TUNISIE
Indicateurs et conjoncture
Fragilisé par les chocs successifs survenus depuis la crise internationale de 2009 puis la révolution de 2011, le modèle de croissance tunisien sous-performe en comparaison régionale, avec un PIB réel qui retrouve tout juste en 2025 son niveau d’avant Covid, malgré les atouts comparatifs du pays, comme sa forte intégration aux chaînes de valeur européennes. La détérioration des équilibres macroéconomiques (déficits jumeaux et endettement public) pendant la dernière décennie a accentué les vulnérabilités financières et monétaires et risques de tensions sociales, au détriment de l’attractivité des capitaux étrangers et de l’investissement. Le redressement du risque-pays et le retour de la confiance supposent une stratégie de réformes structurelles ambitieuse.
Une croissance durablement affectée par les crises successives depuis 15 ans. Entre le début des années 2000 et la crise financière internationale de 2008-2009, une croissance moyenne de 4,5%/an a fait de la Tunisie l’une des économies les plus développées du continent. L’instabilité politique après la révolution de 2011, puis une succession de chocs externes (terrorisme, crise Covid, crise énergétique), ont contribué à un ralentissement durable de la croissance (1 à 2%/an), alimenté par le recul de l’investissement et de la productivité, et affaibli le revenu par habitant (de 4310 $/an en 2014 à 3840 $/an en 2023). Après une contraction de 9% provoquée par la crise Covid en 2020, l’économie n’a pas rebondi autant que les autres pays de la région. En 2024, la croissance a atteint +1,4%, permettant tout juste de retrouver le niveau d’activité d’avant Covid. En 2025, la croissance resterait inchangée à +1,4% (FMI). Le risque-pays dégradé et la visibilité incertaine à long terme pour les investisseurs, entretiennent l’atonie de la croissance. Par ailleurs, la croissance tunisienne est particulièrement exposée à la cyclicité des secteurs agricole (9% du PIB) et touristique (5% du PIB, et 10% avec les retombées indirectes), ainsi qu’à la conjoncture européenne dont dépend le secteur exportateur (70% des exportations). Dans cette conjoncture difficile, la situation sociale reste fragile. Le chômage demeure à un niveau élevé (16% au T3 2024, après un pic à 18,4% en 2021 ; 40,5% chez les jeunes de moins de 25 ans), ce qui entretient le travail informel et une pression baissière sur les salaires et le pouvoir d’achat, rogné par l’inflation élevée que les hausses de salaires n’ont pas compensé entièrement (baisse d’environ 7% du salaire réel moyen dans le secteur privé entre 2019 et 2024).
Atténuation conjoncturelle des pressions sur la balance des paiements et sur la dette externe. Structurellement déficitaire, le solde courant de la balance des paiements subit la volatilité des balances énergétiques et alimentaires ainsi que des recettes touristiques. Après s’être creusé jusqu’à 9% du PIB en 2022, le déficit courant s’est ensuite nettement réduit (2,3% du PIB en 2023, puis 1,7% en 2024) grâce à la reprise du tourisme et la stabilisation du déficit des biens (11,4% du PIB en 2023, puis 11,7% en 2024) sous un effet prix favorable et les efforts de contrôle des importations par l’Etat. Concernant le compte financier de la balance des paiements, la résilience des IDE entrants (0,9 Md€ en 2024 soit 2% du PIB) a réduit le besoin d’emprunts externes nécessaires pour stabiliser le niveau des réserves de change, qui atteignait 104 jours d’importations à fin janvier 2025. En l'absence d'échéances majeures de remboursement de dette externe avant juillet 2026, les risques de crise de balance des paiements s’atténuent alors que l’Etat privilégie désormais les prêteurs domestiques en monnaie locale, plutôt que les bailleurs externes en devises.
Malgré les efforts de consolidation budgétaire, la soutenabilité des finances publiques suscite toujours l'inquiétude de certains prêteurs. Face à la soutenabilité incertaine de la dette publique, passée de 45% du PIB en 2013 à 81% du PIB en 2024, et un service de la dette atteignant 14% du PIB en 2024, les autorités prévoient une consolidation budgétaire pluriannuelle graduelle visant à réduire le déficit public primaire (-2,2% du PIB en 2024). Le déficit public (dons inclus) atteindrait 5,3% du PIB en 2025 (après 6,3% en 2024) grâce à une stabilisation des dépenses et une légère hausse des recettes fiscales (réformes de l’IRPP et IS). Les subventions sur les produits de base et l’énergie représentent une charge élevée (11,6 Md TND en 2025 soit 6,3% du PIB, contre 4,6% en 2021). La dégradation de la situation financière de certaines entreprises publiques représente aussi un risque pour les finances publiques. Avec la dégradation du risque souverain et la hausse de ses besoins de financement, l’Etat se tourne davantage vers les prêteurs internes. Après une brusque hausse à partir de 2020 (passant de 10 à 20 Md TND/an), les besoins d’emprunt de l’Etat atteignent 28 Md TND en 2025 (soit 15% PIB, après 28,2 Md TND en 2024). La stratégie d’endettement de l’Etat s’appuie désormais davantage sur les ressources internes : émissions de dette souscrites par les banques domestiques, emprunts nationaux, mais aussi emprunt auprès de la BCT. Le service de la dette restera stable en 2025 (24,7 Md TND soit 13,3% du PIB), mais portera davantage sur la dette interne que sur la dette externe dont le service diminuera (de 3,7 Md € en 2024 à 3,1 Md€). Cette dynamique d’endettement entraîne une exposition croissante du secteur bancaire sur le secteur public (21% des actifs bancaires, contre 12% en 2018), ainsi qu’une création monétaire qui pourrait entretenir l’inflation, que la BCT tente de combattre en conservant une politique monétaire restrictive.