En mai 2016, le Cabinet Office publiait la « Japan Revitalization Strategy » qui faisait état de la nécessité, pour le Japon, de s’engager dans la quatrième révolution industrielle et de mettre en place une société 5.0. Dans ce cadre, le Japon a lancé, en mars 2017, une nouvelle stratégie industrielle appelée « Connected Industries ». Il s’agit de l’un des principaux piliers des réformes structurelles dites « Abenomics » destinées à permettre au Japon de retrouver une croissance solide dans un contexte d’affaiblissement de la productivité et de vieillissement de la population.

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Source : METI : http://www.meti.go.jp/policy/mono_info_service/connected_industries/pdf/initiative2017.pdf

 

1. Au cœur de la volonté de revitalisation du Japon, la stratégie Connected Industries vise la numérisation des capacités industrielles

1.1 Lancée par le METI en 2017 et inspirée des stratégies allemande (industrie 4.0) et française (industrie du Futur).

Les fondements de connected Industries, à son lancement, étaient clairement posés:

  • répondre à la perte de productivité et à la faible capacité d’innovation des entreprises japonaises qui, selon le METI, trouvent leur origine dans une gestion interne cloisonnée ;
  • stimuler les transferts de technologies.

Afin de créer de nouvelles valeurs ajoutées, le gouvernement veut non seulement moderniser et transformer l’industrie japonaise, mais également faciliter et encourager le partage et l’utilisation généralisée des données, grâce à la numérisation des procédés industriels. Le futur de l’industrie japonaise est perçu comme dépendant de sa capacité à « connecter » l’ensemble des éléments qui la composent (les êtres humains, les machines et les nouvelles technologies). En outre, cette stratégie doit permettre de répondre aux grands enjeux sociétaux auxquels le Japon est confronté : baisse du taux de natalité, vieillissement de la population, restrictions énergétiques et environnementales…

1.2 Avec un double rôle pour le gouvernement de soutien financier et de garantie d'un environnement juridique favorable.

Le gouvernement favorise les développements nécessaires à cette stratégie via des incitations fiscales, des mesures pour faciliter la certification des technologies, l'harmonisation des normes au niveau international…. Les engagements financiers sont substantiels. A titre d’exemple, le METI a introduit en 2018 un crédit d’impôt – dans le cadre de la loi de mesures spécifiques destinée à améliorer la productivité de l'industrie (dite SMLEIP, provenant de l'acronyme anglais) – , auquel sont éligibles les entreprises travaillant sur des opérations avancées de partage de données. Pour la mise en place de ces mesures, le METI dispose en 2019 d’environ 160 Mi EUR (en plus des budgets alloués à des programmes spécifiques de développement de l’IoT, de l’IA, etc), et agit conjointement avec le MEXT (éducation/recherche), qui dispose d’un budget de 131 Mi EUR en 2019 pour la promotion des technologies du futur, et le MIC (communications), qui dispose de 284 Mi EUR en 2019 pour l’application approfondie de l’IoT et de l’IA à l’industrie. La NEDO (New Energy and Industrial Technology Development Organization), agence de financement du METI, a par ailleurs investi 375 Mi EUR dans des projets nationaux liés au développement des nouvelles technologies industrielles (robotique, IA, biotechnologies etc) en 2019.

2. La méthode consiste à favoriser les développement, production et mise sur le marché de produits et services en lien avec les nouvelles technologies (IA, Big Data, IoT).

2.1 5 secteurs prioritaires : la conduite autonome et les services à la mobilité ; l’industrie manufacturière et la robotique ; la sécurité des infrastructures et usines ; le Smart Life ; les biotechnologies et matériaux. Tous font l'objet de discussions au sein de groupes de travail animés par des instances ou associations privées, comme la Robot Revolution Initiative (RRI) ou l’IoT Acceleration Lab, et devant permettre aux différents acteurs de l’industrie japonaise d’élaborer des stratégies en faveur du développement des nouvelles technologies (tests, campagnes de promotion, conseils au gouvernement…).

  • Le groupe de travail sur la conduite autonome vise à réduire les accidents de la route, la congestion routière et les émissions automobiles polluantes, comme à accroître le confort et la sécurité des personnes âgées au volant, l’attractivité internationale de l’industrie automobile sur le véhicule autonome. Un déploiement généralisé du véhicule autonome est visé à l’horizon 2050.
  • Celui sur l’industrie robotique et manufacturière vise à optimiser la productivité industrielle, mettre en place des flux de production continus dans les usines et à diminuer les accidents industriels et la charge environnementale. Environ 200 projets pilotes avaient notamment été adoptés par ses membres en 2018.
  • Le groupe de travail sur les biotechnologies et les matériaux tend à promouvoir le développement de produits pharmaceutiques et de solutions et matériaux médicaux innovants et des politiques de préservation des ressources énergétiques.
  • Celui dédié à la sécurité des infrastructures et des usines doit permettre de réduire les risques d’accidents dans les usines tout en améliorant leur productivité, mais aussi de promouvoir l’utilisation efficace des capteurs, drones et autres technologies avancées. En 2019, sur ses recommandation, le METI a par exemple publié le Cyber/Physical Security Framework pour guider les entreprises dans la mise en place d’infrastructures de sécurité (approche en « 3 niveaux » : au sein de la chaîne de valeur, dans les connections entre le monde physique et le réseau et dans la sécurisation des données en ligne).
  • Enfin, celui sur la Smart Life, destiné à apporter des réponses aux enjeux sociétaux du marché du travail : diminution de la population active, contraction du marché, précarisation du travail des femmes et des personnes âgées.

2.2 Des initiatives également transversales : utilisation généralisée des données (ainsi, création par le METI d’une plateforme satellitaire de partage de données dite ‘Tallus’), formation et augmentation du nombre d’experts en IT, cybersécurité, IA et propriété intellectuelle et standardisation. Un mémorandum de coopération entre RRI et l’Alliance du futur a notamment été signé afin de développer notre coopération bilatérale sur les travaux de normalisation.

 3. Résultats : un impact économique encore incertain, mais une mobilisation et sensibilisation de nombreux acteurs publics et privés.

3.1 Les tests effectués sur les programmes de partage de données au sein des entreprises et entre elles attestent d'un impact positif sur la productivité industrielle.

En 2018, l’Industrial Value Chain Initiative a publié un protocole permettant la mise en place d’une plateforme de données ouvertes et de partage d’information. Ce protocole a été testé par des grands groupes japonais (comme Fanuc, Mitsubishi Electronics, DMG Mori et Hitachi), et les résultats, présentés lors de la Foire de Hanovre de 2018, ont révélé que de tels systèmes permettaient effectivement d’augmenter l’efficacité du processus industriel et la qualité des services fournis. Le développement de la 5G en 2020 devrait aussi permettre l’accélération des initiatives IoT (Smart Life, véhicule autonome, partage de données…) grâce à la mise en place de réseaux d’une plus grande rapidité et d’une meilleure résolution - premiers résultats de tests menés par l’ITU Association of Japan depuis 2017 -.

3.2 Le gouvernement japonais s’inspire des apports des groupes de travail pour adopter des mesures plus adaptées au besoin des entreprises et mieux cibler son objectif de numérisation industrielle. En mars 2019, le cabinet du Premier ministre a notamment approuvé un amendement à la loi sur les véhicules de transport routiers, permettant de créer de nouvelles normes pour les voitures autonomes (caméras, capteurs). Le gouvernement prévoit également d’adapter au véhicule connecté les procédures de contrôle ainsi que les règles d’assurances.

3.3 Cependant, les résultats globaux de cette stratégie n’ont pas encore été communiqués par le METI. Les Jeux olympiques étant désignés comme une occasion historique de mettre en valeur la stratégie 5.0, on peut s’attendre à une communication gouvernementale sur l’avancée de connected Industries en 2020.