Grâce à une richesse naturelle et à un appui important de la part des fonds structurels européens et des IFIs comme la BERD et la Banque Mondiale, le secteur de l’eau en Croatie est un marché porteur pour les entreprises françaises spécialisées dans la gestion et la construction de projets liés à l’eau.

La définition d’une stratégie dans le programme opérationnel « Compétitivité et cohésion » permettra à la Croatie de débloquer une enveloppe d’1 Md EUR dédiée au secteur de l’eau et de moderniser ses infrastructures souvent vétustes qui lui ont fait accumuler du retard en Europe en termes de distribution d’eau (40% de pertes) et de traitement (3% des eaux usées traitées au maximum).

Cependant, une grande différence existe entre la distribution d’eau potable réservée à un monopole public national et le traitement des eaux usées, théoriquement ouvert aux entreprises mais limité dans les faits à l’ingénierie et à la construction d’infrastructures.

La Croatie bénéficie d’une grande richesse en eau, mais la gestion de cette ressource pourrait être significativement améliorée.

 La Croatie est un des pays d’Europe les mieux dotés en ressources renouvelables d’eau avec près de 23 000 m³/an par habitant, contre 2 400 m³ en moyenne en Europe centrale. Cette richesse s’explique par les nombreux fleuves qui traversent le pays comme la Save, la Drave et le Danube.

 Même si la Croatie est dotée de grandes ressources en eau, la répartition et l’utilisation de cette dernière ne sont pas optimales. La distribution géographique de la ressource fait que 64% de l’eau renouvelable dont la Croatie dispose provient de pays tiers et que cette dernière est donc dépendante des pays d’amont (Hongrie, Bosnie). De plus, dû à la vétusté du réseau, le pays connaît des pertes d’eau de 40% lors de la distribution au consommateur.

En ce qui concerne le traitement des eaux usées, 80% sont traitées contre une moyenne de 95% dans l’Union Européenne (UE) . De plus, seulement 3% des eaux usées sont purifiées au maximum (traitement tertiaire), contre une moyenne de 85% dans l’UE . Le retard accumulé dans le secteur de l’eau par la Croatie peut s’expliquer par l’urbanisation anarchique qu’a connue le pays avant et après son indépendance, mais il est renforcé par certaines spécificités du secteur. Par exemple, il existe plus de 160 régies distributrices d’eau, dont 70% distribuent moins d’1 M m³ / an, contre 45 M m³/an en moyenne dans l’UE. Cette fragmentation du marché aboutit à une qualité de service qui varie fortement et représente une difficulté supplémentaire pour absorber les fonds européens à cause du manque de savoir-faire en matière de préparation et de mise en œuvre de grands projets. 

La Croatie a une volonté ambitieuse d’amélioration de la gestion de l’eau, mais possède aussi un contexte législatif rigide et incertain qui peut représenter un frein à l’investissement

La Croatie dispose d’un cadre législatif ambitieux puisque les lois sur l’eau de 2009 et sur le financement de la gestion de l’eau de 2010 ambitionnent de diviser par deux la perte d’eau lors de l’approvisionnement et de connecter 60% de la population à un réseau de traitement tertiaire des eaux usées en 2020. Ceci afin de respecter la réglementation européenne qui stipule que toute la population des agglomérations supérieures à 2 000 habitants soit reliée à un système de traitement des eaux usées de type au moins secondaire.   

Cependant, l’environnement juridique du secteur de l’eau reste rigide. Malgré l’intégration d’une grande partie de l’acquis communautaire sur l’eau par la Water Act de 2009, le cadre législatif croate en vigueur interdit la gestion des ressources en eau par toute initiative privée. La distribution d’eau potable reste une obligation publique avec stricte interdiction de privatisation. Nonobstant, ce secteur est amené à évoluer du fait des capacités limitées de gestion des régies municipales actuelles et du manque de fonds.  

Le secteur de l’eau en Croatie connaît des investissements importants de la part des IFIs et des fonds européens, d’où un grand nombre de projets à prévoir dans le futur

Avec des besoins de plus en plus concrètement définis, la Croatie bénéfice et bénéficiera dans le futur du soutien des IFIs, en particulier la BERD et la Banque Mondiale qui sont très présentes dans le secteur de l’eau. La BERD a accordé son soutien à 12 projets d’infrastructures communales depuis 1996, en particulier l’amélioration du service d’approvisionnement en eau d’un million de personnes. La Banque Mondiale a accordé plus de 400 M EUR de prêts ces vingt dernières années pour des projets en lien avec l’approvisionnement en eau et le traitement des eaux usées.

En outre, la Croatie bénéficie des fonds européens depuis le commencement de son processus d’adhésion. Le pays a ainsi bénéficié de 2007 à 2016 des fonds de préadhésion IPA, dont 47,7 M EUR destinés au secteur de l’eau, soit la moitié des fonds mis à disposition pour le programme opérationnel « Environnement » 2007-2011. Désormais, en tant que pays membre de l’UE, la Croatie a accès aux fonds structurels et d’investissement européens sur la période 2014-2020 pour un montant de 10,7 Mds EUR. Dans ce cadre, le Fonds de cohésion consacrera 1 Md EUR au secteur de l’eau au sein du programme opérationnel croate « Compétitivité et cohésion » (axe prioritaire 6), dont 840 M EUR pour le seul traitement des eaux usées. Les objectifs visés par ces investissements sont la réduction de la perte d’eau, l’augmentation du taux de connexion, la prévention des inondations et la finalisation de l’intégration des directives européennes.

Cependant, la mise en œuvre effective et intégrale du programme opérationnel en matière d’eau reste un véritable défi pour les capacités administratives limitées du pays. Ainsi, le taux d’absorption n’atteint que 4% pour les fonds européens dédiés à l’environnement au sein de l’axe prioritaire 6 du programme opérationnel « Compétitivité et cohésion ». Cette faiblesse du taux d’absorption en Croatie fait peser un risque sur l’utilisation complète de l’enveloppe attribuée à l’eau avant 2023.