Lituanie : un tableau économique contrasté, une reprise attendue au deuxième semestre 2024

L’économie lituanienne s’apprête vraisemblablement à sortir de sa période la plus difficile depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Si l’inflation a déjà considérablement baissé en 2023, elle s’est maintenue à un niveau élevé, et c’est bien en 2023 que ses effets sur le reste de l’économie ont été les plus significatifs, plongeant la croissance lituanienne en territoire négatif. En 2024, l’inflation va poursuivre sa baisse et se rapprocher de la cible, tandis que l’économie devrait connaitre une reprise, portée surtout par la demande intérieure, au deuxième semestre.

1-Après une récession en 2023, une croissance modérée attendue en 2024

L’année 2023 a marqué le point le plus bas pour l’économie lituanienne dans la crise consécutive à la guerre d’agression russe en Ukraine. L’inflation a baissé par rapport à 2022, mais à 8,7% en moyenne annuelle, elle demeure largement au-delà de la moyenne de la zone euro (5,4%). Le PIB a quant à lui connu une baisse de 0,3%. L’augmentation des taux d’intérêts a pesé sur l’investissement mais aussi sur le pouvoir d’achat, la grande majorité des prêts en Lituanie étant à taux variables. Le sentiment de la communauté d’affaires française sur place est négatif dans tous les secteurs, entre augmentation des coûts et assèchement de la demande intérieure et extérieure.

Une reprise devrait pourtant avoir lieu en 2024. La demande intérieure devrait se redresser, grâce à une augmentation des salaires plus rapide que l’inflation depuis l’été 2023. Ce rebond serait toutefois contrebalancé par une révision à la baisse de la croissance des exportations lituaniennes en 2024 (seulement +0,2%). Dans leurs dernières projections (mars 2024), le Ministère des Finances et la Banque centrale estiment à 1,6% la croissance lituanienne en 2024, ce qui est très légèrement en-deçà de la prévision de 1,7% effectuée en décembre dernier – le changement n’est donc pas significatif et demeure dans la marge d’erreur de cette précédente estimation. La croissance devrait ensuite accélérer pour atteindre un rythme moyen de 2,9% en 2025 et 2026.

Le taux de chômage en Lituanie montre quelques fluctuations, mais pas de tendance à la hausse particulièrement marquée. D’après les dernières données de l’agence nationale de statistiques, il était de 7,4% au dernier trimestre 2023, en augmentation par rapport aux 6,2% du trimestre précédent, mais en-deçà du pic de 7,7% au premier trimestre de cette même année. D’après les dernières prévisions du ministère et de la Banque centrale, il devrait s’établir à 6,7% en moyenne en 2024 et à 6,5% en 2025.

L’inflation va quant à elle connaitre une décélération plus marquée que prévu, à 1,9% en 2024 et 2,2% en 2025, contre respectivement 2,8% et 2,4% dans les prévisions de décembre. Les salaires poursuivent leur augmentation à un rythme qui ralentit moins vite que l’inflation : ils ont augmenté de 12,6% en 2023, ce qui représente une croissance de 2,1% de salaire réel moyen, tandis que l’augmentation devrait être de 8,6% en 2024 et 5% en 2025. Les salaires sont tirés par la résilience du marché du travail, ainsi que par l’augmentation du salaire minimum (qui est passé de 840€ à 924€ par mois au 1er janvier, soit une augmentation de 10%) et des salaires du secteur public (60% des agents titulaires ont été augmentés au 1er janvier). Cette augmentation devrait donc nourrir fortement la demande intérieure, mais n’est pas viable à long terme, car elle est décorrélée de l’augmentation de la productivité.

 

2-Des disparités selon les secteurs

L’économie lituanienne offre un tableau contrasté suivant les secteurs, car tous n’ont pas été frappés de la même manière par la crise qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine. L’industrie est la grande perdante, car même si les prix de l’énergie ont baissé par rapport à leur pic de 2022, le secteur fait face plus généralement à des coûts durablement plus élevés. En décembre, la production industrielle lituanienne a décliné de 3,4% en glissement annuel, ce qui contraste avec la croissance modérée de 1,2% dans l’UE. Le chiffre en glissement mensuel n’est pas meilleur (baisse de 1,5% en Lituanie contre croissance de 2,6% dans l’UE. Aucun analyste ne s’attend à de bonnes performances industrielles en Lituanie en 2024.

À l’opposé, le secteur bancaire est toujours l’un des plus profitables d’Europe grâce à des marges élevées et une concurrence faible. C’est d’ailleurs cette caractéristique qui a motivé, d’une part, le gouvernement à adopter une posture volontariste pour tenter d’attirer davantage de banques étrangères et, d’autre part, à introduire en 2023 une taxe exceptionnelle sur les surprofits des banques pour financer des dépenses de défense supplémentaires. Cette taxe devrait demeurer exceptionnelle, sur recommandation du FMI, afin de ne pas dissuader les investisseurs étrangers.

Le secteur de la vente au détail est davantage volatil. Il a subi la baisse de la demande intérieure mais devrait se relever à mesure que celle-ci reprend sa trajectoire ascendante. En décembre 2023, le secteur a enregistré une croissance de 2,8% en rythme annuel et 0,3% en rythme mensuel.

Enfin, le secteur des services est en croissance négative depuis août 2023, et cette baisse a tendance à s’accentuer. Le secteur affiche une contraction de 16,5% en glissement annuel en janvier, d’après Eurostat (après -7,2% en décembre, -5,8% en novembre et -1,3% en octobre).

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