LITUANIE
Lituanie : prévisions optimistes pour l’économie lituanienne
Affichant un taux de croissance parmi les plus élevés de la zone euro, l’économie lituanienne fait preuve d’une remarquable résilience. Ce dynamisme, alimenté par un rebond de la consommation des ménages devrait se maintenir, voire s'intensifier, en 2026, grâce à la politique budgétaire expansionniste du nouveau gouvernement de centre-gauche, permettant notamment de retirer une partie de l’épargne retraite pour la consommation. A plus long terme cependant, ces modifications du régime « par capitalisation», votées en juin dernier, risquent de fragiliser la viabilité à long terme du système de retraite, dans un contexte de forte décroissance démographique et de vieillissement de la population, d’une part, et de faible taux de remplacement du salaire par la retraite, d’autre part.
1-La croissance du PIB reste élevée, tirée par la consommation des ménages et par les technologies de pointe
Mi-septembre 2025, le ministère des Finances et la Banque de Lituanie ont publié leurs prévisions économiques actualisées. Si les deux institutions annoncent, pour 2025, une croissance légèrement plus faible que prévu (Banque de Lituanie : +2,7 %, ministère des Finances : +2,6%), les prévisions de croissance ont été revues à la hausse pour 2026 (de +3,2 à +3,3 %). Ces taux de croissance figurent parmi les plus élevés de la zone euro.
Cette dynamique devrait être portée par la consommation des ménages (Banque de Lituanie : +6 % en 2026, ministère des Finances : +4,6%), en raison des augmentations salariales et de la modification du système de retraite. Cette dernière, qui entre en vigueur en janvier 2026, introduit une possibilité pour les salariés de retirer leurs actifs financiers du 2ème pilier, ce qui risque d’entraîner une augmentation de la consommation sans précédent. Le ministère du Travail et des Affaires sociales et la Banque de Lituanie estiment qu’entre 20 et 40 % des salariés pourraient retirer leurs actifs financiers gérés par les fonds de pension, dont la valeur totale s’élève à 9,4 Mds EUR au 1er semestre 2025 (soit plus de 10 % du PIB annuel).
Les investissements ont diminué en 2024 (- 1,3%), en raison de la baisse importante des investissements dans les transports. En revanche, la formation brute de capital fixe (FBCF) devrait se redresser en 2025 et 2026 (ministère des Finances : +7,3% et +5,2% ; Banque de Lituanie : +5,7% et +5,4%), grâce aux financements européens (facilité pour la reprise et la résilience - FRR) et à l’investissement dans des équipements durables et des infrastructures matérielles, notamment dans la robotique et l'automatisation. Ces investissements devraient augmenter la capacité productive du secteur manufacturier car l’industrie apporte une contribution substantielle à l’économie lituanienne, représentant près de 20 % du PIB. Sur les huit premiers mois de 2025, ce secteur a connu une croissance de 4,1 %, en glissement annuel.
Cependant, la croissance de l’économie lituanienne risque d’être affaiblie en 2025 en raison du ralentissement des exportations, fragilisées par les tarifs douaniers imposés par l'administration Trump. Le ministère des Finances (MF) et la Banque de Lituanie (BL) tablent désormais sur un rythme plus modéré de croissance des exportations de biens et services en 2025 et en 2026 (MF : +3,2% et +2,9 %, BL : +3,8% et +2 %). Les exportations lituaniennes restent tributaires de la reprise des principaux pays partenaires (à l’instar de l’Allemagne) - près d’un tiers de la production manufacturière est exportée. S’agissant des Etats-Unis, son principal partenaire commercial hors Europe, la Lituanie y exporte principalement des biens à forte valeur ajoutée (dont le prix unitaire à l’exportation est important. Seul un tiers de la production exportée ne serait pas concerné par les nouveaux tarifs.
Ces dernières années, la croissance des importations lituaniennes a largement dépassé celle des exportations. Cela s’explique principalement par l’augmentation des dépenses de consommation des ménages et par un rebond de l’investissement, alors que la demande extérieure est demeurée atone. A noter, au premier semestre 2025, les exportations d’origine lituanienne (hors hydrocarbures) ont connu une hausse de +3,8 % en glissement annuel, en raison de constitution de stocks par anticipation par les clients américains, avant l’entrée en vigueur des droits de douanes (les exportations vers les Etats-Unis ont augmenté de 19,1 % pendant la période concernée).
En parallèle, les exportations de services ont connu une hausse considérable. Si la baisse des tarifs de fret en Europe a entraîné un tassement des exportations des services de transports (ceux-ci occupent la majeure partie des exportations de services), celles des services NTIC (nouvelles technologies de l'information et des communications) ont connu une forte croissance. Cela s'explique par un véritable bond en avant des activités NTIC en Lituanie durant cette dernière décennie, puisque leur poids dans le PIB a quasi doublé pour atteindre 5,4 %.
2-L’augmentation des salaires demeure supérieure à l’inflation
Après un recul de l'inflation moyenne annuelle à 0,9% en 2024, celle-ci s’établit à 3,4 % sur les huit premiers mois de 2025, dépassant le niveau de l’année dernière, ainsi que la cible de 2 % de la BCE. Des facteurs internes, en particulier la progression des prix des services tirée par un rebond de la consommation des ménages et la hausse des salaires, ont contribué à cette accélération. La Banque de Lituanie et le ministère des Finances ont relevé à la hausse leurs prévisions et tablent désormais sur une inflation de 3,5 % en 2025. Cependant, dans une rétrospective à long terme (2004-2024), ce niveau est inférieur à la moyenne pluriannuelle de l’inflation en Lituanie (3,9 %).
D’après les estimations de la Banque de Lituanie et du ministère des Finances, l'inflation moyenne annuelle devrait refluer en 2026 mais rester à un niveau élevé, à 3,1-3,2%. Si les prix mondiaux de l'énergie poursuivent une tendance à la baisse, l’augmentation progressive des droits d'accises sur l’alcool, le tabac et le fuel, qui est entrée en vigueur en janvier 2025, devrait avoir un impact significatif sur l'évolution des prix en Lituanie en 2026. D’autres facteurs pourraient exercer des pressions à la hausse l'année prochaine, tels que la réforme fiscale votée en juin dernier, la modification du système de retraites, ou encore les augmentations salariales.
Comme les années précédentes, en 2024, le salaire moyen brut a connu une croissance à deux chiffres (+10,4%). Le ministère des Finances estime que les salaires devraient progresser de 8,5 % en 2025 et de 7,3 % en 2026, contre 8,4 % et 6,8% prévus au printemps 2025. Cette croissance des salaires est due en grande partie à des hausses régulières du salaire minimum visant à compenser, pour les plus précaires, la perte de pouvoir d’achat depuis le début de la poussée inflationniste. Le gouvernement lituanien a augmenté drastiquement le salaire minimum à plusieurs reprises : de 642€/mois en janvier 2021, celui-ci est passé à 730€ au 1er janvier 2022, puis à 840€ au 1er janvier 2023, à 924€ au 1er janvier 2024, à 1038 € au 1er janvier 2025 (+12,3%), et devrait passer à 1153 €/mois (+11,1 %) au 1er janvier 2026. En revanche, les experts du FMI proposent de différencier le salaire minimum selon les régions car le salaire minimum universel risque d’engendrer des difficultés pour les acteurs privés dans les régions moins prospères.
Une telle hausse du salaire minimum conduirait à une hausse de prix de 0,6 pp. en 2026, selon les experts de la Banque de Lituanie. En revanche, ces derniers soulignent la récente décélération de la pression sur les salaires qui s’explique notamment par la décélération des salaires dans le secteur public. Cette tendance est fortement liée à l'évolution du marché du travail. Le premier semestre 2025 a été marqué par une baisse du taux d'emploi dans quasiment tous les secteurs économiques, et par une hausse du taux de chômage de longue durée, en particulier des jeunes et des moins qualifiés. En revanche, le taux d’offres d’emploi vacants est à un niveau historiquement élevé, malgré la quasi-stabilité du taux de chômage, - ce qui démontre que le marché du travail est confronté à un chômage « structurel ».
2-Le FMI appelle la Lituanie à conserver des marges de manœuvre budgétaires et à assurer la viabilité à long terme du système de retraite
Les recommandations du FMI pour la Lituanie, dévoilées mi-septembre, sont fondées sur des hypothèses macroéconomiques plus optimistes que celles retenues par les autorités locales. En revanche, le FMI juge nécessaire un effort budgétaire significatif car sans nouvelles mesures, la dette publique augmenterait d’un tiers jusqu'en 2030 pour s’établir à 55 % du PIB - juste au-dessous de la barre des 60%.
Le FMI a souligné l’importance « d’assurer la viabilité à long terme du système de retraite ». Les experts ont notamment averti que la récente réforme du deuxième pilier devrait entraîner une baisse du taux de remplacement qui est d'ores et déjà très faible et pourrait accroître les dépenses publiques à long terme, en raison des effets combinés d’une forte décroissance démographique et du vieillissement de la population lituanienne. En revanche, le nouveau gouvernement qui a pris ses fonctions fin septembre reste déterminé à augmenter les pensions de retraite dès 2026 : la Première ministre Ruginiene a annoncé une revalorisation de 12 % des pensions de retraite l’année prochaine.
Les experts économiques locaux qualifient la politique budgétaire « d’expansionniste » et de « mélange de nombreuses promesses électorales populistes ». A elles seules, les dépenses militaires devraient atteindre 5 % du PIB sur la période 2026-2030. Si le déficit public s’est établi à 1,3% du PIB en 2024, grâce à la bonne performance des recettes, les experts du FMI tablent sur un déficit public à 4,1 % du PIB en 2026. Ainsi, le FMI souligne « la nécessité d’une nouvelle réforme fiscale pour enrayer la pression croissante sur les dépenses à moyen et long terme ». Plus spécifiquement, le FMI favorise un régime plus progressif de l’impôt sur le revenu, la suppression de certaines exonérations concernant l’impôt sur les sociétés, ou encore la réduction de la perte des recettes fiscales en raison de la fraude à la TVA).
Enfin, le vieillissement de la population devrait avoir des répercussions importantes sur le marché du travail. Dans cette optique, le FMI propose de réduire les barrières contre l'immigration hors de l’UE, afin d’attirer une main d’oeuvre qualifiée.