Rachat du groupe australien Westfield par Unibail-Rodamco pour 21 Mds EUR
L’acquisition de l’australien Westfield, valorisée à 21 Mds EUR, permet à Unibail-Rodamco de devenir le leader mondial de l’immobilier commercial, avec un patrimoine estimé à 62 Mds EUR. Cette opération permet de renforcer notre visibilité en Australie, avec une large couverture par la presse locale, notamment du fait du prestige de Sir Frank Lowy, créateur et dirigeant du groupe depuis près de 60 ans, et personnalité très influente dans le milieu des affaires australien. En revanche, elle creusera le déséquilibre des investissements croisés entre nos pays, les investissements français pesant déjà près de 7 Mds EUR en Australie, soit sept fois plus que les investissements australiens en France.
Westfield, une success story australienne
Le groupe Westfield a été créé en 1959 à Sydney par Sir Frank Lowy avec la construction de centres commerciaux dans l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud. Le nom du groupe provient de ses premières implantations dans l’ouest de Sydney, la partie de la métropole qui a connu un très fort développement ces dernières décennies. L’entreprise est devenue une société cotée en bourse en 1960, et a acheté et construit des centres commerciaux dans les autres Etats australiens à partir de 1966. Son développement aux Etats-Unis a commencé en 1977. Pendant les années 1990, Westfield a également acheté plusieurs centres commerciaux en Nouvelle-Zélande, et en 2004 a investi dans son premier projet en Grande-Bretagne.
En 2014, le groupe Westfield a été divisé en deux compagnies indépendantes : Westfield corporation, qui gère les 35 centres commerciaux aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et la nouvelle compagnie Scentre group, gérant les 43 centres commerciaux en Australie et en Nouvelle-Zélande. Les deux entreprises sont cotées sur le marché australien ASX. Initialement, Frank Lowy est resté président des deux groupes, avant de quitter la présidence de Scentre group fin 2015. Il a en revanche conservé la présidence non-exécutive de Westfield corporation, ses deux fils Steven et Peter Lowy restant également co-chief executive officers.
Le succès américain du groupe a permis à Westfield d’être l’un des rares groupes australiens disposant d’une notoriété mondiale. Sur la base de ce succès rapide malgré des débuts modestes (immigrant en Australie à 22 ans, fils de déporté à Auschwitz), Frank Lowy a acquis un prestige très important au sein de la communauté d’affaires australienne.
La création d’un leader mondial de l'immobilier commercial
Le groupe Westfield a été valorisé dans cette acquisition 32,7 Mds AUD, soit 21,2 Mds EUR. Les actions Westfield sont ainsi estimées à 10,01 AUD (6,49 EUR) chacune, soit une surcote de 17,8% par rapport au dernier cours à la clôture. Le rachat a été soutenu unanimement par les conseils de Westfield et Unibail-Rodamco. Le montant de la transaction en fait le plus important rachat d’entreprise australienne jamais effectué par un acheteur étranger. Comme Unibail actuellement, la nouvelle entité sera cotée conjointement à Paris et Amsterdam, avec une cotation secondaire sur l'ASX en Australie. Le paiement s’effectuerait aux deux tiers en actions d’Unibail, dont le versement devrait intervenir en mai 2018, et le tiers restant en numéraire. Le paiement en actions permettra aux actuels actionnaires de Westfield de posséder 22% de la nouvelle entité.
Cette acquisition permet au premier groupe foncier européen de devenir le premier opérateur mondial de centres commerciaux avec un patrimoine estimé à 62,1 Mds EUR, constitué de 104 immeubles de bureaux et centres commerciaux, répartis dans 27 villes et employant 3700 salariés. Unibail, déjà présent dans 11 pays d'Europe, trouve une complémentarité géographique grâce à cette acquisition, Westfield étant très présent aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. La France représenterait toujours 37% des opérations du nouveau groupe, et les Etats-Unis 22%.
Les deux groupes associent leurs portefeuilles de projets, estimés à 12,3 Mds EUR. En termes de stratégie, Unibail devrait s’orienter davantage vers des projets mixtes associant logements résidentiel et commercial. Les deux groupes partagent un objectif de lutte contre le commerce en ligne avec des stratégies comparables (lieux exceptionnels, nombreux services, espaces de loisirs, de restauration). Les principaux centres français devraient reprendre la marque Westfield, et les autres centres devraient la conserver, la notoriété de la marque étant importante.
Suite à une carrière chez Westfield de six décennies, Sir Frank Lowy prendra sa retraite du poste de président de Westfield, mais présidera un nouveau conseil chargé d’organiser la fusion des deux entreprises. Deux des membres du conseil d’administration de Westfield, y compris Peter Lowy, feront partie du Conseil de Surveillance de la nouvelle entité. La famille Lowy conservera une part de 2,5% dans la nouvelle entité, soit 1,31 Md AUD (0,84 Md EUR), ce qui consolide sa place de quatrième fortune d’Australie.
Une opération illustrant le déséquilibre des flux bilatéraux d’investissement
Si cette acquisition illustre le mouvement de rapprochement de nos économies, et offre à la France une grande visibilité, elle renforce le déséquilibre de nos investissements croisés. L’opération étant estimée à 21 Mds EUR, ce montant viendra en partie s’ajouter aux 6,95 Mds EUR déjà investis par des sociétés françaises en Australie. Il pourrait en revanche permettre à la France de rejoindre les 15 premiers investisseurs étrangers. Le niveau d’investissement australien en France demeure comparativement faible, avec 1,1 Md EUR, mais le pays n’est pas un investisseur majeur à l’étranger avec un stock de 396 Mds USD, soit 255,4 Mds EUR[1]. La France a investi quatre fois plus à l’étranger, avec un stock de 1259,3 Mds USD, soit 1071 Mds EUR.
[1] OCDE 2016.