En 2017, la Norvège a été élue pays le plus numérisé par l’institut finlandais Etla [1]. La connectivité est considérée comme un enjeu majeur pour le futur. Les villes norvégiennes telles qu’Oslo ou Stavanger s’imposent comme leader dans le domaine.

Que ce soit par le développement du réseau, les services aux citoyens, la gestion de l’énergie ou encore par l’expansion de l’OpenData, les nouveaux marchés de la vile connectée (« Smart City ») représentent de nombreuses opportunités pour le secteur privé.

Des stratégies « Smart City » …

Selon l’institut d’analyse Frost & Sullivan, le marché mondial des villes connectées (« Smart Cities ») représente plus de 13 000 Mrds de NOK (soit environ 1 391 Mrds €) pour les 5 prochaines années. Une part importante de ce marché est portée par les autorités gouvernementales, que ce soit par des investissements ou par la mise en place de plans de développement urbain.
Depuis quelques années, la Norvège se lance sur ce nouveau marché. Ainsi, selon le rapport NBCI (2), 1/3 des municipalités norvégiennes possèdent une stratégie Ville Connectée. Les municipalités de Baerum (IT-strategi, Smart IT – en enklere hverdag 2014-2020), d’Oslo (Smart Oslo Strategy) et de Stavanger (IKT-strategi 2014-2017 basée sur une stratégie digitale à long terme 2014-2029) et de Trondheim (Temaplan : IKT, digitalisering og velferdsteknologi 2015-2018) sont les villes les plus avancées dans le domaine.
On retrouve également d’autres initiatives dans certaines villes norvégiennes telles que Bodø (une collaboration entre le projet local New City – New Airport et un groupe de réflexion entre les représentants de la municipalité, l’université de Nordland, le conseil de recherche de Norvège et l’administration publique en charge des routes) ou encore Sparsborg (Smart city Sparsborg, un projet de collaboration entre la municipalité, les entreprises locales et les experts du Centre d’Expertise Norvégien et du Marché des Énergies Intelligentes d’Halden).
En 2013, l’industrie des technologies de l’information et de la communication (TIC) représentait 4,9% de la création de valeur en Norvège et 3,8% des emplois (hors secteurs des hydrocarbures et de la construction navale)
L’innovation et la créativité ainsi favorisées permettent la mise en place d’initiatives impliquant divers acteurs (publics comme privés) et ayant pour objectif la création d’une ville connectée et efficace au service de ses habitants.

…visant différents domaines

Développement du réseau 

Afin de pouvoir développer des outils innovants permettant à titre d’exemple un meilleur dialogue entre les citoyens et les autorités publiques ou encore une meilleure efficacité énergétique, la mise en œuvre des réseaux de communication adaptés est nécessaire. Étape essentielle du développement d’une Ville Connectée, la mise en place de réseaux 4G ou de réseaux Wi-Fi ainsi que de réseaux de fibres optiques dessine un maillage global à destination des différents équipements connectés et des réseaux de capteurs qui grâce aux informations clés qu’ils enverront aux systèmes d’information et par exemple aux terminaux des personnels municipaux, permettront d’optimiser le fonctionnement de la cité. Les projets de la ville de Trondheim et de Stavanger sont particulièrement révélateurs de cette volonté :
Triangulum. La ville de Stavanger fait partie, avec les villes de Manchester et d’Eindhoven, des villes phares du projet européen de Smart City Triangulum. Ces trois villes collaborent depuis 2015 (et jusqu’à 2020) afin de développer, de mettre en place et de partager des solutions innovantes et connectées dans les domaines de la mobilité, de l’énergie et des TIC. Le projet rassemble plus d’une vingtaine d’acteurs de divers horizons (industrie, municipalité, recherche…) dont l’objectif est de reproduire les initiatives qui fonctionnent dans les villes de Prague, Leipzig, Tianjin et Sabadell. Avec un budget total de 30 M € (auquel le fond de la Commission européenne participe à hauteur de 25 M €), le projet est coordonné par l’institut Fraunhofer (IAO) de Stuttgart et soutenu par le Centre Steinbeis-Europa. Dans le cadre de ce projet, la ville de Stavanger développe un réseau de fibres optiques à haute performance afin d’accélérer la transmission et l’échange des données. Cette initiative permet de renforcer la position de Stavanger comme ville leader à l’échelle européenne dans le domaine des Villes Connectées.  
Le réseau sans-fil de Trondheim. Avec une population étudiante importante, les réseaux WiFI de NTNU et Eduroam couvrent deux larges zones. À cela s’ajoute Trådløse Trondheim, le réseau Wifi de la ville. Ce projet qui a débuté comme un projet universitaire a permis la mise en place de 500 point d’accès au réseau Wifi en centre-ville. Un usage standard de 3 heures est tarifé à 10 NOK (1 €) et celui de 24 heures à 30 NOK (3,2 €).

Faciliter l’usage des transports en commun

À Oslo, plus de 60% des émissions de GES proviennent du secteur du transport. À l’échelle nationale, le secteur représente 18, 6% des émissions de GES totales en 2016. Dans ce contexte, le développement des transports en commun (bus, tramway…) est un enjeu majeur pour les municipalités. Outre la nécessité en infrastructures et en équipement, c’est l’ensemble de l’écosystème des transports en commun qui doit être repensé. C’est en rendant plus pratiques et plus accessibles les mobilités durables que l’on peut favoriser le report modal (3 ) de la voiture individuelle vers celles-ci. Les nouvelles technologies d’information et de communication sont alors des outils efficaces pour faciliter l’accès au transport en commun pour les habitants. À titre d’exemple, dans le cadre de son projet Smart Oslo, la municipalité d’Oslo a organisé à plusieurs reprises des concours tels que le Smart Mobility Hackaton afin de récompenser les startups innovantes.
Ruter (4 ), la société responsable de la gestion des transports en commun d’Oslo et d’Askhersus, a mis au point une application, RuterBillet, permettant de planifier des itinéraires ainsi que d’acheter directement des billets et abonnements, rendant caduque l’utilisation de tickets papiers. Ce système est très pratique, notamment pour les locaux ; pour les touristes ou les réfractaires aux nouvelles technologies existe toujours la possibilité d’acheter des tickets papier dans les nombreux « Seven-Eleven » ou autres boutiques telles « Narvesen ». Un système similaire est disponible à Trondheim. AtB est une application issue des autorités de transport locales, permettant l’achat direct de ticket fournissant ainsi un flash-code qu’il suffit de présenter au chauffeur pour valider son trajet. Les tickets «  en ligne » (24,8 NOK) sont ainsi moins chers que leurs analogues papiers (33 NOK et 40 NOK si achetés dans le moyen de transport).

Collecte d’informations et Open data

La ville connectée est aussi une ville de collecte et de traitement des données. La mise en place de capteurs au sein de la cité permet d’avoir une perception de la ville en temps réel ainsi que d’améliorer l’efficacité des services dispensés. Une étude publiée en 2015 par Det Norske Veritas estime que le marché de l’Open data s’élèvera à lui seul à hauteur de 30 Mrds de NOK (3,2 Mrds €) sur une période de 15 ans.
L’agence Norvégienne pour la Gestion Publique et le e-Government, appelé Difi, a lancé en 2011 le portail data.norge.no, en application de la politique nationale d’accessibilité aux données publiques. L’un des principaux objectifs de ce portail est de permettre une meilleure coordination entre le secteur privé et le secteur public. Chaque acteur peut ainsi partager ses banques de données.
L’Open data est utilisé dans de nombreux domaines en Norvège. Par exemple, afin de répondre aux objectifs nationaux de réduction des GES, le contrôle environnemental de la qualité de l’air en milieu urbain est devenu essentiel. Les différences de méthodologie pour la mesure des émissions entre les différentes municipalités norvégiennes (et dans le reste du monde de façon plus générale), nécessitent une harmonisation. Le projet Carbon Track and Trace Project (CTT), en collaboration entre les villes de Trondheim et de Vejle (Danemark), a pour objectif de réduire les émissions de CO2, combattre le réchauffement climatique et développer les systèmes de contrôle des émissions de GES. Il est à l’initiative du Low Carbon City Lab du programme européen sur le climat KIC. Le NTNU a dirigé ce projet, basé sur des réseaux de capteurs sans fil (Technologie Plug & Sense! Smart Environment PRO), mesurant les taux de CO2, NO, PM1, PM2.5, PM10, la température, la pression et l’humidité. Outre les retours quant à l’efficacité des actions en faveur de la qualité de l’air que cela peut permettre, les informations récoltées sont accessibles aux habitants pour connaitre l’état de la pollution en temps réel. En assurant un suivi environnemental, un retour vers les citoyens est réalisé sur les mesures entreprises et leur efficacité. L’universalité du système permet d’obtenir des mesures homogènes suivant une même méthodologie et dont la comparaison est d’autant plus pertinente. De plus, il s’agit d’un outil de communication performant, favorisant la transparence des autorités gouvernementales par rapport à la population.

Éfficacité énergétique

Selon l’Agence internationale pour l’Énergie (IEA), l’efficacité énergétique est le paramètre le plus important pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris. Le rapport sur l’efficacité énergétique réalisé par la fondation environnementale Bellona et l’entreprise allemande Siemens en 2007 a démontré que la Norvège pourrait économiser l’équivalent de 20% de sa consommation en électricité en utilisant une technologie adéquate.
Bien que le prix de l’électricité soit bien en dessous de la moyenne européenne (5 ), des économies peuvent (et doivent) être réalisées. À cet effet, limiter l’éclairage public avec la mise en place d’un éclairage intelligent permettrait de réduire la facture énergétique et la pollution lumineuse. 11 municipalités de l’ouest de la Norvège (Sud de Rogaland) vont mettre en place, avec la collaboration de Philips Lighting, un projet d’éclairage urbain intelligent. Plus de 18 000 lampadaires connectés vont être installés permettant ainsi un réglage manuel et centralisé en fonction des conditions météorologiques, saisonnières, de trafic…. Ce projet permettrait des économies d’énergie allant jusqu’à 70% et une réduction d’émissions de CO2 annuelle de  1 100 tonnes. Le projet devrait être finalisé d’ici 2019. Une initiative similaire a vu le jour à Oslo : la solution Streetlight Vision, développée par l’entreprise française CITELIUM, a été déployée de 2012 à 2013.
D’autre part, les bâtiments représentent 35% de la consommation en énergie et 3% des émissions de GES en Norvège. L’efficacité énergétique des bâtiments est donc aussi un outil performant pour le développement d’une ville durable. La commune de Stavanger – comme de nombreuses autres municipalités – possèdent de nombreux systèmes de gestion des bâtiments. La gestion quotidienne de tels systèmes est devenue un travail complexe. La commune a lancé un appel d’offre, afin d’unifier les systèmes en une seule interface permettant la visualisation de l’ensemble des bâtiments. (Surveillance, alarme…). Une version web et une version mobile devaient être fournies. La commune de Stavanger en collaboration avec F5 IT, une entreprise qui opérait dans le secteur des hydrocarbures avant de se convertir vers le marché des Smart Cities en utilisant le savoir-faire et les technologies hérités de ses activités précédentes,  ont développé l’outil Smart Automation, une plateforme rassemblant les informations recueillies dans les différents bâtiments municipaux. Tous les capteurs peuvent être gérés depuis le même tableau de bord et les opérateurs n’ont plus besoin de contrôler chaque équipement (tels que les systèmes de ventilation) individuellement. Une analyse coût-avantage réalisée par le NHO (organisation norvégienne représentative du secteur privé) et le National Program of Suppliers Development a estimé que le budget du projet serait entre 9,3 M et 24,5 M NOK (soit entre 1 M et 2,6 M€).  

Replacer le bien-être et les besoins des habitants au cœur de la ville 

La ville connectée, pour s’inscrire dans les trois grands piliers du développement durable, doit replacer l’habitant au cœur de la ville. La municipalité d’Oslo a mis en place différentes applications disponibles sur SmartPhone. Elle s’est tournée vers les enfants pour développer une application mobile Trafikkagenten permettant de savoir où construire de nouveaux trottoirs et où limiter la vitesse. Conçue comme un jeu dans lequel les plus jeunes deviennent des agents secrets, cette application leur permet de reporter des informations sur les dangers ou inconforts qu’ils rencontrent sur le chemin de l’école. Cela permet de cerner les besoins actuels des habitants et d’y répondre efficacement.
De plus, le développement de politiques d’e-Gouvernement permet de renforcer le dialogue entre les citoyens et les autorités gouvernementales. La Norvège numérise depuis plusieurs années son secteur public. En 2015, la Norvège se voit accorder la 3ème place des pays les plus avancés en matière de numérisation du service public, selon le World Justice Project Open Government Index. Avec le « Norwegian eGovernment Program », la Norvège se positionne donc comme leader dans ce domaine. De ce programme est issu le livre blanc « Digital Agenda for Norway (2015-2016) » qui déploie 5 axes clés : se focaliser sur les utilisateurs, positionner le secteur des TIC comme moteur de l’innovation et la productivité, renforcer les compétences et connaissances en numérisation, effectuer une numérisation efficace du secteur public et  garantir la sécurité des données. Ainsi, afin de s’inscrire dans l’ère de la révolution numérique et de suivre au mieux les besoins et les attentes de la population, les autorités publiques doivent peu à peu numériser leurs services.
Les innovations technologiques pour le bien être des habitants sont développées en Norvège, selon le rapport NBCI. Seule une minorité (environ 15 municipalités) n’a pas de plan ou de stratégie dans ce domaine. A contrario, la ville de Trondheim a développé un programme pour les technologies “Bien-être” à l’horizon 2020 avec un plan d’action 2015-2016.
Trialog, une société française dont le siège se trouve à Paris et qui s’est spécialisée dans les nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie, de la mobilité électrique, de la cyber sécurité et de la santé, s’est récemment établie à Oslo en développant une plateforme INOtailored et des applications associées afin de faciliter la vie quotidienne des personnes âgées.  Une application appelée Here and Now a été créée afin de favoriser les interactions entre les organisations locales et les habitants. Cet outil permet aux citoyens de se renseigner sur les informations des autorités locales, des associations, des magasins et des entreprises. D’autres applications permettent, via la plateforme INO, de partager des données personnelles en toute sécurité (rendez-vous, contacts professionnels, documents médicaux, assurances…) ou encore procure un environnement pour les utilisateurs afin qu’ils s’intègrent socialement sur leur territoire. C’est la première entreprise française à joindre le Norwegian Smart Care Cluster (NSCC).

Commentaires

Outre un aspect pragmatique indéniable, la ville connectée suppose des habitants connectés. Les personnes ne possédant pas des smartphones adaptés se retrouvent parfois gênées/défavorisées pour l’utilisation de certains services plus facilement disponibles via l’utilisation d’outils adéquats. Cette problématique se pose non pas tant pour les usagers locaux que pour les touristes, même si les billets papiers sont encore disponibles dans toutes les épicerie de type « Seven - Eleven ». D’autre part, un tel degré de numérisation soulève des questions en termes de cyber-sécurité. Les récentes attaques (WannaCry le 12 mai 2017 ou encore NotPetya le 27 juin 2017) soulignent le manque de sécurité des données et la nécessité de la renforcer. Sur ce marché on trouve évidemment d’importants groupes industriels français, tels que Thales, Airbus Group, Bull, Safran, mais aussi de nombreuses entreprises de taille plus modeste. Parmi les championnes tricolores, on note la présence de Dictao, spécialiste de la sécurisation des transactions (authentification, coffre-fort numérique…), très présente dans l’administration, la banque, l’assurance…  

1 Suivi par la Finlande, la Suède et le Danemark

2 Nordic Broadband City Index 2016

3 Pourcentage des déplacements effectués selon un mode de transport particulier sur l’ensemble des déplacements réalisés.

4 Possédée à 60% par la municipalité d’Oslo et à 40% par le conseil régional d’Askhersus.

5 0,16 €/kWh contre un prix moyen en Europe de 0,21 €/kWh

Illustration ville connectée

Crédit illustration Pixabay