Nouvelle approche de l’Union européenne sur les enjeux de commerce et de développement durable dans les accords de commerce
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Afin que le rehaussement des ambitions de l’UE en matière de durabilité soit pleinement effectif, il est essentiel qu’il trouve sa déclinaison dans le commerce international
La stratégie de commerce international de l’UE doit être cohérente avec sa politique de développement durable. En particulier, il ne faudrait pas que la politique de développement durable de l’UE se traduise par des dégradations environnementales et sociales plus accentuées dans d’autres régions du monde moins ambitieuses que l’UE. C’est pourquoi l’UE a pris des mesures concrètes pour aligner sa politique commerciale avec ses engagements en matière de développement durable tant sur les volets multilatéraux et plurilatéraux que bilatéraux.
Sur le volet multilatéral, l’action de la présidence française du Conseil de l’UE (PFUE) a permis d’impulser d’importantes avancées sur les négociations d’instruments à objectif environnemental. En particulier, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), souhaité par la France de longue date, est destiné à ce que les efforts que consentent les industries européennes pour se décarboner ne soient pas contrecarrés par des fuites de carbone en dehors de l’UE. De même, le règlement européen sur la déforestation, adopté en décembre 2022, vise à interdire la mise sur le marché européen de produits ayant contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts, quelle que soit leur provenance. En parallèle de ces législations environnementales, l’Union européenne a décidé de se doter d’une règlementation qui permette d’interdire la mise sur le marché européen de produits issus du travail forcé, complémentaire de la directive sur la gouvernance durable des entreprises. Ces législations s’inscrivent dans la lignée de l’engagement français pour l’élimination du travail des enfants et du travail forcé.
De même, nos accords commerciaux bilatéraux peuvent et doivent tenir compte des enjeux de durabilité. Sous PFUE, l’Union européenne a révisé à cet effet, dans une communication publiée en juin 2022, son approche relative à l’intégration de la durabilité dans les accords commerciaux européens. Cette nouvelle approche alignée avec les priorités françaises portées depuis 2017 et le plan d’action CETA est une étape majeure. Outre l’enrichissement des dispositions existantes dans le modèle d’accord européen, notamment en matière de protection du climat, elle vise à conditionner, dans les nouveaux accords, l’octroi ou le maintien des préférences commerciales de l’accord au respect de l’accord de Paris et des principes fondamentaux de l’Organisation internationale du travail (OIT), dont la violation persistante pourra faire l’objet, en dernier ressort, de sanctions commerciales, qui pourront prendre la forme d’une suspension des concessions commerciales de l’accord. En outre, il conviendrait que l’accord de Paris soit élevé au rang d’élément essentiel des futurs accords de commerce de l’UE, au même titre que le respect des droits de l’Homme, ce qui permettrait de suspendre tout ou partie de ceux-ci en cas de violation exceptionnelle de l’accord de Paris.
Enfin, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a également un rôle prépondérant sur ces questions environnementales. Le développement durable, qui figure au cœur de l’accord fondateur de Marrakech, constitue un des buts poursuivis par l’Organisation. La douzième conférence ministérielle de l’OMC, tenue en juin 2022, a notamment permis d’aboutir à un accord interdisant les subventions à la pêche néfastes pour le climat et la biodiversité qui devra toutefois être finalisé sur certains aspects, notamment d’agissant des flexibilités accordées aux pays en développement. Au-delà de cette réussite, il est nécessaire de maintenir l’élan autour des initiatives plurilatérales ayant trait à l’environnement lancées fin 2021 afin de concrétiser les déclarations ministérielles prises lors de la treizième conférence ministérielle de l’OMC sur le commerce et la durabilité environnementale, sur le commerce des plastiques et sur les subventions aux énergies fossiles. Enfin, à la suite de la déclaration de 2017 de 127 Membres de l’OMC pour faciliter et accroître la participation des femmes au commerce, il conviendra de mettre en œuvre le plan de travail présenté lors de la 13ème conférence, notamment pour généraliser la prise en compte de la question du genre dans les politiques commerciales.
L'UE s'implique activement pour que la mise en oeuvre de ses instruments soit la plus transparente et coopérative possible à l'égard de ses partenaires
La conception des instruments européens prévoit des périodes transitoires laissant le temps aux entreprises de s’adapter, la mise en place de dialogues réguliers à la demande des pays tiers et à travers ses accords de commerce. De même, l’UE comme la France œuvrent à accompagner leurs partenaires, notamment les plus vulnérables, dans la mise en place de filières durables, plus qualitatives et plus rémunératrices.
À titre d’exemple, l’UE, la Côte d’Ivoire, le Ghana et les industriels du secteur du cacao se sont mis d’accord en juin 2022 sur une alliance pour un cacao durable, avec de nombreux engagements clairs ainsi qu’un financement assorti d’un calendrier et de responsabilités précis. La Côte d’Ivoire et le Ghana fournissent à eux seuls 60 % de la demande européenne de cacao. Structurée autour d’une démarche multi-acteurs, l’Alliance mène un travail d’identification des meilleures pratiques en termes de standards sur le travail décent et de mise en conformité avec le règlement déforestation, tant pour les pays producteurs que pour le secteur du cacao. L’initiative pour un cacao durable est soutenue par un vaste programme d’assistance technique européen de 25 millions d’euros, intitulé « Soutien de l’UE au cacao durable », qui a débuté en 2022 en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Cameroun (membre observateur).
Cet exemple illustre le but poursuivi par la politique européenne et française d’aide au commerce, qui vise notamment à ce que le rehaussement des exigences environnementales et sociales européennes puisse être bénéfique pour ses partenaires commerciaux, au premier rang desquels les pays en développement et les pays les moins avancés, en accompagnant, via une assistance technique et financière, leur intégration dans des chaînes de valeur régionales et mondiales durables, de meilleure qualité et plus rentables.
Ainsi, la France a engagé, via son prgoramme de renforcement des capactiés commercailes (PRCC), plus de 200 millions d’euros, au cours des deux dernières décennies, afin de soutenir les secteurs traditionnels à fort potentiel de développement dans leur transformation comme leur mise à niveau, et d’accélérer la création d’emplois et de valeur ajoutée locale tout en valorisant les ressources et les savoir-faire des populations bénéficiaires.