaire (figure 4) lors de l’appel d’offres de 2017.

(ii)       Pour rassurer les investisseurs, trois échelons de garantie ont été mis en place : compte tenu de la perception de l’Argentine comme un pays à risque élevé, la réussite de Renovar a exigé de la part des autorités un schéma de suretés et de garanties renforcé.

  • a/ Garantie de paiement de l’électricité : en cas de défaillance de CAMMESA pour honorer les contrats d’approvisionnement, le fonds FODER se substitue à CAMMESA et prend en charge le paiement de l’électricité.
  • b/ Garantie souveraine : en cas de défaillance prolongé de CAMMESA et d’épuisement des réserves du FODER, ce dernier fait appel à l’Etat : dans un premier temps, il sollicite le ré-abondement du fonds au ministère de l’Energie, et dans un deuxième temps, en cas d’incapacité du ministère de l’Energie de faire face à cette demande, au ministère des Finances en vue de la conversion d’obligations souveraines dont il dispose en guise de sureté.
  • c/ Garantie Banque mondiale : dans le cas extrême de défaillance prolongée de CAMMESA, d’épuisement du FODER et de non convertibilité de la garantie souveraine, cette garantie pourra être appelée, au profit des investisseurs l’ayant souscrite au moment de la soumission à l’appel d’offres Renovar. Le montant global de cette garantie est  de 500 M USD.

Figure 2 : production d’électricité renouvelable en 2017

Figure 3 : puissances attribuées lors des appels d’offres Renovar de 2016 et 2017

ENR 2017

Renovar 2016 et 2017

 

Figure 4 : tarifs de rachat moyen pour les projets attribués lors des appels d’offres Renovar

Tarifs de rachat Renovar

 Méthane (ISDND) : valorisation du méthane issu des installations de stockage de déchets

 

3. D’autres dispositifs permettent le développement des énergies renouvelables

 (i)        Les objectifs généraux de consommation d’électricité d’origine renouvelable s’appliquent également aux grands consommateurs, définis par un besoin en puissance moyenne annuelle supérieure à 300 kW. 2 089 consommateurs avec cette caractéristique étaient recensés en 2017, pour une consommation de 31 410 GWh. Pour l’atteinte de ces objectifs, ils peuvent choisir « l’achat groupé », à savoir passer par les appels d’offres lancés par CAMMESA (comme le programme Renovar) ou opter pour Marché à terme d’énergies renouvelable (MATER). Les conditions de prix et de volume sont alors librement négociées. En 2017, une trentaine de consommateurs ont indiqué souhaiter sortir des « achats groupés » dont Coca Cola et Toyota. Ces contrats bilatéraux entre entreprises privées sont régis par la loi 27.191 et réglementés par le décret 531/16 et la résolution 281/17.

 (ii)       La loi 27.424 de « production décentralisée des énergies renouvelables intégrée au réseau électrique public », promulguée en décembre 2017, vise à offrir la possibilité pour les consommateurs de couvrir partiellement leur consommation, en injectant si besoin le surplus ponctuel de leur production dans le réseau. Les décrets d’application n’ont toutefois pas encore été publiés et la loi semble très limitative sur les conditions de revente. Cette loi met également en place un « Fonds fiduciaire pour le développement de la génération décentralisée d’énergies renouvelables » (FODIS). Ce fonds sera destiné à apporter des financements aux projets sous forme de prêts, incitations financières, garanties et apports de capital. Il sera abondé à hauteur de 20 M€ la première année et par le budget national en fonction des économies réalisées en énergies fossiles. Parallèlement sera mis en place un « Régime de développement pour la fabrication nationale de systèmes, équipements, et pièces détachées pour la génération décentralisée » (FANSIGED) qui comprendra des avantages fiscaux pour les fabricants localisés en Argentine.

 (iii)      Le développement des énergies renouvelables bénéficie de plusieurs avantages fiscaux : la loi 27.191, promulguée en octobre 2015, et ses décrets d’application fixent les avantages octroyés aux entreprises pour favoriser l’atteinte des objectifs de développement des énergies renouvelables. Ces avantages incluent par exemple :

  • amortissement accéléré pour les projets dont l’investissement est réalisé durant la période 2018-2025 (chapitre II) ;
  • exemption de taxe à l’importation et de tout autre droit sur l’introduction de capital, et une série d’équipements jusqu’au 31 décembre 2017 (chapitre VI). Les bénéfices ont été étendus par le décret 814/2017 de 12 mois et de 5 ans pour une série de composants.
  • exemption de taxe ou de redevance (hors usage des sols) jusqu’au 31 décembre 2025 (chapitre VII). 

Présence française

Plusieurs groupes français ont participé aux appels d’offres Renovar ou ont racheté des projets à d’autres développeurs. En septembre 2018, Total Eren a inauguré sa première ferme solaire de 24,75 MW dans la province de San Luis. Son portefeuille comprend également deux projets éoliens de 97,02 MW et de 50 MW dans les provinces de Santa Cruz et de Chubut. De son côté, Neoen dispose d’un projet de parc solaire de 200 MW à Salta.

ANNEXES

1. Le Fonds FODER

Le Fonds pour le développement des énergies renouvelables (FODER) est régi par la loi 27.191 et les décrets 882/16, 531/16 et 471/17 et administré par la Banque d’investissement et du commerce extérieur (BICE) dont l’unique actionnaire est l’État fédéral. Cette banque publique est destinée à financer à moyen et long terme les entreprises argentines pour développer leur production locale et leurs activités à l’export.

1/ FODER est abondé en partie par le Trésor argentin sur la base d’au minimum de 50% des économies réalisées en combustibles fossiles grâce aux énergies renouvelables (calculé selon l’électricité d’origine renouvelable produite l’année antérieure ou les objectifs intermédiaires d’énergies renouvelables fixés par la loi 27.191 si ceux-ci ne sont pas atteints). Cet apport est destiné à abonder le compte de financement, destiné à effectuer des prêts, et le compte de garantie.

2/ La loi 27.191 et ses décrets d’application prévoient également :

  • la mise en place d’une « contribution de garantie » payée par les usagers et prélevée par les distributeurs ou par CAMMESA ;
  • l’incorporation dans le fonds des revenus des activités de financement de FODER.

Dans la pratique, pour le moment, seul le fonds de garantie de FODER est abondé, et uniquement par le Trésor argentin. 

2. L’hydroélectricité (de plus de 50 MW)

La production d’origine hydraulique représente 29 % du mix électrique argentin pour une puissance installée de 11,6 GW et une production d’environ 40 000 GWh (chiffres 2017). Les retenues sont concentrées sur cinq cours d’eau, le Paraná, l’Uruguay, le Limay, le Neuquèn et le Futaleufú. La construction des barrages de Cóndor Cliff et La Barrancosa (1,3 GW pour environ 5 200 GWh de production annuelle) est actuellement en suspens en raison des affaires de corruption qui touche l’une des entreprises du consortium (Electroingeneria). Par ailleurs, plusieurs projets doivent être lancés par les autorités nationales, provinciales et binationales.

  • L’appel d’offres pour le barrage El Tambolar a été publié par la province de San Juan en août 2018 (financement adossé aux revenus de deux barrages existants).
  • Initialement prévu sur budget de l’État fédéral, le financement du barrage de Portezuelo del Viento dans la province de Mendoza devrait s’effectuer en PPP. Les autorités comptent lancer l’appel d’offres au premier semestre 2019 si les conditions macro-économiques s’améliorent.
  • Des études sont en cours pour de nouveaux barrages bilatéraux avec le Paraguay. De manière générale, les provinces de Mendoza et Neuquèn disposent de projets, mais pas des financements nécessaires.