Situation économique et financière

 

Une fois passé le choc initial de la crise sanitaire (récession de -3,9%, solde public de -3,7% en 2020), l’économie a rapidement rebondi en 2021 (+6,2%) et 2022 (+4,3%) à la faveur de sa flexibilité, son degré élevé de numérisation ainsi qu’au déploiement de solides dispositifs de soutien publics. La croissance devrait en revanche être atone en 2023 (+0,1%), et ce après une récession technique sur T1-T3 2023. Cet « enlisement » s’explique par de fortes incertitudes liées au conflit russo-ukrainien et aux tensions commerciales, ainsi qu’à leurs conséquences directes et indirectes associées aux défis structurels d’une économie en surchauffe qui affectent le pouvoir d’achat des ménages et érodent les marges des entreprises. Dans un contexte de maintien de fortes pressions démographiques, le marché de l’emploi reste dynamique et les finances publiques maîtrisées (dette env. 47% PIB).

 

Après un fort rebond postpandémique, l’économie néerlandaise devrait ralentir en 2023.

La résiliente économie néerlandaise (-3,9% du PIB en 2020, contre -6,1% pour la zone euro - ZE), a rebondi de +6,2% en 2021 (+5,9% pour ZE), restant dynamique en 2022 (+4,3%). Le PIB a ainsi dépassé son niveau pré-crise dès mi-2021, la reprise ayant été soutenue par le dynamisme des exportations, les dépenses du secteur public et de la consommation des ménages. Les fortes tensions et les incertitudes (inflation, ralentissement mondial, tensions géopolitiques et commerciales, pénurie de main-d’œuvre) pèsent sur la croissance qui devrait, après trois trimestres de récession, être atone (+0,1%) en 2023 avant de rebondir en 2024 (+1,1% selon le CPB, mais +0,8% pour la Commission) et s’établir à +1,6% en 2025. L’érosion de la croissance 2023 s’explique par (i) une stagnation de la consommation des ménages, (ii) et la progression moindre de celle des administrations, (iii) d’investissements privés atones et (iv) de repli des exportations.

 

Les fortes pressions inflationnistes érodent le pouvoir d’achat, affectant la consommation privée. Contenue à +2,8% en 2021, l’inflation (IPCH) a bondi à +11,6% en 2022, demeurant soutenue en 2023 (+4,1%). Malgré les prix de l’énergie à la baisse, les pressions resteront soutenues en 2024 (env. +2,7%, similaire à la ZE) à la faveur d’une inflation sous-jacente soutenue (env. +3%) imputable à la surchauffe de l’économie et tirée par les salaires (+6% en 2024) et l’immobilier. Depuis la pandémie (fin 2019), les prix (+20,6%) ont été tirés par ceux de l’énergie (+42,8%) et des produits alimentaires (+25,5%), mais surtout par ceux de l’immobilier à l’achat (+34,5%) et marginalement des loyers.

Le pouvoir d’achat des ménages renouera en 2024 avec la croissance (+2,7%) à la faveur d’une hausse continue des salaires (+6%). Solide en 2022 (+6,6%) en raison d’une épargne covid solide, la consommation des ménages, s’est érodée en 2023 (+0,4%) malgré le déploiement d’un paquet de soutiens au pouvoir d’achat d’environ 12 Md€ (hausse du salaire minimum, retraites de base, d’aides sociales etc.) et d’un généreux bouclier tarifaire. Elle devrait reprendre en 2024 (+2,7%). Le marché d’emploi reste tendu, caractérisé par une pénurie persistante de talents qui nourrit l’inflation : le chômage reste bas (3,7% prévu en 2024) pour un taux d’activité des 15-75 ans en hausse depuis début 2021 (76,1% en jan.24, +3,1pp depuis T1 2021), celui des femmes (72%), étant de -8,3 pp inférieur à celui des hommes (80,3%). Depuis T4 2021, le nombre d’offres d’emplois est supérieur à celui des chômeurs (114 pour 100 au T4 2023).

 

L’exposition des Pays-Bas aux marchés russe et ukrainien est limitée, le commerce extérieur de biens n’ayant été que marginalement impacté par la guerre. Le volume d’échanges de biens avec la Russie s’est en 2023 abaissé à 9 Md€ (-65% depuis 2021, 0,6% du total), restant majoritairement composé d’hydrocarbures (50% en 2023). Celui avec l’Ukraine reste marginal (3,7 Md€, 0,25% du total). L’augmentation des prix des matières premières (céréales, énergie, matériels de construction) constitue un risque pour l’économie nationale dépendante du gaz naturel. Après une nouvelle année record en 2022 (1 647 Md€ de volume échangés) imputable à la hausse des prix, le commerce extérieur de biens a accusé un repli -7,3% en 2023 (1 525 Md€), tiré par un repli plus marqué des importations (-9,1%) que des exportations (-5,9%), enregistrant ainsi un excédent record (128 Md€).

 

Les réserves accumulées permettent de limiter l’impact des crises de la dette.

Malgré de généreux dispositifs de soutien déployés pendant les crises sanitaire (80 Md€, 10% du PIB) et énergétique (env. 10-12 Md€) leur impact sur les finances publiques a été limité. Après une période d’excédents budgétaires entre 2016 et 2019, les Pays-Bas ont enregistré un déficit public de -3,7% du PIB en 2020, réduit à -2,4% en 2021 et à l’équilibre en 2022 (-0,1%). Le déficit en 2023 (-0,6% selon le CPB,) devrait être bien moindre qu’initialement anticipé (-3% par le CPB en mars 2023) en raison des freins persistants à l’investissement public et au coût moindre qu’escompté du bouclier énergétique. En 2024, le déficit devrait repartir à la hausse (env. -2%) sous l’effet des investissements publics.

 

Après une progression de +6,1 pp en 2020 (54,7%), le stock de dette publique s’est réduit à env. 46,5% du PIB en 2023 (480 Md€), à la faveur de la forte inflation entrainant à court terme davantage le dénominateur à la hausse (PIB) que le numérateur (stock de dette). La reprise économique (+1,1%) et le maintien d’une inflation soutenue (env. 3%) devraient en 2024 compenser la hausse des dépenses, la dette devant se stabiliser autour de 46-47%, soit un niveau nettement inférieur du seuil de 60% des règles européennes et qui confère de spacieuses marges de manœuvre, tant pour financer des investissements structurels que pour soutenir l’économie face au renchérissement du coût de la vie.

 

Persistance de points de vigilance d’une économie en surchauffe.

Robustes, les entreprises sont confrontées à une pénurie de main d’œuvre et à une hausse des coûts de production (salaires, énergie). Ayant montré une forte résilience pendant la crise sanitaire, la profitabilité des entreprises non financières a enregistré des performances records en 2022 (344Md€). La profitabilité des entreprises non financières accuse un repli sur T1-T3 2023 de -5,5% (244 Md€). Contenue en 2022 (+14%), la hausse des faillites d’entreprises s’est accélérée en 2023 (+48%) et jan. 2024 (+67%). Sont particulièrement affectés les secteurs du commerce et de la construction. L’activité est aujourd’hui ralentie par (i) des difficultés d’approvisionnement, (ii) les coûts de production, sur lesquels pèsent notamment (iii) la pénurie de main-d’œuvre et la demande en baisse observée. Les tensions sur le marché d’emploi n’ont cessé d’augmenter depuis 2020 dans un contexte de chômage très bas (3,6% en jan. 2024) et de taux de participation en hausse (76,1%), exerçant une pression haussière supplémentaire sur les salaires. En réponse à la pression des partenaires sociaux, le salaire minimum a été augmenté d’environ +10% depuis le 1er jan. 2023. La banque centrale (DNB) appelle les partenaires sociaux à limiter leurs demandes, et les entreprises de limiter leurs bénéfices afin d’éviter une spirale prix-salaires.

La rentabilité des entreprises, notamment celles énergivores, est menacée par le maintien de prix élevés de l’énergie. D’après l’organisation patronale VNO-NCW jusqu’un quart des entreprises énergivores ont enregistré des pertes en 2022. L’unique dispositif de soutien déployé par les autorités en nov. 2022 ciblant les PME énergivores (dispositif « TEK », premiers décaissements au T2 2023) aurait néanmoins été sous-utilisé.

 

La stabilité financière potentiellement menacée par l’impact de la hausse des taux sur les prix de l’immobilier et l’endettement des ménages. Les prix de l’immobilier ont progressé de manière continue entre mi-2013 et mi-2022 (+96%), dont une forte accélération en 2020 (+8,5%) et 2021 (+20%) alimentée par la forte pression démographique (> +100 000 hab./an depuis 2016) et une faible dynamique de l’offre.  L’endettement immobilier des ménages (815 Md€ au T3 2023) a progressé de 12% depuis T3 2019 représentant 79% du PIB. Considérant la part importante de leurs actifs financiers peu liquides (>60%) et la forte volatilité des prix de l’immobilier, les revenus et dépenses des ménages sont sensibles aux évolutions des prix de l’immobilier et des taux d’intérêt. Les taux d’intérêts hypothécaires élevés (de 1%% début 2022 à 4,5% actuellement) ont affecté négativement la demande et in fine les prix des biens immobiliers. Selon le sondage de la DNB sur le financement par les banques[i], la baisse de la demande s’érode en 2023 jusqu’à progresser de nouveau début 2024 à la faveur d’un assouplissement prochain de la politique monétaire de la BCE. Après un repli observé entre mi-2022 et mi-2023 (-6%), les prix de l’immobilier repartent à la hausse depuis 2023 (+3,3%).

 

 

En pièce jointe: détail de la situation économique et financière et annexes synthétiques chiffrées. 

 

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