Le secteur aéronautique civil japonais et ses relations avec la France
Une version plus récente de cet article est disponible : Transport aérien et industrie aéronautique civile au Japon (novembre 2019)
Résumé : L’industrie aéronautique japonaise, historiquement dépendante des Etats-Unis et des commandes militaires, connaît depuis 20 ans une ouverture vers l’Europe et est désormais dominée par le secteur civil. Encouragée par le gouvernement, elle se lance dans des chantiers innovants. Le secteur du transport aérien japonais est en croissance, aussi bien sur les vols intérieurs qu’à l’international, notamment en lien avec la politique touristique du gouvernement. Ceci rend nécessaire la modernisation des aéroports, y compris ceux de Tokyo qui accueillent la majeure partie du trafic. Ces diverses tendances ouvrent des perspectives pour les entreprises françaises et font l’objet d’échanges réguliers entre nos administrations.
Ancienne version (2017) :
L’industrie aéronautique japonaise, historiquement dépendante des Etats-Unis et des commandes militaires, connaît depuis la fin des années 1990 deux évolutions notables : d'une part le développement de la production civile au détriment de la production militaire ; d'autre part l’ouverture du Japon à des collaborations, notamment avec les entreprises françaises et européennes. Les pouvoirs publics français et japonais développent également depuis quelques années un dialogue structuré et régulier sur les aspects économiques et régaliens de l’aéronautique civile.
1. Vue d’ensemble de l’industrie aéronautique civile japonaise
1.1 Production civile et exportations en développement, mais industrie morcelée
L’industrie aérospatiale japonaise occupe le 6ème rang mondial avec un chiffre d’affaires de 2 129 Mds de yens (17,5 Mds €) en 2015. Elle emploie près de 36 000 personnes. Le chiffre d’affaire de la branche aéronautique (civile et militaire, hors spatial) qui a dépassé en 1998 1000 Mds de yens (environ 8,2 Mds €) atteint désormais 1800 Mds de yens (14,7 Mds €), avec 28 000 employés. Malgré ces importants progrès, l’industrie aérospatiale pèse à peine 0,4% du PIB (contre 2,59 % en France, 1,52 % aux Etats-Unis). Le chiffre d’affaire aéronautique du Japon est 7 fois plus faible que celui des Etats-Unis. L’aéronautique japonaise pèse 30 fois moins que l’automobile et 7 fois moins que l’électroménager.
Contrairement à Airbus ou Boeing, entreprises spécialisées, les principaux constructeurs aéronautiques japonais sont des entreprises de l’industrie lourde (Mitsubishi Heavy Industries, Kawasaki Heavy Industries, FHI, ShinMaywa, IHI). Le secteur aérospatial ne représente que 5 à 30% de leur chiffre d’affaires. MHI et KHI sont les principaux donneurs d’ordre dans la construction d’appareils commerciaux, mais ne sont respectivement que 19ème et 34ème industriels aéronautiques au plan mondial. IHI est le premier motoriste aéronautique japonais, et le 7ème au niveau mondial, avec 4,3% du marché.
On note une volonté des automobilistes japonais de se positionner sur le marché de l’aéronautique. Honda Motor a ainsi développé - entièrement aux Etats-Unis - un petit avion d’affaires, le Honda Jet. La livraison du premier appareil a eu lieu aux Etats-Unis en 2015 et en Europe en 2016.
1.2 Evolution du rapport civil/militaire et de la balance commerciale
A compter de la fin des années 1990, la réduction du budget du Ministère de la Défense a incité les industriels à s’adapter et à orienter leur production davantage vers le secteur civil. Depuis une dizaine d’années, la part du civil dans la production augmente, pour atteindre 74% du chiffre d’affaire en 2015, une situation inverse à celle au début des années 60 où le militaire représentait 80% du total.
En parallèle, le taux d’exportation du Japon dans le secteur aéronautique a fortement augmenté (environ 10% dans les années 1980, 53% en 2015). Le ratio importations/exportations qui était de 1,4/10 dans les années 1980 atteint 7,3/10 en 2015. Les échanges import/export restent dominés par les Etats-Unis (75% des échanges du Japon). L’Europe, bien qu’en deuxième position, ne représente que 16%. La balance commerciale vers la France est nettement déficitaire pour le Japon, avec 95,7 Mds JPY d’importation contre 2,8 Mds JPY d’exportation.
2. Développement de l’offre française de l’aéronautique civile au Japon
2.1 Position de l’offre française au Japon
Alors que les entreprises japonaises augmentent progressivement leur participation en tant que partenaire à risque (risk-sharing partner) aux programmes de Boeing (15% du B767, 21% du B777, et 35% du B787), leurs relations avec les programmes Airbus se font plutôt dans un cadre de sous-traitance, notamment pour l’A380, l’A330 et l’A320. Une vingtaine d’entreprises japonaises participent ainsi au programme A380, contribuant à hauteur de 2% à la fabrication de ce dernier. Un partenariat à 50/50 existe également entre KHI et Airbus Helicopters pour le co-développement de l’hélicoptère BK117. Parmi les entreprises françaises contribuant au projet MRJ, Airbus Helicopters fournit la porte et Zodiac Aerospace fournit les équipements intérieurs. Le moteur du MRJ est en revanche américain.
En terme de parts de marché, Airbus Helicopters est numéro un au Japon sur le marché des hélicoptères civils avec une part de marché de près de 60%. Sur le marché des avions de ligne, Airbus n’a pas encore la même présence mais connaît un dynamisme récent, illustré par les commandes des compagnies low-cost en 2011/2012 puis les commandes des deux principales compagnies nationales, JAL (31 A350 et 25 en option, en 2013) et ANA (7 A320 Neo, 23 A321 en 2014, 7 A321 en 2015 et 3 A380 en 2016). ATR est entré sur le marché avec une commande de la compagnie régionale Amakusa en 2014 puis de Japan Air Commuter (filiale JAL) en 2015 pour 8 ATR-42.
En avril 2017, Dassault Aviation Falcon se positionne auprès de JAL pour des services d’aviation d’affaire, dans un 1er temps avec un accord de partenariat pour des vols en correspondance à Paris, et la perspective de développer dans un 2nd temps une offre depuis Tokyo, que JAL pourrait lancer d’ici 2020.
Sur le plus long terme, Airbus cherche à développer ses liens avec le tissu industriel japonais (sous-traitants, logistique…). Dans ce cadre, la filiale Airbus Ventures vient de s’implanter au Japon afin d’identifier des start-up innovantes sur lesquelles investir.
2.2 Présence des entreprises aéronautiques françaises au Japon
Les acteurs aéronautiques français présents au Japon sont représentés par le comité GIFAS Japon . Ce comité, qui couvre l’ensemble des sujets aérospatiaux (civil, défense, espace), regroupe les acteurs historiques qui travaillent depuis longtemps sur le marché japonais tels que le groupe Airbus (Airbus, Airbus Helicopter, Airbus Defence & Space), Arianepace ou Thalès, et les nouveaux arrivants tels que Zodiac Aerospace, Hutchinson, Bolloré et WeAre Aerospace. Le GIFAS entretient une relation étroite avec son homologue japonais, le SJAC (Society of Japanese Aerospace Companies), ainsi qu’avec les différents services de l’Ambassade.
L’objectif du GIFAS Japon est de consolider la présence des industriels français et développer leur visibilité auprès des autorités, partenaires et clients japonais. L’année 2016 a constitué une étape importante, avec une très forte présence française (2ème exposant étranger après les Etats-Unis) sur le salon Japan Aerospace, évènement stratégique dont la prochaine édition se tiendra en novembre 2018. Ce salon fut suivi fin 2016 par une visite au Japon du Président du GIFAS, accompagné d’une importante délégation de membres, pour une série de rencontres de haut niveau avec les industriels et les ministères japonais.
2.3 Enjeux aéroportuaires pour les entreprises françaises
En plus des entreprises de la construction aéronautique, une entreprise française est entrée en 2015 sur le marché japonais de la concession aéroportuaire. Vinci Airport, allié au financier japonais Orix, s’est en effet vu attribuer en novembre 2015 la concession des deux aéroports d’Osaka, pour une durée de 44 ans. Ces aéroports constituent la deuxième plateforme aéroportuaire du Japon, avec 34,6 millions de voyageurs chaque année. La mise en concession des aéroports d’Osaka, est emblématique de la volonté récente du Japon de mettre en place des partenariats public-privé dans le domaine des infrastructures, dynamique qui ouvre des opportunités pour plusieurs entreprises françaises...
3. Un soutien institutionnel autour des échanges DGAC/METI et DGAC/JCAB
La coopération en matière d’aviation civile entre le Japon et la France est ancienne, mais elle a connu une nouvelle dynamique ces dernières années comme en témoignent la forte présence au Japon d’industriels français.
Pour accompagner cette évolution, il a été institué en 2013 un dialogue annuel entre le METI et la DGAC (Ministère de la Transition Ecologie et Solidaire) afin d’encourager les échanges industriels et renforcer la coopération économique dans l’aéronautique civile. Ce dialogue a permis d’identifier de nombreux projets concrets de coopération industrielle aéronautique dans des domaines innovants, tels que la manufacture addictive ou la robotique. Dans ce cadre a été mis en place en mars 2017 un groupe de travail ad hoc pour la relation entre le METI et le groupe Airbus, afin de renforcer les liens entre Airbus et le tissu industriel japonais.
Depuis 2015, la DGAC dialogue également dans un cadre structuré (réunions annuelles formalisées par un accord) avec son homologue japonais, le JCAB, une des directions du MLIT. Ces échanges portent sur le transport aérien sous les angles de la réglementation et des infrastructures. Les thèmes abordés récemment sont par exemple ceux de l’exploitation aéroportuaire, de l’impact environnemental du transport aérien, de la sécurité, de la sûreté ou encore de la navigation aérienne.