Aujourd’hui, la France compte environ un quart de sa population active dans des activités, directement ou indirectement, liées à l’export. La contribution positive de l’ouverture aux échanges à la croissance et à l’emploi repose sur la garantie d’une concurrence équitable, sans distorsions, entre producteurs domestiques et étrangers.

Les instruments de défense commerciale (IDC) de l’Union européenne permettent de corriger les effets de certaines pratiques commerciales déloyales, dans le respect du cadre juridique fixé par l’OMC. L’utilisation de ces instruments permet le respect des règles du commerce international garantissant le « level playing field », et va de pair avec l’engagement de l’Union européenne à l'égard de l'ouverture des marchés et d’une concurrence équitable.

Les instruments de défense commerciale tirent leur légitimité des accords de l’OMC

L’utilisation des instruments antidumping, antisubventions et des mesures de sauvegarde sont encadrés  par des règlements européens qui mettent en œuvre les accords de l’OMC relatifs à la défense commerciale :

  • pour ce qui concerne l’antidumping, le règlement n°1225/2009 s’appuie sur « l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 », ou « accord antidumping de l’OMC » ;
  • dans le cas de mesures antisubventions, le règlement n°597/2009 dérive de « l’ Accord sur les subventions et les mesures compensatoires » (ou « accord SMC ») de l’OMC ;
  • enfin, les éventuelles mesures de sauvegardes sont adoptées conformément aux dispositions des règlements n° 260/2009 et 625/2009 qui respectent les stipulations de « l’ Accord sur les sauvegardes » de l’OMC établissant les règles pour « l’application des règles prévues à l’article XIX du GATT de 1994 ».

Les instruments de défense commerciale ont pour vocation de lutter contre la concurrence déloyale

Les mesures antidumping et antisubventions permettent de corriger les effets des pratiques commerciales déloyales dans les cas où il est établi d’un point de vue technique, économique et juridique que les importations se font à des conditions susceptibles de fausser la concurrence internationale. C’est notamment le cas :

  • lorsqu’une société d’un pays tiers pratique le dumping, c’est-à-dire exporte un produit vers l'Union européenne à des prix inférieurs à la « valeur normale » du produit (les prix intérieurs du produit ou les coûts de production) sur son marché intérieur ;
  • lorsqu’une subvention (c’est-à-dire une contribution financière d’un gouvernement ou d’un organisme public) accordée spécifiquement à un secteur ou une entreprise confère un avantage économique à son bénéficiaire.

Les mesures de sauvegarde ont un effet plus général et s’appliquent à l’ensemble des importations d’un produit. Elles ont pour objectif d’accorder à une branche de production un répit afin de réduire la pression des importations et de procéder aux restructurations nécessaires. En pratique, l’Union européenne évite d’y avoir recours.

La mise en œuvre de la défense commerciale requiert qu’un certain nombre de conditions techniques soient remplies

Elle obéit à des règles strictes. Pour que des mesures antidumping et/ou antisubventions soient adoptées, les accords de l’OMC exigent une triple condition :

  • l’existence du dumping ou du subventionnement doit être démontrée ;
  • l'industrie européenne concernée doit avoir subi un préjudice ;
  • l’enquête doit établir l’existence d’un lien de causalité entre le dumping et le préjudice constaté.

La réglementation européenne va au-delà des exigences des accords de l’OMC puisqu’elle introduit une condition supplémentaire : l'institution de mesures ne doit pas être contraire à l'intérêt de l’Union, c’est-à-dire que cette dernière doit évaluer si le fait de prendre des mesures de défense commerciale ne porte pas atteinte aux intérêts des importateurs, des utilisateurs du produit ou encore du consommateur final.

Des exigences comparables sont nécessaires pour que des mesures de sauvegarde puissent être adoptées (hausse soudaine des importations, liée à des développements imprévisibles et causant un préjudice sérieux à l’industrie européenne).

Les instruments de défense commerciale sont mis en œuvre par la Commission européenne, sous le contrôle des États membres

La défense commerciale est une partie intégrante de la politique commerciale, et relève à ce titre de la compétence exclusive de l’Union européenne.

La Commission européenne examine les preuves présentées par les plaignants et prend la décision d’initier une enquête ou de réexaminer des mesures existantes. Elle conduit les enquêtes et décide à l’issue de ces dernières d’imposer des mesures de défense commerciale temporaires ou définitives, accepte ou refuse les engagements des parties, abroge, modifie ou prolonge les mesures en vigueur, etc.

Les décisions de la Commission sont prises après consultation du Comité des instruments de défense commerciale, composé de représentants de tous les États membres (le représentant pour la France est issu de la DG Trésor) et présidé par un représentant de la Commission. Le Comité donne son opinion sur la conduite de réexamens au titre de l’expiration des mesures et sur l’imposition de mesures provisoires selon une procédure consultative (à majorité simple, ne liant pas la Commission). En revanche, l’opinion du Comité sur l’imposition d’une mesure définitive, la modification ou l’extension de mesures existantes s’exprime selon une procédure d’examen (à majorité qualifiée, s’imposant à la Commission). Il est ensuite possible de faire appel suite à la décision du Comité, afin de donner aux États membres la possibilité d’une seconde discussion à un plus haut niveau sur la proposition de la Commission.

La Commission dispose enfin d’un conseiller-auditeur qui assure la protection des droits des parties intéressées dans les enquêtes antidumping et antisubventions. Il garantit un examen attentif de tous les faits pertinents, le respect du traitement confidentiel des secrets professionnels, et autorise l’accès au dossier d’instruction.

Les mesures de défense commerciale peuvent également être réexaminées par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) et par l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’OMC.

Forme et durée des mesures

Les mesures résultant de la mise en œuvre des instruments de défense commerciale prennent généralement la forme de droits compensatoires. Les droits antidumping et antisubventions visent des pays spécifiques (et les exportateurs de pays tiers se voient imposer un droit individuel en fonction de leur situation et de la mesure dans laquelle ils coopèrent), alors que les mesures de sauvegarde s’appliquent erga omnes.

Les mesures antidumping et antisubventions sont normalement instituées pour une durée de cinq ans et peuvent être reconduites par périodes de cinq années supplémentaires sur la base d’une enquête de réexamen. Des droits provisoires peuvent être institués lorsque les premiers éléments de l’enquête établissent l’existence d’un dumping et d’un préjudice et si l’intérêt de l’Union nécessite une action immédiate en vue d’empêcher un tel préjudice.

Les mesures de sauvegarde peuvent être imposées pour une période de 4 ans avec une possibilité de les prolonger dans une limite totale de 8 ans.

Utilisation des instruments de défense commerciale dans le monde et avenir du dispositif européen de défense commerciale

Au niveau mondial, de nombreux autres pays recourent régulièrement aux IDC, et souvent davantage que l’Union européenne. Ainsi, au cours de l’année 2016, 68 nouvelles enquêtes antidumping ont été initiées par l’Inde, 33 par les États-Unis, 25 par l’Argentine et 17 par l’Australie et la Turquie, contre 14 par l’UE. Fin 2016, 125 mesures antidumping et 15 mesures antisubventions étaient en vigueur dans l’UE, loin derrière les États-Unis (290 mesures antidumping et 82 mesures antisubventions).

En novembre 2016, la Commission a proposé une réforme à la demande des États-membres consistant en la mise en place d’une nouvelle méthodologie antidumping permettant d’adapter l’outil antidumping aux nouvelles réalités du commerce mondial. Un accord politique a été obtenu en trilogue en octobre 2017, la nouvelle méthodologie antidumping de l’UE a été soutenue au Conseil par l’ensemble des États-membres et a fait l’objet d’un vote en plénière du Parlement européen le 15 novembre. L’accord a permis de trouver une solution qui garantisse à la fois la solidité juridique du futur règlement tout en apportant de nouvelles garanties sur le fait qu’aucune charge de preuve supplémentaire n’incomberait à l’industrie européenne. Cette réforme a permis de créer une véritable méthodologie non-standard de calcul des droits anti-dumping en présence de distorsions de marché significatives dans le pays visé par l’enquête, permettant ainsi de protéger l’emploi industriel notamment dans un contexte de surcapacités massives. Le règlement modificatif est entré en vigueur le 20 décembre 2017 et la Commission a publié concomitamment un rapport établissant la présence de distorsions significative en Chine.

Par ailleurs, la réforme des instruments de défense commerciale (IDC) visant à modifier les règlements antidumping et antisubventions, initiée par une proposition de la Commission européenne en avril 2013, a finalement pu faire l’objet d’un accord entre les institutions européennes en décembre 2017. L’essentiel des débats dans ce dossier portait sur l’assouplissement de l’application de la règle du droit moindre et une solution de compromis a pu être trouvée. Cet accord, qui sera traduit en principe par la publication d’un nouveau règlement avant l’été 2018, est une avancée majeure vers un renforcement effectif des IDC, tant par une procédure optimisée que par des droits relevés. Ce chantier permet notamment de démontrer les efforts déployés par l’Europe face à la crise de la sidérurgie et plus largement s’agissant de la protection des emplois industriels dans l’UE.

La France a été source de propositions et a joué un rôle moteur dans l’avancée de ces deux réformes pour défendre un renforcement pérenne et transparent des instruments permettant de lutter plus efficacement contre les pratiques commerciales déloyales.

 

La Commission européenne publie régulièrement sur son site des documents relatifs à la défense commerciale (http://trade.ec.europa.eu/tdi/).

Infographie sur les instruments de défense commerciale de l'UE