Décembre 2017 – N°36

© DG Trésor – Service économique de Dublin

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Macroéconomie

Déséquilibres Macroéconomiques – La Commission européenne a publié son tableau annuel des déséquilibres macroéconomiques (MIP Scoreboard) pour 2016, analysant, pour chaque Etat membre, 14 indicateurs de référence. Globalement, les déséquilibres macroéconomiques de l’Irlande sont en diminution, 5 indicateurs excédant leur seuil limite défini par la Commission contre 6 en 2015 – le taux de chômage moyen sur 3 ans étant passé en dessous du seuil des 10 %. Le ratio de dette publique rapportée au PIB reste problématique même s’il diminution de 4,1pp. La position nette des investissements internationaux et la dette privée rapportée au PIB restent très supérieures aux seuils limites. L’évolution des prix immobiliers est elle aussi jugée problématique.MIP

Activité économique – Le PMI manufacturier s’établit à 58,1 en novembre, en forte hausse par rapport à octobre (54,4). L’indice atteint ainsi son niveau le plus élevé depuis 18 mois, notamment grâce à une augmentation des nouvelles commandes et une amélioration des marchés à l’export – ce qui est cohérent avec la bonne tenue du PMI manufacturier de la zone euro qui atteint lui aussi son niveau le plus élevé depuis 17 mois. Le PMI des services a quant à lui diminué de 1,5 pt en novembre, à 56,0. Bien que ce chiffre soit satisfaisant dans l’absolu, il n’en constitue pas moins le niveau le plus faible de ces 12 derniers mois.

PMI

Ventes de détail – Les ventes de détail (en volume) étaient stables en octobre par rapport au mois précédent et en hausse de 4,5% en g.a. – soit 0,5pp de moins qu’en septembre. Malgré la dépréciation de la livre sterling depuis le referendum sur le Brexit de juin 2016, les ventes de détail en Irlande ont été résilientes. Les recettes de TVA sont même plus élevées qu’attendues. En revanche, la faiblesse de la livre sterling demeure une source d’inquiétude pour les détaillants irlandais, qui craignent que de plus en plus de consommateurs irlandais ne fassent leurs achats de l’autre côté de la frontière nord-irlandaise, particulièrement pendant la période de Noël.

Retail

Chômage – Le taux de chômage était en diminution en novembre à 6,1 %. La série statistique a toutefois fait l’objet d’une importante révision à la hausse sur les mois antérieurs (+0,3pp en octobre à 6,3 %). Le CSO a prévenu qu’une nouvelle révision serait effectuée en janvier 2018 : l’important flux entrant de travailleurs sur le marché du travail irlandais pourrait conduire à une réévaluation de la population active totale influant d’autant sur le taux de chômage.

Unemployment

Immobilier – Les prix immobiliers ont accéléré en septembre 2017 sur l’ensemble du territoire irlandais, enregistrant une inflation de +2% par rapport à août 2017 et de +12,8% sur un an. A Dublin, l’inflation mensuelle en septembre2017 a atteint +1,9%, et l’inflation annuelle +12,2%. Hors Dublin, les prix des logements ont augmenté de +2,1% sur le mois de septembre et de +13,2% sur un an. Le dynamisme des prix est une conséquence directe de l’important déficit d’offre de logements du pays.

Immo

Revenu des ménages – Le revenu disponible des ménages irlandais a augmenté de 3,9% en 2016, porté par une augmentation du salaire moyen. Les dépenses de consommation des ménages ont également progressé mais le taux d’épargne a enregistré une légère diminution, s’établissant à 6,6%. Le taux d’épargne de l’Irlande se situe ainsi bien en dessous de la moyenne de l’UE de 10,3%.

GDI

Entreprises Multinationales – Les 50 plus grosses entreprises multinationales (FMN) présentes en Irlande (sur les 114 000 entreprises de toutes tailles que totalise le pays) ont représenté 30 % du PIB de l’Irlande en 2016. Ces 50 FMN ont affiché un profit brut cumulé de 78 Mds€, versé 4 Mds€ de salaires et autres revenus à leurs employés et se sont acquitté de 3 Mds€ d’impôts. Elles ont ainsi généré 44 % de la valeur ajoutée brute totale des entreprises non-financières, 58 % de l’excédent brut d’exploitation consolidé du pays et environ 40% de l’impôt sur les sociétés collecté en Irlande. En revanche, elles n’ont représenté que 8 % de la masse salariale. Ces chiffres viennent une nouvelle fois confirmer la très forte dépendance de l’économie irlandaise aux activités des FMN.

Finances publiques

Recettes fiscales – Les recettes fiscales attendues du mois de novembre ont dépassé les prévisions de 186 m€ (+2,3%), à 8,3Mds€, en hausse de 4% en g.a. Le solde du gouvernement central (Exchequer) était en excédent de 4,6Mds€, bien supérieur à celui de 1,5 Md€ à la même période l’an dernier. Cette importante amélioration s’explique principalement par la vente en juin de 28 % des parts d’AIB détenues par l’Etat. Outre ces recettes « exceptionnelles », l’impôt sur les sociétés apparait comme l’un des principaux facteurs de ces bons résultats, avec des recettes supérieures de 181 m€ aux estimations précédentes. L’impôt sur le revenu sur les 11 premiers mois de 2017 est en revanche plus faible qu’attendu de 251 m€ (-1,4%), mais en croissance de 4,2% en g.a. Dans le même temps, le gouvernement parvient à limiter les dépenses à un niveau inférieur à ce qui était prévu dans le budget. Le mois de novembre est particulièrement important pour les recettes fiscales annuelles, représentant environ 16% de la collecte totale, car c’est à cette période que sont collectés les impôts sur les sociétés et sur le revenu des entrepreneurs.

Avis sur le Projet de Budget 2018 : Commission européenne – La Commission européenne a estimé le projet de budget 2018 de l’Irlande « globalement conforme » (broadly compliant) aux dispositions du Pacte de Stabilité et de Croissance malgré certains risques de déviation par rapport à son objectif de moyen terme (OMT). Le scénario macroéconomique retenu par le gouvernement irlandais est jugé très proche de celui de la Commission. Si elle reconnait l’amélioration du ratio de dette publique rapportée au PIB, estimé à 70,1% en 2017 et 69,0% en 2018, elle souligne néanmoins l’influence des FMN sur l’estimation du PIB alors que le montant absolu de la dette publique reste très élevé. La Commission rappelle également les risques persistants pesant sur l’économie irlandaise : le Brexit et les évolutions attendues des politiques fiscale et commerciale des Etats-Unis.

Avis sur le Projet de Budget 2018 : Irish Fiscal Advisory Committee (IFAC) – L’IFAC considère globalement la politique budgétaire du gouvernement comme prudente. Il souligne notamment la réduction graduelle de la dette publique, l’augmentation modérée des dépenses et l’accélération des investissements publics tout en respectant les règles budgétaires européennes. L’IFAC alerte néanmoins sur les risques de surchauffe de l’économie si une réponse budgétaire rapide à l’important déficit d’offre de logement devait être mise en place et financée autrement que par une réduction de la dépense ou une hausse des prélèvements. Le rapport pointe également les risques que constituent, pour l’économie irlandaise, le Brexit et l’évolution des e politiques fiscales et commerciales des principaux partenaires de l’Irlande (Europe et Etats-Unis). L’IFAC déplore par ailleurs la pro-cyclicité de la méthodologie utilisée par la Commission pour identifier le « rythme soutenable » de croissance des dépenses des Etats membres. Dans certains cas, cette méthodologie peut conduire à traiter une amélioration principalement conjoncturelle comme structurelle. A cet égard, certaines des augmentations de recettes inscrites dans le budget 2018 de l’Irlande (augmentation du droit de timbre pour l'immobilier commercial et moindre déductibilité des acquisitions de brevets) pourraient avoir un caractère plus conjoncturel que structurel.

Remboursement anticipé du prêt FMI – Le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) a approuvé lundi 27 novembre la demande de l’Irlande de rembourser par anticipation le solde de 4,5 Mds€ du prêt qu’elle avait contracté auprès du FMI dans le cadre du « plan de sauvetage » de 67,5 Mds€ mis en place par la Troïka en 2011-2013. L’Irlande avait déjà remboursé 18 Mds€ par anticipation en 2015. Il remboursera également 1 Md€ de prêts bilatéraux contractés auprès du Danemark et de la Suède. Pour que ces remboursements puissent avoir lieu, les autres créanciers ayant participé au plan de sauvetage (FESF, Royaume-Uni) doivent en effet renoncer formellement à la clause de comparabilité de traitement (pari passu). Selon le gouvernement irlandais, l’opération va permettre à l’Irlande d’économiser 150 m€ au titre du service de la dette.

Investissement et compétitivité

Commerce extérieur – La balance commerciale de l’Irlande a affiché un excédent de 3,6Mds€ en septembre, moins fort qu’attendu. Les exportations ont progressé de 1,2% sur le mois, à 9,3 Mds€, et les importations ont diminué de 3% à 5,7 Mds€. L’incertitude autour des négociations sur le Brexit a affecté la confiance des entreprises et des consommateurs de façon très modérée, les chiffres de l’année restant positifs. Pour autant, les risques persistent, surtout pour les exportateurs du secteur agro-alimentaire, très dépendants du marché britannique. L’évolution de la parité euro/livre sterling sera déterminant à cet égard.

Secteur financier

Secteur privé – Le secteur privé a continué son processus de désendettement en octobre, le stock de prêts hypothécaires étant en baisse de 2,1% en g.a, à 105Mds€. Les remboursements d’emprunts contractés lors de la période du « Tigre Celtique » restent supérieurs à l’octroi de nouveaux prêts. Selon les prévisions de Davy Research, le stock de prêts hypothécaires devrait continuer de se contracter de 0,5% en 2018 avant d’augmenter de 0,5% en 2019.

Le processus de désendettement des sociétés non-financières est presque achevé, les prêts octroyés ayant diminué de 1% sur les 10 premiers mois de 2017, soit le rythme de désendettement le plus lent observé depuis 2009. L’encours de prêts aux entreprises est ainsi passé de 170 Mds€ en 2008 à 41 Mds€ en 2017. Par ailleurs, selon la Banque centrale irlandaise (CBI), la demande de prêts provenant des entreprises a diminué depuis le referendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE en juin 2016, reflétant l’incertitude entourant les négociations. Les PME, plus exposées au marché britannique, à la dépréciation de la livre sterling et à un « cliff-edge Brexit » sont les plus prudentes.

Le processus de désendettement des ménages irlandais se poursuit également, quoiqu’à un rythme plus lent que celui des entreprises. La dette des ménages est passée de 150 Mds€ en 2015 à 143 Mds€ en 2016, le ratio de la dette rapportée au revenu passant quant à lui de plus de 2 en 2009 à 1,5 en 2016.

Prêts hypothécaires – Le taux d’approbation des prêts hypothécaires était en hausse de 34% au mois d’octobre en g.a, à 834 m€, continuant ainsi sa croissance rapide. Selon les prévisions de Davy Research, le marché hypothécaire irlandais devrait passer de 5,7 Mds€ en 2016 à 7,5 Mds€ en 2017 et 9,3 Mds€ en 2018. Le montant moyen des prêts accordés était en hausse de 9,8%, à 230 000€, ce qui devrait soutenir l’inflation sur le marché immobilier. Le ratio médian de prêts rapportés aux revenus des primo-accédants était ainsi de 3,2 au troisième trimestre 2017, contre 2,9 début 2016. La valeur des nouveaux prêts dont le ratio excède 3,5 était de 18% au premier semestre 2017, proche de la limite des 20% fixée par la CBI. Cette dernière a par ailleurs décodé de renforcer son contrôle prudentiel en différenciant les primo-accédants des autres acheteurs pour l’analyse de ce ratio : à partir de 2018, la limite de 20 % s’appliquera aux premiers alors qu’une limite de 10% s’appliquera aux seconds. Davy Research estime que ce renforcement des règles devrait permettre de limiter la progression des prix immobiliers à 8% en 2018.

Arriérés hypothécaires de longue durée – Selon un rapport publié par la CBI, la résorption des arriérés hypothécaires en Irlande n’enregistre pas de progrès significatif. Au deuxième trimestre, 32 169 prêts hypothécaires de propriétaires-occupants étaient en arriéré de plus de 720 jours (avec un retard de paiement moyen de 76 500€), représentant 4,4% du total des 732 000 prêts. 14 084 prêts hypothécaires d’investisseurs locatifs étaient dans la même situation, pour un retard de paiement moyen de 119 000€. Ces arriérés de long-terme, toujours non-résolus 10 ans après le krach immobilier, illustrent les faibles progrès réalisés en matière de restructuration des prêts et de saisie des collatéraux, principalement du fait de la lenteur des procédures judiciaires. 61 % des débiteurs en arriéré de plus de 2 ans ont engagé des discussions de restructuration avec leur banque mais seuls 16 % ont fait l’objet d’une restructuration effective.

Brexit

« Phase 1 » des négociations - L’UE et le Royaume-Uni sont parvenus à un accord politique permettant à la Commission européenne de recommander l’ouverture de la « Phase 2 » des négociations lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre. Jusqu’à la dernière minute, les négociations ont achoppé sur la question de la frontière irlandaise. Lundi 4 décembre, le parti unioniste nord-irlandais DUP avait fait échouer un premier accord entre Bruxelles et Londres, qui prévoyait un alignement réglementaire entre l’Irlande du Nord et l’UE et que le DUP interprétait comme une séparation de l’Irlande du Nord du reste du R-U. L’accord finalement trouvé le 8 décembre prévoit qu’en cas de « no deal », l’Irlande du Nord conserve un « alignement » réglementaire complet avec la République d’Irlande. Theresa May a précisé que, dans un tel scénario, le R-U s’assurerait par ailleurs qu’il n’y ait pas de nouvelles barrières réglementaires entre l’Irlande du Nord et la Grande Bretagne, ce qui pourrait de facto permettre un « soft Brexit ». En plus d’être considéré comme une victoire diplomatique majeure pour la République d’Irlande, cet accord est de nature à rassurer les entreprises irlandaises et donc à réduire les risques pesant sur l’économie du pays.

 

Evolution des indicateurs macroéconomiques

Tableau annuel

yearly table

Tableau mensuel

monthly table