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Macroéconomie

Activité économique – Le PMI manufacturier était en légère hausse en mai, s’établissant à 55,4 (contre 55,3 le mois précédent). La croissance des nouvelles commandes s’est fortement accélérée et la confiance des entreprises a atteint son plus haut niveau depuis 38 mois. Les pressions inflationnistes sur les producteurs irlandais demeurent cependant importantes, notamment à cause de la hausse des prix des biens de consommation intermédiaire tels que le pétrole, le plastique et certains métaux. Les entreprises sondées indiquent néanmoins avoir reporté une partie de ces coûts sur les consommateurs finaux. Le PMI des services continue quant à lui sa progression, s’établissant à 59,3 en mai contre 58,4 le mois précédent.

PMI

Chômage – Le taux de chômage continue de diminuer en Irlande, s’établissant à 5,8% en mai (-0,1pp par rapport à avril) – le taux le plus faible depuis 10 ans et bien en dessous de la moyenne de la zone euro (8,5%). Le nombre de chômeurs s’établit ainsi à 139 000, en baisse de -1,3% sur le mois et de -10,1% en g.a. Malgré ces chiffres satisfaisants, l’Irlande n’est pas encore en situation de plein emploi : le taux de chômage est encore supérieur à son niveau de 2006 (4,6%) et le taux de participation (62,3%) demeure en dessous du pic atteint en 2007 (66,6%). Plusieurs facteurs sont à prendre en compte, notamment la reprise de la participation des femmes relativement lente depuis la crise ainsi que le vieillisssement de la population. Bien qu’en nette diminution lui aussi, le chômage des jeune (15-24 ans) demeure élevé, à 11,9% en mai 2018 contre 15,4% en mai 2017.

chomage

Ventes au détail – Les ventes au détail (en volume) ont connu un rebond de +1,5% en avril par rapport au mois précédent et de +4,8% en g.a. cvs. Les ventes du mois de mars avaient été particulièrement mauvaises en raison des mauvaises conditions météorologiques. Les ventes au détail sur les quatre premiers mois de 2018 sont maintenant en hausse de +2,0% par rapport à la même période l’année précédente. Hors ventes automobiles (en légère hausse sur le mois mais qui connaissent une très forte croissance en g.a. du fait de ventes très faibles en avril 2017), particulièrement volatiles, les ventes au détail étaient en hausse de +1,0% en avril et de +3,8% en g.a. cvs. Les ventes au détail sont stimulées par la baisse continue du chômage et la hausse du revenu disponible des ménages. Le Brexit n’a pas encore eu d’impact majeur – même si un nombre croissant de consommateurs font leurs achats en Irlande du Nord.

details

Salaires – Les salaires en Irlande accélèrent au premier trimestre 2018, à +2,4% en g.a. Le salaire annuel moyen s’établit ainsi à 38 600€. Cette hausse est largement due au secteur public, qui a vu ses salaires croître de +3,8% sur la période, le salaire moyen annuel atteignant 49 400€. Le salaire moyen du secteur privé n’a quant à lui augmenté « que » de +1,8% sur la même période, s’établissant à 35 600€ – la baisse du chômage n’ayant pas encore généré de pression haussière significative sur les salaires, selon Merrion Capital. L’important écart de salaires entre les secteurs public et privé (le salaire horaire moyen dans le secteur public, à 29,23€, est 35% plus élevé que celui du privé, à 21,61€) s’explique avant tout par la revalorisation des salaires du secteur public depuis en avril 2017 (Lansdowne Road Agreement et Public Service Pay and Pension Bill 2017), ainsi que par le pouvoir de de négociation des syndicats, de nouveau en position de force après plusieurs années de modération salariale. Selon les prévisions du gouvernement, le coût des salaires pour le budget de l’Etat devrait augmenter de +3,4% en 2018, à 21,4Mds€, dépassant pour la première fois le pic atteint en 2007 (21,2Mds€).

salaires

Investissement et compétitivité

Productivité – Le Bureau national de la Statistique (CSO) – homologue irlandais de l’INSEE – a récemment publié son rapport sur la productivité en Irlande sur la période 2000-2016. Ce rapport confirme la forte dualité de l’économie irlandaise, avec d’un côté les entreprises multinationales et de l’autre les entreprises indigènes. En 16 ans, la productivité du travail a ainsi crû de +4,5% par an en moyenne ; cependant, si l’on ne prend pas en compte la période 2015-2016 (pendant laquelle les entreprises multinationales ont massivement relocalisées leurs droits de propriété intellectuelle en Irlande), la productivité du travail sur les 14 années restantes tombent à +3,4% par an en moyenne. Entre 2000 et 2016, la productivité du travail du secteur indigène a ainsi augmenté de +2,5% par an en moyenne alors que celle des entreprises multinationales a progressé de +10,9%. La productivité du travail en Irlande demeure cependant robuste et supérieure à la moyenne européenne (+1,8%), même corrigée de l’effet des multinationales.

Le stock de capital par employé en Irlande a augmenté de +152% entre 2000 et 2016, passant de 150 000€ à 378 000€. Dans le secteur indigène, ce stock a progressé de +3,5% par an en moyenne sur la période. Dans le secteur des multinationales, il a progressé de +6,9% par an en moyenne entre 2000 et 2014 (avant la relocalisation massive de brevet de propriété intellectuelle de 2015) ; sur la période complète (2000–2016) ce taux passe à +32,0% (la productivité du travail dans ce secteur a atteint +78,8% en 2015). Au total, la progression du stock de capital par employé demeure solide et supérieure à celle de l’UE (qui est de +0,6% par an en moyenne), même corrigée de l’effet des multinationales.

De la même façon, la productivité totale des facteurs – qui mesure la part de la croissance économique qui ne s’explique ni par l’accroissement du travail ni par celui du capital –  sur la période 2000-2016 n’a progressé que de +0,1% ; en faisant abstraction de la période 2015-2016 (où l’accroissement du capital a été considérable), elle a progressé de +0,8%.

productvité

Commerce extérieur – Les exportations irlandaises ont diminué de -5,0% en mars et de -6,1% en g.a. Les importations ayant enregistré une baisse identique en valeur sur le mois, la balance commerciale demeure ainsi quasiment inchangée (+4Mds€). Les données mensuelles du commerce extérieur sont particulièrement volatiles du fait de la présence des multinationales (notamment dans les exportations de produits pharmaceutiques et d’avions), mais les secteurs indigènes les plus importants (alimentaire et animaux vivants) ont connu une faible croissance de leurs exportations, à +0,9% en g.a au T1 2018 contre +6,4% le trimestre précédent. Selon les analystes de Davy Research, ce ralentissement ne devrait être que temporaire car les principaux partenaires commerciaux de l’Irlande en Europe et les Etats-Unis devraient connaitre une croissance soutenue en 2018, stimulant la demande.

Secteur financier

Banque centrale irlandaise – La vice-gouverneure de la Banque centrale irlandaise (CBI), Sharon Donnery (considérée comme la remplaçante probable du gouverneur Philip Lane dans le cas où ce dernier rejoint le conseil des directeurs de la BCE l’an prochain), a recommandé que la CBI fixe une marge de capital contra-cyclique (CCyB – exigence en fonds propres supplémentaires déterminée discrétionnairement par les banques centrales nationales) positive (elle est actuellement à 0%) pour les banques irlandaises. La CCyB est fixé trimestriellement, une augmentation est donc attendue au troisième trimestre 2018. Cette annonce a cependant surpris les analystes : le gouverneur de la CBI, Philip Lane, avait déclaré en février que la Banque fixerait une CCyB positive en cas de risque de croissance excessive du crédit, or les prêts aux ménages et aux SNF ont continué de se contracter sur les 4 premiers mois de 2018 (-1,5% et -0,8% respectivement). La croissance des salaires du secteur privé (+1,8% en 2017) et l’inflation (+0,4%) demeurent également contenue. Sur le court terme, une augmentation de la CCyB pourrait inciter les banques à transférer ce coût sur leurs clients et faire monter les taux des crédits hypothécaires (déjà relativement élevés en Irlande). Par ailleurs, Mme. Donnery a elle-même indiqué que cette hausse de la CCyB ne permettrait pas d’éviter une éventuelle surchauffe de l’économie.          

La vice-gouverneure a justifié sa recommandation par une volonté de rendre le secteur bancaire irlandais plus résilient en cas de crise. Si cette hausse de la CCyB a bien lieu, l’Irlande rejoindra une poignée de pays européens ayant pris une décision similaire : la République Tchèque (1,25%), le Danemark (0,5%), la Lituanie (0,5%), la Slovaquie (1,25%), la Suède (2,0%) et le Royaume-Uni (1,0%) – ces pays connaissent cependant une croissance du crédit et des taux d’inflation plus élevés que l’Irlande.  

Crédits hypothécaires – Les données publiées par la Fédération Irlandaise des Banques et des Paiements (BPFI) font état d’une baisse marginale du ratio valeur/revenu médian des crédits hypothécaires accordés aux primo-accédants au T1 2018, après une hausse continue depuis 2 ans : la valeur des crédits hypothécaires représente maintenant 3,2 fois le montant des revenus annuels des primo-accédants – premiers effets du renforcement des règles macro-prudentielles de la CBI qui, depuis janvier 2018, limite la part des crédits dont le ratio valeur/revenus de l’emprunteur est supérieur à 3,5 à 20% du total des nouveaux crédits pour les primo-accédants. Le montant moyen des crédits hypothécaires s’établissait à 232 900 € en mai, en hausse de +5,6% en g.a, soit la croissance la plus faible de ces deux dernières années. Ces données indiquent que prix immobiliers pourraient ralentir en 2018.

Euroclear - L’Irlande n’aura finalement pas son propre dépositaire central (Central Security Depository - CSD) post-Brexit. Euroclear, société internationale (dont le siège est à Bruxelles) de règlement d’actions négociées, a déclaré en avril avoir abandonné son projet de créer un CSD indépendant en Irlande pour faire face aux risques du Brexit, après des concertations avec la Banque centrale irlandaise et la Banque d’Angleterre. Dublin dépend de Crest, société exploitée par Euroclear UK & Ireland et basée à Londres, pour régler ses opérations sur les actions et les fonds négociés sur la Bourse irlandaise. L’Irlande est le seul pays de l’UE à ne pas avoir son propre dépositaire central ; cette caractéristique reflète la relation étroite entre les marchés d'actions irlandais et britanniques : 88 % de tous les titres cotés sur la bourse irlandaise sont également inscrits sur celle Londres et la valeur totale des titres irlandais détenus par Crest au Royaume-Uni s’élève à 182Mds€. Lorsque le RU sortira de l’UE, Londres perdra probablement ses « passeports financiers européens » et ne sera plus en mesure de régler les opérations de la bourse irlandaise. L’une des alternatives actuellement étudiées est un règlement des opérations irlandaises par Euroclear à Bruxelles en vertu du système de délégation que permet le « passeport financier européen ».

Affaires européennes

Brexit – Le 7 juin dernier, le gouvernement britannique a publié sa proposition d’accord douanier pour éviter le rétablissement d’une frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. Le Royaume-Uni, qui s’est engagé à préserver les accords du Vendredi saint, entend garantir l’absence de frontière entre les deux irlandes à travers le futur accord commercial qu’il négociera avec l’UE. Un tel accord n’est cependant pas garanti et pourrait prendre plusieurs années avant de voir le jour, de même que l’éventuelle technologie sur laquelle il pourrait reposer. Par conséquent, l’UE insiste pour que le RU accepte de mettre en place un « filet de sécurité » (backstop) qui garantisse l’invisibilité de ladite frontière jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit négocié.

Le document du gouvernement britannique propose que l’ensemble du Royaume-Uni demeure temporairement dans l’Union douanière. Il demande en outre que cet accord douanier expire en décembre 2021, date à laquelle Londres espère qu’un accord commercial définitif aura été conclu.

La proposition a cependant été rejetée par Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE. Premièrement, une union douanière ne suffit pas à garantir une frontière ouverte : un alignement réglementaire est également nécessaire, ce qui avait été clairement établi par l’UE et le Royaume-Uni lors du Conseil européen de décembre dernier. Deuxièmement, Bruxelles et Dublin s’opposent à ce que ce « filet de sécurité » ait une durée limitée ; pour l’UE, une telle disposition doit au contraire garantir que la frontière demeure toujours invisible même en cas d’échec des négociations sur un futur accord commercial. Enfin, l’UE refuse d’étendre ce « filet de sécurité » à l’ensemble du RU, ce qui équivaudrait de facto à un accès « à la carte » au marché unique (les conditions d’accès équitables au marché européen ne seraient pas garanties puisque, entre autres, le Royaume-Uni n’appliquerait pas les mêmes normes ou refuserait le principe de liberté de circulation des personnes). L’Irlande, par la voix de son vice-PM Simon Coveney, a quant à elle accueilli la proposition britannique avec réserves, saluant la contribution technique des Britanniques mais estimant qu’il restait encore beaucoup de travail à accomplir pour parvenir à un consensus sur l’accord de retrait. Dans ces conditions, le gouvernement irlandais ne s’attend pas à des avancées significatives lors du Conseil européen de juin, ce qui va accroître l’enjeu du Conseil d’octobre – qui, en vertu du calendrier actuel des négociations, sera la dernière réunion possible pour trouver un compromis entre les 27 et le Royaume-Uni.

 

Evolution des indicateurs macroéconomiques

Tableau mensuel

tableau mensuelTableau annuel

Tableau annuel