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Le Big Data offre des opportunités dont l’économie japonaise pourrait largement profiter, en particulier pour répondre aux défis économiques et sociétaux du pays. Le gouvernement japonais a ainsi placé le Big Data au cœur de sa stratégie de revitalisation qui vise à mettre en place une Société 5.0.. Conscients de ce potentiel, les grands groupes TIC japonais développent tous une offre Big Data conséquente couvrant différents secteurs d’activité. Pour autant, le développement insuffisant de l’offre Cloud, le manque d’experts et la faible utilisation des données par les entreprises limitent leur pleine exploitation et freinent ainsi les capacités d’innovation.

Les annexes sont téléchargeables ci-dessous.

1. Le marché des Big Data est en plein essor au Japon

1.1. Le Big Data représente un enjeu économique important pour le Japon. Le développement des nouvelles technologies, dont les Big Data, est identifié par le gouvernement japonais comme un levier essentiel pour répondre aux défis économiques, sociétaux et écologiques du Japon. Dans un rapport de 2016, le cabinet de conseil IDC Japan estime la taille du marché des Big Data (technologie et services) à 94,7 Mds JPY (743 M EUR) en 2015 et prévoit une croissance de 25% par an pour atteindre 288 Mds JPY (2,3 Mds EUR) en 2020. A titre de comparaison, le marché français représentait 445 M EUR en 2016 (IDC) et le marché américain 9,3 Mds EUR (MicroMarketMonitor).

1.2. Il est ainsi est devenu une priorité pour les grands groupes. Selon un sondage effectué par le RIETI[1] en 2017, 80% des grands groupes japonais du secteur manufacturier utilisent les Big Data afin d’optimiser leur production et améliorer leurs ventes. De leur côté, les grands groupes électroniques et les opérateurs télécoms se restructurent pour intégrer la montée en puissance de l’IoT et développer des produits et services BtoB liés au Big Data. Hitachi, NEC, Fujitsu, KDDI et NTT Data proposent ainsi tous une offre complète de traitement et d’analyse des données qui comprend une partie hardware et une partie logicielle, souvent couplée à une offre de consulting et de suivi clients, et des services cloud de stockage de données. Les secteurs les plus ciblés par les offres Big Data sont la santé, les services financiers, les services publics, la vente au détail, les télécommunications et l’énergie.

1.3. Des start-ups japonaises se démarquent également dans ce secteur, à l’image de Prefered Infrastructure, qui a signé, en 2014, un partenariat avec NTT communications, de SmartDrive, start-up spécialisée dans l’analyse de Big Data appliquée à l’automobile qui a levé 1 Mds JPY en 2017, ou encore de Insight Tech qui collecte les plaintes des consommateurs et les convertit en Big Data, analysés ensuite grâce à l’intelligence artificielle.

1.4. Le Japon développe, par ailleurs, son offre de Data Centers[2]. C’est marché en plein essor (représentant 1 095 Mds JPY en 2016, il devrait croître à un rythme de 7% par an pour atteindre 1 437 Mds JPY en 2020) avec une offre qui s’étend sur l’ensemble de la région Asie-Pacific[3]. Le site Cloudscene classe ainsi le Japon à la 8ème place en termes de densité de data center et Tokyo à la 17ème place (sur 50) des meilleures villes pour les colocations[4]. Le Japon est également le 3e plus gros détenteur, après les Etats-Unis et la Chine, de data center hyperscale[5]. Pour autant, il faut souligner les 5 plus importants data centers en collocation au Japon sont gérés par l’américain Equinix.

2. Le secteur fait face à plusieurs défis : sous-exploitation par les PME japonaises, manque d’experts en IT, dépendance à l’offre Cloud américaine

2.1. Le potentiel des données est sous-utilisé, en particulier par les PME, freinant ainsi la compétitivité et l’innovation de l’industrie japonaise. Si les entreprises japonaises disposent de très larges bases de données, moins de 20% d’entre elles intègrent, par exemple, des solutions PLM[6] et ERP[7]. Le RIETI constate également que si les grands groupes ont de plus en plus recours à des solutions Big Data, les PME, elles, ont pris du retard. A titre d’exemple, 50% des sondés (essentiellement des PME) ont précisé avoir entendu parler de l’IoT mais n’avoir pris aucune mesure pour l’intégrer dans leur processus interne.

2.2 Le principal obstacle à l’utilisation des Big Data au sein de l’industrie manufacturière est le manque d’experts. Environ 60% des entreprises sondées par le RIETI précisaient que le manque de main d’œuvre spécialisée dans l’analytique et l’utilisation commerciale des données était le principal frein à leur utilisation. En particulier, le METI estime qu’il pourrait manquer près de 48 000 spécialistes dans les technologies digitales (Big Data, IoT, IA) d’ici 2020.

2.3. Enfin, les entreprises japonaises restent fortement dépendantes de l’offre cloud américaine. Le marché du cloud (privé et public[8]) représentait plus de 1 000 Mds JPY en 2015, en progression de 33,7% par rapport à l’année précédente, et devrait dépasser les 3 000 Mds JPY en 2020. Cependant, si les entreprisesjaponaises tiennent toujours le marché du cloud privé, le marché du cloud public est lui dominé par les entreprises américaines (les trois géants américains, Amazon, Microsoft et Google, possèdent à eux seuls 65,1% du marché). Sur le marché mondial, NTT est la seule entreprise japonaise présente dans le top 20, avec 0,8% de part de marché (2015, source MIC).

3. Donnant la priorité au développement d’une économie fondée sur les données et la connectivité, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour renforcer le secteur du Big Data.

3.1. En 2018, environ 600 M € seront consacrés au financement de projets visant à développer de nouvelles technologies liées à l’IoT, l’IA et le Big Data[9]. La NEDO, agence de financement du METI, a également incorporé dans ses objectifs, le soutien aux projets de Big Data. Elle subventionne ainsi plusieurs projets d’envergure parmi lesquels le développement d’un système de stockage de mémoire à grande vitesse (High Speed storage class memory), utilisant des centres de données à faible consommation, auquel participe, entre autres, Fujitsu, l’Université de Chuô et le Tokyo Institute of Technology. Le CSTI finance par ailleurs un projet de R&D sur le Big Data (3-5 Mds JPY) dans le cadre du programme ImPACT sur les innovations de rupture.

3.2. Afin de promouvoir et encadrer l’utilisation du Big Data, plusieurs lois majeures sont entrées en vigueur ces trois dernières années, notamment le Basic Act on the Advancement of Utilizing Public and Private Sector Data, voté en décembre 2016, l’Amended Personal Information Protection Act, en mai 2017, et le Medical Care Big Data Act, en mai 2018. Cette dernière autorise la collecte, sous réserve qu’ils soient anonymes, des historiques médicaux des patients aux fins d’utilisation par des chercheurs et des entreprises pharmaceutiques. Le METI a par ailleurs publiées des « guidelines », révisées en 2018, afin d’aider les entreprises à rédiger des contrats adaptés au partage de données et protégeant leurs droits de propriété intellectuelle (cf. Annexe 8).

3.3. Le gouvernement s’est, d’autre part, fixé pour objectif d’ouvrir l’accès aux données de l’ensemble des organismes publiques d’ici 2020 (contre 18,5% en décembre 2017). Dans ce cadre, l’Université de Tokyo a créé un centre de recherche spécialisé dans l’étude de l’open data, le Tokyo Open Data Center (UTODC) et qui doit rendre disponibles les données publiques. A souligner que selon le MIC, plus de 40% des autorités locales ont déclaré faire des efforts pour étendre l’accès aux données ou être prêtes à en faire (cf Annexe 9).

3.4. Enfin, le gouvernement a mis l’accent sur la formation, la sensibilisation et l’information. En premier lieu, former pour remédier au déficit d’experts en Big Data : le gouvernement entend encourager la formation en IT des entreprises et des étudiants ainsi que le recrutement de chercheurs étrangers. Ainsi, en 2017, le MEXT prévu une nouvelle ligne budgétaire de 600 M JPY (4,7 M EUR) destinée à la promotion de cursus de Data Science au Japon. Par ailleurs, des programmes d’échanges de savoir-faire dans le domaine du Big Data ont été ouverts depuis 2015, notamment avec la Silicon Valley. Ensuite, sensibiliser et informer le public sur l’essor et les bénéfices du Big Data : selon un sondage du MIC de 2017, si 80% des interrogés seraient prêts à communiquer leurs données personnelles, 86,1% restent inquiets de la diffusion de ces données, chiffre plus élevé qu’aux Etats-Unis, en Chine, au Royaume-Uni ou en Allemagne.



[1] Sondage effectué auprès de 4209 entreprises japonaises du secteur manufacturier, https://www.rieti.go.jp/jp/publications/pdp/17p027.pdf

[2] Fujitsu, IBM Japan, NTT Data ou NEC sont parmi les principaux fournisseurs japonais de services de stockage de données. NEC a annoncé par exemple la construction de deux Data Centers à Kobe et Nagoya pour un montant de 20 Mds JPY (186 M USD) pour répondre à la demande des sociétés cloud américaines.

[3] En 2016, NTT Communications représentait 9,7% du marché régional

[4] On compte, aujourd’hui, 146 Data Centers en collocation sur le territoire, dont 105 à Tokyo et 22 à Osaka https://datacenternews.asia/story/5-reasons-why-japan-global-data-center-powerhouse/.

[5] Data centers d’au moins 5 000 serveurs et 10 000m²

[6] Le PLM, Product Lifecycle Management, est une stratégie d'entreprise qui vise à gérer et partager l'ensemble des informations relatives à un produit industriel, tout au long de son cycle de vie (définition, fabrication, maintenance et recyclage). Source : CoDeKF

[7] Un ERP (Enterprise Resource Planning) ou également appelé PGI (Progiciel de Gestion Intégré) est un système d’information qui permet de gérer et suivre, au quotidien, l’ensemble des informations et des services opérationnels d’une entreprise. Source : Cegid

[8] Le Cloud privé est une infrastructure dédiée, c’est-à-dire que des serveurs privatifs gèrent l’ensemble des données et pour tous les utilisateurs d’une entreprise. Celui-ci est administré soit en interne, soit par un prestataire spécialisé. Dans le Cloud public les données sont hébergées sur une multitude de serveurs eux-mêmes accessibles par un nombre déterminé d’utilisateurs.

[9] Budgets de 13,4 Mds JPY (soit 102 M €) pour le MEXT, de 61,4 Mds JPY (soit 470 M €) pour le METI, et de 3,6 Mds JPY (soit 27 M €) pour le MIC.