Situation de l'économie norvégienne.

1. Une économie structurellement dépendante des hydrocarbures, qui prépare sa transition vers une économie décarbonée

La Norvège est le 3e pays le plus riche au monde par habitant (PIB nominal de 101 000 USD/hab en 2023), ainsi que la 28e économie mondiale (PIB nominal de 554 Mds USD en 2023).

La Norvège est désormais la deuxième économie de la zone nordique derrière la Suède (599 Mds USD en 2023). Le pays jouit d’un haut niveau de développement (IDH de 0.961, le 2e mondial), de finances publiques à l’équilibre et d’un excédent commercial très élevé (dont un record en 2022 à 30,4% du PIB).

La croissance norvégienne repose sur ses exportations de produits gaziers (+168% en 2022) et pétroliers (+47% en 2022). 3e exportateur mondial de gaz et 11e de pétrole, la Norvège est devenue le 1er fournisseur en gaz de l’UE depuis le conflit ukrainien. L’économie reste dominée par les services (52,5% du PIB), devant l’industrie (35,5%, majoritairement dans les hydrocarbures) et le secteur agro-industriel (2% majoritairement dans la pêche, la Norvège étant le 2e exportateur mondial de produits maritimes).

Les revenus générés par la croissance des hydrocarbures viennent abonder Government Pension Fund, le plus grand fonds souverain du monde. Le compartiment Global du fonds est d’une taille de plus de 1300 Mds€ et connaît une croissance très soutenue (+100% par rapport à sa valeur prépandémique). Le fonds souverain a pour objectif de financer le déficit public et de soutenir l’investissement local à travers son compartiment Norway.

La Norvège souhaite mener une politique climatique ambitieuse. De vastes projets d’industrie verte bénéficient d’un fort soutien public. Parmi ceux-ci se distinguent les projets de CCS (capture et stockage de carbone, dont la joint-venture Northern Lights avec Total Energies) et les projets éoliens offshore (dont Hywind Tampen, plus grand parc éolien du monde, inauguré en août 2023). Les autorités ont publié un "Etat et Plan du Climat" dans le cadre du budget 2024, supposé suivre l’avancement des mesures climatiques.

Les progrès des réformes structurelles ont été inégaux :

- Le marché de l’emploi fait face à une pénurie de main d’œuvre, notamment sur les métiers les moins rémunérés. Certaines mesures visent à améliorer la qualification de la main-d'œuvre grâce à la formation professionnelle.

- La politique du logement est confrontée à la hausse des taux d'intérêt, qui menace de nombreux ménages en raison d’une généralisation des emprunts à taux variable. Le gouvernement répond par une augmentation des allocations logement et une réduction de l'impôt sur le revenu pour les plus vulnérables. A plus long terme, une modification des réglementations est étudiée pour stimuler la construction et diminuer les prix.

- Le vieillissement de la population est un défi budgétaire à moyen terme. La récente hausse des pensions d’invalidité a augmenté les coûts et freiné les incitations au travail. La réduction des incitations à la retraite anticipée (en liant l’âge de la retraite à la hausse de l'espérance de vie) est un objectif politique important.

2. La situation budgétaire reste très confortable, tandis que les effets de la politique monétaire restrictive commencent à se faire ressentir

Le rythme de la croissance devrait ralentir en 2023 (+2,1%) après deux années de forte croissance (+3,9% en 2021 et +3,3% en 2022). Le PIB hors hydrocarbures devrait subir un plus fort ralentissement (+1,4% contre 3,8% en 2022), pénalisé par l’inflation (logement, énergie, denrées alimentaires) et la hausse des taux d’intérêt qui freinent le pouvoir d’achat.

Le taux de chômage moyen reste à un niveau historiquement faible, même s’il subit une légère remontée (3,6% en 2023, contre 3,3% en 2022), en raison de la faiblesse de la demande due à l’inflation. Le marché du travail souffre de pénuries de main d’œuvre sur certains métiers, insuffisamment valorisés.

L’inflation devrait atteindre un pic en 2023 (5,9%, contre 3,9% en 2022), portée par la hausse du prix des logements (17% supérieur aux niveaux prépandémiques en juin 2023), l’augmentation du prix des denrées alimentaires (+9,3% en 2023) et de l’énergie. L’inflation est alimentée par la dépréciation de la couronne norvégienne (l’économie est fortement importatrice de biens de consommation), l'étroitesse du marché du travail et des anticipations inflationnistes (entraînant des hausses salariales élevées : + 4,3 % en 2023, guidées par des accords sectoriels).

La couronne norvégienne (NOK) se redresse peu à peu grâce à la politique monétaire et au redressement des cours des hydrocarbures. Après un plus haut atteint le 27 mars 2022 (1€ pour 9,43 NOK et 1 USD pour 8,61 NOK), la devise norvégienne a de nouveau faibli pour atteindre un plus bas le 31 mai 2023 (à 1 € pour 12 NOK et 1 USD pour 11,18 NOK), pénalisée par la baisse du prix des hydrocarbures. Le rebond du prix du brent et les effets du relèvement des taux directeurs de la Norges Bank a permis à la couronne d’entamer un redressement progressif (1 € pour 11,16 NOK et 1 USD pour 10,04 NOK au 15/07).

La Norges Bank a continué à lutter contre l'inflation et soutenir la devise en relevant ses taux directeurs. La banque centrale de Norvège a relevé le taux directeur six fois en 2022 (2,75 %) et cinq fois en 2023 (à 4,25 % le 21 septembre). Cette politique commence à porter ses fruits puisqu’un ralentissement de l’inflation serait perceptible depuis aout dernier. Le FMI indique que les prix de l’électricité sont amenés à baisser à terme. Néanmoins, cette politique monétaire restrictive a un impact défavorable sur la croissance. Le FMI recommande à la Norges Bank de mettre en place une communication claire sur l’objectif de ses politiques monétaires.

La situation budgétaire de la Norvège reste très solide. Elle bénéficie d’un excédent budgétaire structurel dû aux revenus des hydrocarbures. Ceux-ci sont versés sur le fonds souverain (GPF) que la loi autorise à financer, à hauteur de 3% maximum de son encours, le budget public. Dans ces conditions, la Norvège devrait dégager en 2023 un excédent budgétaire de 24,3% de son PIB continental (= hors hydrocarbures). Le total des revenus s’élève à 85,5% du PIB, dont 32,2% viennent des hydrocarbures et 53,4% des autres revenus (= taux de pression fiscale). Les dépenses publiques s’élèvent à 61,3% du PIB. Hors revenus des hydrocarbures, le déficit budgétaire s’établirait à 7,9% du PIB continental, soit une stabilisation par rapport à 2022 (7,7% du PIB). La hausse des impôts et la taxation des ressources naturelles (aquaculture, éolien terrestre, hydroélectricité) ont été compensées par les mesures de soutien face à l’inflation et les aides humanitaires pour l'Ukraine.

Le Fonds souverain poursuit sa croissance : il atteint 1310 Mds€ au 22/09 (soit 250% du PIB), contre 1185 Mds€ à fin 2022.

Le risque de surendettement global du pays reste classé comme « bas » par le FMI. La dette publique est restée à un faible niveau en 2023, à 38,8% du PIB, contre 37,2% du PIB en 2022.

La position extérieure de la Norvège en 2023 est encore très excédentaire. L'excédent de la balance courante devrait atteindre 23,5% du PIB en 2023, bien qu’en baisse par rapport à 2022 (30,3% du PIB), soutenu par un fort excédent commercial (23,9% du PIB), lui-même bénéficiant de recettes d’exportation d’hydrocarbures élevées (31,1% du PIB). La Norvège emploie ses recettes en réalisant des investissements massifs à l’étranger, essentiellement via les IDE (2,6% du PIB en net) et les investissements de portefeuille (18,5% du PIB en net).

Les réserves de change s’élèvent à 12,8% du PIB, tandis que les investissements de portefeuille à l’étranger atteignent 202,5% du PIB.

 

 

 

 



 

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