Commerce extérieur japonais : la très chère facture énergétique en 2022

En 2022, le commerce extérieur japonais a pâti du contexte international dégradé et enregistré un déficit inédit (-143 Mds €). Si les exportations ont atteint un nouveau record (701 Mds €), elles restent inférieures aux importations (844 Mds €). Plus que jamais, le Japon est pénalisé par sa dépendance extérieure pour l’approvisionnement énergétique. Les imports progressent de 39%, gonflés par la facture énergétique (imports de combustibles à + 97%) et la faiblesse du yen.

1. Un niveau d’exportations record, lié à un effet prix

Sur l’année 2022, les exportations japonaises ont augmenté de 18,2% en cumul annuel pour atteindre 701 Mds € contre 639 Mds € en 2021 – qui était déjà une année record. La hausse concerne toutes les catégories, à des niveaux similaires, laissant inchangée la structure des exports japonais : 19% d’équipements de transport, 19% de machines, 18% d’appareils électriques. Cette évolution ne traduit pas une hausse des volumes mais en valeur : le volume des exports n’a crû que de 1,7%, tandis que la croissance en valeur atteint plus de +18%.

En 2021, la croissance des exportations avait concerné l’ensemble des partenaires commerciaux, avec un dynamisme toujours marqué vers l’Asie et en particulier la Corée (+21,1%), et une reprise vers les Etats-Unis (+17,6%) et l’UE (+15,7%). En 2022, cette tendance s’est poursuivie : Corée (+23,2%), Etats-Unis (+23,1%) et UE (+22,1% dont +14,9% vers la France) ; toutefois, les exports vers la Chine sont moins dynamiques (+5,7%), en raison des restrictions sanitaires qui pesaient sur le pays.

2. Des importations en forte hausse, plombées par la facture énergétique

Les importations ont augmenté de +39,4% en 2022, à un rythme plus rapide que celui des exportations, portant les imports au deuxième niveau le plus haut historique (après +25% en 2021). Comme pour les exportations, cette croissance traduit un effet prix plus qu’un effet volume : le volume des imports n’est supérieur que de 0,3% au volume 2021 et de 3% au volume 2020.

  • En hausse de +97%, le poste « combustibles » (28% des imports contre 20% en 2021) représente près de deux fois le deuxième poste à l’import (appareils électriques : 15% des imports). Le Japon subit la hausse des cours alors que le pays dépend des importations pour l’énergie à hauteur de 88%.
  • Les postes « matières premières » (7% des imports, +19%), « produits manufacturés » (9% des imports, +24%) et « produits chimiques » (11% des imports, +36%) affichent aussi des hausses marquées liées à une appréciation en valeur. 
  • Le poste « produits alimentaires » affiche une hausse de 29% (8% des imports). Il est le deuxième poste pour la contribution à l’inflation . En décembre 2022, l’inflation était ainsi tirée par l’énergie (+14,6%) et l’alimentation (+7,3 %) – le Japon dépendant des importations pour les produits alimentaires à hauteur de 40 %.

Les principaux fournisseurs d’énergie du Japon renforcent leur part de marché. Alors que le pays s’appuie sur l'Australie pour importer du gaz naturel, à près de 40%, et du charbon (~70%) et sur le Moyen-Orient pour le pétrole (~90%), la part de ces derniers dans les importations s’accroît : la part de l’Australie, passée de 5,6% à 6,8% de 2020 à 2021, représente 9,8% en 2022, celle du Moyen-Orient, passée de 8,2% à 10% de 2020 à 2021, 13%. L’évolution des importations en provenance des autres partenaires commerciaux est plus homogène, sans augmentation substantielles de parts de marché. La croissance des importations reste élevée pour l’Asie (30%), les Etats-Unis (32%) et l’Europe (19%).

Selon les douanes japonaises, les importations depuis la France ont crû de 4%. On note 7 mois de hausse en glissement annuel et 5 mois de baisse, dont août-novembre lié à des imports de produits de transports moins élevés qu’en 2021 (-52% en 2022). En valeur, le chiffre des douanes japonaises atteint 9,5 Mds €, contre 9,8 Mds € en 2021. Au total, nos exports de produits médicaux, aéronautiques et agroalimentaires représentent près de 40% de nos exports vers le Japon. La France redevient le 3ème fournisseur européen du Japon derrière l’Allemagne, passant derrière l’Italie (de 1,5 Md €).

3. Un déficit commercial massif, mais des revenus primaires robustes

Avec un déficit de -143 Mds € en 2022, le Japon enregistre le déficit commercial annuel le plus important de son histoire (le précédent record était de -122 Mds€ en 2014). Déjà, en 2021, le Japon avait enregistré un déficit de -12,8 Mds €, le plus important depuis 2015. Ces chiffres s’inscrivent dans une tendance de long-terme : entre 2011 et 2022, le Japon a accumulé un déficit commercial total de près de 500 Mds €, contre un excédent de 610 Mds € entre 2000 et 2010. Cette tendance se conjugue avec la dégradation des termes de l’échange du pays : entre 2000 et 2022, le rapport entre les prix à l’exportation et à l’importation du pays a chuté de 47%, plus de la moitié de la baisse étant liée à la hausse des prix de l’énergie. Si la détérioration des termes de l’échange est commune aux pays importateurs d’énergie, au Japon la tendance est environ le double de celle des autres pays avancés d’Asie et 4 fois celle de la zone euro selon le Japan Research Institute. Plus d’1/4 de ses imports étant consacrés aux combustibles en 2022, le Japon est parmi les pays avancés celui dont le commerce extérieur est le plus sensible aux cours énergétiques.

S’ajoutant à un affaiblissement de long terme liée à la dépendance du Japon aux importations, le yen a connu une forte dépréciation en 2022 : de 109,8 ¥/$ en 2021, le change est passé à 131,5 ¥/$ en 2022 soit une dépréciation de 20%. Cette faiblesse a renchéri les importations, 76% des importations étant négociées en monnaies étrangères, dont 91% en dollar. Sur l’année, les prix à l’importation se sont ainsi établis à +21,3% pour les contrats en devise, et +39% pour les contrats en yen. 

Inversement, la baisse du yen a augmenté les revenus des exports : en 2022, l’indice des prix à l’export en devise a progressé de +4,5% g.a. et de +16% en yen. Si les exports ont stagné en volume, il faut le rapporter à la stratégie des entreprises japonaises, qui préfèrent laisser leurs prix inchangés et ainsi renforcer leurs marges.

Si le compte courant du pays reste excédentaire (82 Mds€ sur 2022), il s’agit du résultat le plus faible depuis 2014, et une chute de 47% en un an. Néanmoins, les revenus d’investissements ont été stimulés par la faiblesse du yen. Le Japon reste l’un des premiers investisseurs au monde (8ème en stock et 3ème en flux en 2021). Ainsi, les revenus primaires ont atteint 252 Mds € en 2022 (+25%), un nouveau record après celui de 2021 (204 Mds€). Dans ce contexte, des déficits jumeaux[1] semblent peu probables au Japon.

4. Le commerce extérieur n'est plus un moteur de la croissance

Moteurs de la reprise en 2021, les exports ont contribué de manière négative à la croissance en 2022 (-0,6 pp de contribution nette au PIB réel). Tout compte fait, l’inflation des importations freine la reprise. Pour l’avenir, le déficit commercial pourrait se stabiliser, à la faveur de la baisse des prix énergétiques (baril de pétrole passé de 118$ en juin 2022 à 82$ en janvier 2023), de la réouverture de la Chine et de la potentielle appréciation du yen. Cela ne devrait pas suffire à refaire du commerce extérieur un moteur de croissance à court-terme : selon les projections du Cabinet Office de janvier, la contribution des exports nets est à nouveau négative sur l’année fiscale 2023 (-0,1pp%). Sur le long terme, le pays peut compter sur la mise en œuvre des différents accords de libre-échange signés ces dernières années (UE, CP-TPP, Royaume-Uni, RCEP –couvrant 80% des échanges japonais), qui favorisent l’émergence de nouveaux débouchés.

Le commerce était devenu le moteur de la croissance en période pandémique, puis il avait tiré la reprise, tandis que la consommation des ménages restait bridée par les restrictions sanitaires et les vagues de Covid-19. Désormais, la consommation a redémarré, mais les perspectives du commerce extérieur se sont assombries en raison du ralentissement chez les partenaires commerciaux occidentaux. Dans ce contexte, l’assouplissement de sa politique zéro COVID devrait rouvrir des débouchés essentiels pour le commerce japonais, comme en 2020 (la Chine est devenue le premier client du Japon en 2020 lorsque ses partenaires commerciaux occidentaux se sont retrouvés confrontés au COVID).  

 

 [1] - désigne le déficit simultané du budget public et de la balance des paiements, qui verrait le Japon contraint de financer sa dette publique auprès d’investisseurs étrangers, la rendant plus sensible aux mouvements extérieurs.

 

Publié le 03 juillet 2023

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