Quelques jours après le discours d’investiture du deuxième mandat du Président Sissi dans lequel il avait rappelé la nécessité de maintenir le cap de la consolidation budgétaire, les actes ont suivi les paroles. Depuis la fin du mois de mai, une série de hausses de prix est intervenue sur des produits et services subventionnés. Ces décisions impopulaires et dont l’impact social ne doit pas être négligé ont été prises par le gouvernement Ismaïl sortant, à la veille de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement dirigé par M. Madbouli, qui pour autant a déclaré s’inscrire lui-aussi dans la continuité de la politique de réduction des déficits.

Ce sont d’abord les tickets de métro qui ont été augmentés en mai 2018 dans de fortes proportions, passant d’un prix fixe unitaire de 2 EGP à trois nouvelles tarifications (3 EGP pour les 9 premiers arrêts, 5 EGP entre 10 et 16 arrêts et enfin 7 EGP au-delà). Il s’agit de la deuxième augmentation des prix après celle de mars 2017 (de 1 à 2 EGP).

La hausse de 46,5% en moyenne des tarifs de l’eau (la deuxième en trois ans) a été annoncée en juin avec un effet rétroactif au 1er mai 2018. Pour le secteur résidentiel, l’augmentation est comprise entre 33 et 47% en fonction des tranches de consommation, et pour le secteur non résidentiel elle s’échelonne de 29 à 65%.

Les prix de l’électricité ont poursuivi leur hausse (26,6% en moyenne) début juin, la troisième depuis le début du programme du FMI. Pour le secteur résidentiel, elle est comprise entre 7% et 69% en fonction des tranches de consommation, tandis que pour le secteur non résidentiel, elle s’échelonne de 7 à 22%. L’objectif de suppression définitive des subventions a été maintenu à juin 2022, en accord avec le FMI, en raison de son fort impact social et sur l’activité industrielle. D’après le ministre de l’Electricité, le montant des subventions au prix de l’électricité s’est établi à 32 Mds d’EGP en 2017/18 , et l’augmentation intervenue permettrait de le ramener à 16 Mds d’EGP en 2018/19.

Enfin, l’annonce de l’augmentation des prix des carburants de 50% en moyenne durant la fête de l’Eid el Fitr vient compléter le tableau. Le prix de l’octane 80 et celui du diesel ont été majorés de 50%, celui de l’octane 92 de 35% et celui de l’octane 95 d’un peu plus de 17%. D’après le ministre du Pétrole, les subventions aux carburants seraient passées de 120 Mds d’EGP (soit 6,6 Mds$) en 2016/17 à 110 Mds d’EGP en 2017/18 (il était de 51 Mds d’EGP en 2015/16). L’augmentation survenue fin juin permettrait de ramener ce montant à environ 89 Mds LE en 2018/19. A noter toutefois, que le budget 2018/19 sur le point d’être ratifié par le Président Sissi, est construit sur une hypothèse du baril de Brent à 67 $ alors qu’il fluctue en ce moment autour des 75 $, faisant peser un risque sur ce volet de la consolidation budgétaire. L’objectif d’éliminer les subventions au carburant d’ici à 2019 laisse présager encore de fortes hausses à venir.

Consécutivement à l’augmentation des prix des carburants, les prix des transports en bus viennent de doubler (de 1,5 à 3 EGP) après une première augmentation de déjà 100% en août 2017, au même titre que les tarifs des taxis qui ont augmenté de 15 à 20%.

Ces hausses n’ont pour le moment pas eu d’effet sur l’inflation qui en mai a poursuivi sa décrue pour atteindre 11,4% en glissement annuel, profitant d’un effet de base largement favorable (29,7% en mai dernier). Néanmoins, il est à prévoir qu’elles porteront leur effet dès le mois de juin, avec un impact possible de 2 à 3%. Le FMI prévoit une baisse de l’inflation à 13% en 2018/19 (20,1% en 2017/18).

Le gouvernement a néanmoins souhaité anticiper les hausses des prix avec des mesures permettant de soulager la pression sur les populations défavorisées. Ainsi, le Parlement vient de voter une loi augmentant les pensions (+15% pour 9 M d’agents publics) ainsi que les salaires (+11,5% pour 6 M d’agents publics). Le coût de ces mesures (qui entreront en vigueur à compter du 1er juillet prochain) est évalué à 60 Mds d’EGP (soit 3,4 Mds$).

Par ailleurs, le nouveau Ministre des Finances, Mohamed Maait a annoncé que les économies réalisées grâce aux réductions de subventions permettront au gouvernement d'allouer des fonds aux dépenses de protection sociale et d’éducation (érigées en priorités par le Président Sissi dans son second discours d’investiture), qui totalisent 334 Mds d'EGP dans le budget 2018/19, dont 100 Mds d'EGP pour les subventions au prix du pain. L’impact de l’augmentation du prix des carburants sur les coûts des boulangeries fabriquant le pain subventionné sera lui aussi couvert (+5 Mds EGP environ).

Ces efforts du gouvernement pour réduire les subventions et rationnaliser leur attribution aux plus vulnérables, sur fond d’amélioration de la compétitivité prix de l’Egypte depuis le flottement de sa devise nationale continuent à porter leurs fruits. Cette maîtrise des dépenses (+24% sur 11 mois, soit un niveau inférieur à l’inflation et à la croissance des recettes totales de 36%) alliée à une forte hausse des recettes fiscales sur l’année (+45% sur 11 mois) a eu pour effet une nette amélioration du déficit primaire ramené de -1,8% en 2016/17 à un excédent de +0,3% en 2017/18, une première depuis près de 10 ans.