Portraits de femmes du Trésor #3 : Marlene Marques Lopes, adjointe au Service économique régional d’Abidjan
Mesure du plan directionnel égalité femmes-hommes, ces portraits ont pour objectif de donner la parole aux femmes de la direction sur la thématique de l’égalité au quotidien.
Après avoir étudié l’économie et le développement international, Marlene Marques Lopes a intégré la DG Trésor en tant qu’attachée économique au sein du Service économique de Luanda (Angola) en 2013. Elle a ensuite poursuivi sa carrière sur le continent africain, en rejoignant en 2015 les équipes du SER d’Abuja (Nigéria). Marlene travaille aujourd’hui au SER d’Abidjan (Côte d’Ivoire), où elle est adjointe au chef de service économique régional et en charge de questions liées au suivi macroéconomique et financier de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.
Pourquoi l'égalité femmes-hommes te tient-elle à cœur ?
Parce que nous en sommes encore très loin. Il s’agit en particulier de faire évoluer les mentalités et bousculer les stéréotypes. Nous voyons trop de femmes s’autocensurer, douter de leur légitimité, trembler au moment de prendre la parole en réunion… et c’est – entre autres – l’efficience de notre système qui en pâtit.
Poursuivons la libération de la parole, et notamment sur le plan professionnel, osons dénoncer – par exemple – les attitudes de mansplaining (1) ou de manterrupting (2), particulièrement insidieuses et contreproductives. Ces attitudes participent à faire douter les femmes de leurs compétences et les poussent à s’autocensurer, nous privant d’idées, concepts innovants et gains de productivité. L’attention, l’humilité ou encore la bienveillance ne doivent pas être l’apanage du genre féminin. L’égalité femmes-hommes, c’est aussi déconstruire les stéréotypes d’attitudes et de comportements au quotidien si nous visons un impact durable. A ce titre, la consultation sur le sexisme dit « ordinaire » au travail – qui a été lancée au sein de la Direction en début d’année – est une excellente initiative, continuons ainsi.
Quelles actions préconises-tu pour tendre à plus d'égalité au sein du réseau de la DG Trésor ?
Nous avons une chance incroyable de disposer d’un réseau vaste, composé de femmes et d’hommes issus d’environnements culturels très variés, ce qui contribue à la richesse de nos travaux. Ces femmes et ces hommes évoluent dans des environnements où l’égalité des genres ne relève pas toujours des mêmes référentiels ou des mêmes problématiques.
Nous devrions nous atteler à renforcer le sentiment d’appartenance à la direction des agents du réseau : montrer la pleine disposition de la direction à les accompagner en cas de problème de violences sexistes et sexuelles, et ce malgré la distance, les inviter à s’approprier véritablement le plan égalité de la direction, etc.
Dans le même temps, il convient de déconstruire nos barrières mentales, que nous nous créons souvent par méconnaissance, au sujet de destinations d’expatriation qui seraient moins adaptées pour les femmes. Certaines femmes se mettent des barrières pour l’obtention de certains postes dans le réseau ou ne s’autorisent même pas à songer à y candidater. Aux femmes qui veulent s’expatrier : si vous abordez votre poste dans le réseau avec sincérité, humilité et curiosité, vous vous étonnerez des ressources que vous dégagerez et mobiliserez pour vous adapter et mener à bien votre mission. Ne laissez pas les autres projeter leurs propres craintes sur vous, renseignez-vous et faites-vous confiance.
Un conseil à transmettre aux adjointes dans le réseau ?
La fonction d’adjointe peut apparaitre un peu ingrate : par définition moins décisionnaire, vous ne bénéficiez pas toujours de la même largeur de vue que votre supérieur.e et vos compétences en management peuvent être moins sollicitées. Cette situation peut être frustrante pour certaines personnalités. Néanmoins, le succès d’un poste d’adjointe dans le réseau repose - à mon sens - sur le degré de confiance que vous établirez mutuellement avec votre supérieur.e, pour que vous bénéficiiez d’une certaine liberté d’initiative, qui vous permettra d’exister sans frustration dans votre domaine d’expertise, dans une situation « gagnant-gagnant ».
Par ailleurs, selon les postes à l’étranger, être une femme peut compliquer davantage la fonction, tout simplement parce que la « place » de la femme n’est pas la même dans toutes les sociétés et que des ajustements de comportement peuvent être nécessaires. Selon les contextes, vous pourrez parfois avoir le sentiment de devoir redoubler d’efforts, ce qui peut engendrer des frustrations ou – pire – d’importantes remises en question. En cas de doute, et si nous misions collectivement sur la sororité pour de bons conseils ? Les partages d’expérience sont très inspirants pour savoir comment agir et/ou réagir.
Un message pour les hommes de la DG Trésor ?
Messieurs, si, sur le plan professionnel vous aimez avancer vos compétences en matière de gestion, d’organisation et de planification, je vous invite à regarder la définition de la charge mentale. En allégeant la charge mentale des femmes autour de vous, vous saisirez une occasion de consolider ces compétences, et vous permettrez à vos collègues et partenaires de dégager un peu d’espace mental pour être plus créatives et audacieuses dans leurs fonctions ou leur quotidien. Un premier exercice simple dans un cadre professionnel : et si vous preniez l’initiative d’organiser le prochain pot de départ d’un.e collègue, lorsque la pandémie sera derrière nous ?
Qu'est-ce qui te met encore en colère en tant que femme ?
Que certaines personnes se permettent encore de me dire de but en blanc que telle ou telle chose, ce n’est pas pour les femmes...
Une chanson girl power qui te booste ?
Une chanson ? Non, plutôt une playlist… Je ne saurais en choisir qu’une : « Respect » d’Aretha Franklin, « Girls just want to have fun » de Cyndi Lauper, « Woman » de Karen O, « The future is female » de Madame Gandhi, « Superwoman » de Tanzanian Women All Stars, « You don’t own me » de Lesley Gore, « Just a girl » de No Doubt, « You are the problem here » de First Aid Kit.
Un moment badass ?
Lors d’une de mes missions dans un pays tiers, quand je me suis retrouvée assise, seule, devant six directeurs d’une grande administration à devoir conduire un entretien relativement pointu. A ce moment-là, pour une jeune cadre, le premier enjeu, c’est d’asseoir sa légitimité pour gagner en crédibilité… et surtout ne pas se démonter ! Après près de deux heures d’entretien, j’ai quitté la salle avec le sentiment d’avoir mené une réunion constructive pour les deux parties, où aucun participant n’a eu le sentiment d’avoir perdu son temps… et en plus, avec la satisfaction d’avoir réussi à détendre l’atmosphère en les faisant rire et ainsi adhérer à l’échange. Une mission rondement menée.
(1) Néologisme anglais formé à partir des mots « man » (homme) et « explaining » (explication), mansplaining décrit une situation où un homme explique à une femme quelque chose qu'elle sait déjà, voire dont elle est experte, sur un ton potentiellement paternaliste ou condescendant.
(2) Autre néologisme anglais formé à partir des mots « man » (homme) et « interrupting » (interruption), manterrupting désigne le comportement consistant, pour un homme, à couper la parole à une femme lors de discussions ou de débats en raison du genre de son interlocutrice.