JAPON
Des exportations et importations japonaises à un niveau record en 2021
Dans un contexte de reprise des partenaires commerciaux mais aussi d’augmentation des cours de l’énergie et des matières premières, tant les exportations que les importations japonaises atteignent des niveaux historiques (seulement dépassés en 2007), conduisant in fine à un déficit commercial, après un excédent en 2020. Le commerce extérieur reste un moteur de croissance central pour le Japon, même si un déficit structurel pourrait apparaître en considération des incertitudes mondiales actuelles.
1. Un niveau d’exportations record, atteint seulement une fois dans l’histoire du Japon
En 2021, les exportations japonaises augmentent de 21,5%, pour atteindre 639 Mds €, contre 526 Mds € en 2020. Cette performance est remarquable : après une diminution de 11,1% en 2020, le niveau des exportations atteint son deuxième niveau le plus haut de l’histoire du Japon, devancé seulement en 2007 (646 Mds €). La hausse des exportations concerne toutes les catégories : produits manufacturés +32%, machines +25%, appareils électriques +19%, produits chimiques +24%. Du fait des perturbations des chaînes d’approvisionnement, le rythme est légèrement moins soutenu dans les équipements de transport (+12%), même si les véhicules motorisés restent le premier poste à l’export (part de 12,9%). Parmi les plus fortes contributions à la croissance des exports, se démarquent des produits dont la valeur a davantage augmenté que le volume exporté : les produits sidérurgiques (4,6% des exports, +7% en volume mais +48% en valeur), les semi-conducteurs (5,9% des exports, +18%) et les équipements pour semi-conducteurs (4% des exports, +12% en volume mais +33% en valeur). Entre 2019 et 2021, ces deux postes affichent une croissance de +25%, fortement supérieure à celle des exports totaux (+5%) sur la période.
En 2020, la situation sanitaire, instable chez les partenaires commerciaux occidentaux, avait conduit à un effondrement des exportations vers les Etats-Unis (-17,3%) et l’Europe (-15,1%), alors que la baisse était limitée à 5,1% en Asie – notamment grâce à la progression des exportations vers la Chine (+2,7%). L’Asie avait conforté sa place de première destination des exportations japonaises (57% du total, +3pp) et la Chine (22%, +3pp) était devenue le premier client du Japon, devant les Etats-Unis (18,4% du total, -1,6pp). En 2021, la croissance des exportations est plus uniforme avec un dynamisme toujours aussi marqué vers l’Asie (+22,8%) et une reprise vers l’Europe (+15,7%) et les Etats-Unis (+17,6%).
2. Mais des importations plus élevées, portées par la facture énergétique
Les importations augmentent de +24,6%, à un rythme plus rapide que celui des exportations, et atteignent leur deuxième niveau historique, devancées seulement par le niveau atteint en 2014.
- En hausse de +51%, le poste « combustibles » (20% des imports) est à lui seul responsable du tiers de cette augmentation – le Japon subissant de plein fouet la hausse des cours mondiaux, alors que sa facture énergétique repose à plus de 90% sur des hydrocarbures importés. Ainsi, les importations de pétrole, de gaz & GPL et de charbon (respectivement 55%, 30% et 15% du poste "combustibles") bondissent de 54%, 37% et 62% en valeur. En revanche les volumes importés restent stables, à l’exception du charbon, qui marque une hausse de +5%.
- Les postes « matières premières » (8% des imports, +48%), « produits manufacturés » (10% des imports, +26%) et « produits chimiques » (12% des imports, +24%) contribuent à eux trois pour le deuxième tiers de l’augmentation des importations :
- Sur ces deux premières catégories, les métaux représentent les hausses les plus importantes avec notamment +91% pour les minerais de fer et +50% pour les produits métalliques et sidérurgiques manufacturés.
- La hausse des importations de produits chimiques et d’équipements médicaux est liée à l’achat de des vaccins COVID d’une part, et d’autre part aux imports accrus de matériaux utilisés pour leur production par les entreprises nationales (Takeda pour le vaccin Moderna, Daiichi Sankyo pour AstraZaneca).
La part des partenaires du Japon fournisseurs d’énergie se renforce considérablement. Alors que le pays s’appuie principalement sur l'Australie pour importer du gaz naturel (à près de 40%) et du charbon (~70%) et sur le Moyen-Orient pour le pétrole (~90%), la part de ces derniers dans les importations japonaises s’accroit très fortement : l’Australie passe de 5,6% à 6,8% (+50%) et le Moyen-Orient de 8,2% à 10% (+52%).
L’évolution des importations en provenance des autres partenaires commerciaux est plus uniforme, même si leur croissance reste élevée : autour de +20% pour l’Asie, les Etats-Unis et l’Europe. En forte baisse en 2019, les importations depuis les Etats-Unis et l’Europe retrouvent leurs niveaux de 2019. Les importations asiatiques poursuivent leur résilience observée en 2020, avec une hausse de 10% sur 2021 par rapport à 2019. La part de marché de la région se renforce au Japon, passant de 47,6% en 2019 à 48,5% en 2021 (contre une baisse de 0,5 point de 11% à 10,5% pour les Etats-Unis, et de 0,4 point de 13,2% à 12,8% pour l’Europe).
Selon les douanes japonaises, les importations depuis la France ont crû de 29,2%, soit presque le double du chiffre des douanes françaises (+15,6%). En valeur, le chiffre des douanes japonaises est supérieur de 50% à celui des douanes françaises (9,8 Mds € contre 6,5 Mds €), avec un écart marqué sur les postes « produits chimiques » (incluant les produits médicaux) et « aéronefs », en lien avec des livraisons croissantes d’avions et de produits pharmaceutiques produits – et donc exportés - depuis l’étranger (annexe 10) – et dont la méthode de prise en compte diffère selon les douanes. Reflétant la dépendance du commerce français vers le Japon aux exports aéronautiques et agroalimentaires, ces derniers expliquent à eux deux les ¾ de la hausse de nos exports en 2021 selon les douanes japonaises, avec respectivement +235% et +14%. On note également une belle performance sur les postes machines (+37%) et bagagerie (+23%), qui représentent à eux deux 15% de la croissance de nos exports. La France redevient le 2ème fournisseur européen du Japon derrière l’Allemagne et devant l’Italie (de 31 Mi €) ; elle est le 16ème fournisseur du Japon (17ème en 2020).
3. Le retour d’un important déficit commercial, après un excédent en 2020
Le Japon enregistre un déficit commercial de -12,8 Mds €, le plus large depuis 2015. S’il fait suite à un excédent de 2,9 Mds € en 2020 (consécutif à l’effondrement des cours énergétiques pendant la pandémie), le déficit 2021 s’inscrit dans une tendance de long-terme : entre 2011 et 2021, le Japon a accumulé un déficit commercial total de 260 Mds €, contre un excédent de 677 Mds € entre 2000 et 2010. Cette tendance se conjugue avec la dégradation des termes de l’échange du pays : sur les 20 dernières années, selon le Japan Research Institute, le rapport entre les prix à l’exportation et à l’importation du pays a chuté de 40%, pour moitié du fait de la hausse des prix de l’énergie. Si la détérioration des termes de l’échange est une dynamique commune aux pays importateurs d’énergie depuis 20 ans, celle du Japon est environ le double de celle des autres pays avancés d’Asie et 4 fois celle de la zone euro. De fait, avec plus d’1/5 de ses imports consacrés aux combustibles, le Japon est le pays avancé dont le commerce extérieur est le plus sensible aux cours énergétiques.
La faiblesse actuelle du yen (en moyenne 144,6 yens par dollar en septembre) pourrait contribuer à creuser le déficit commercial du pays. Historiquement mis à profit par les entreprises pour augmenter leurs parts de marché en baissant leurs prix en devises étrangères, le yen faible est désormais davantage utilisé par les entreprises comme un moyen de renforcer leurs marges et de se prémunir de chocs futurs. Dans ce cadre, la faiblesse du yen exacerbe l’impact de la hausse du prix des importations, auxquelles le pays est de plus en plus dépendant et dont 76% sont négociés en monnaies étrangères (dont 91% en dollar). La détérioration de la balance commerciale et des termes de l'échange du Japon entraine un cercle vicieux de ventes du yen par les importateurs du pays en échange de dollars, affaiblissant le yen et creusant de nouveau le déficit commercial.
Si le compte courant du pays reste excédentaire (142 Mds $ en 2021), il atteint également sa valeur la plus faible depuis 2015, alimenté uniquement par les revenus primaires issus des investissements directs japonais sortants, toujours aussi dynamiques (187 Mds $ en 2021, contre 179 en 2020). Cette tendance s’aggrave en 2022 : ayant enregistré en janvier 2022 son déficit courant mensuel le plus large depuis 2014, le Japon affiche sur la période janvier-juillet 2022 un compte courant en baisse de 70% par rapport à la même période en 2021. Un déficit commercial durable et croissant porte le risque de l’apparition de déficits jumeaux - déficit simultané du budget public et de la balance des paiements ; poussée à l’extrême, cette tendance verrait le Japon contraint de financer sa dette publique auprès d’investisseurs étrangers, la rendant plus sensible aux mouvements extérieurs. Dans ce cadre, le débat sur le haut niveau de la dette publique (267% PIB) pourrait revenir au premier plan, en particulier dès lors que la Banque du Japon amorcerait une sortie de sa politique monétaire accommodante. A ce titre, des inquiétudes ont pu s’exprimer face à la multiplication des plans de relance (dont le dernier date de mai 2022, à 1% PIB) et l’absence de trajectoire d’ajustement crédible des finances publiques.
4. Le commerce extérieur reste un axe de croissance majeur du pays
Depuis le 3ème trimestre 2020, le solde extérieur des biens et services contribue pour plus de 40% à la croissance sur la période. Le dynamisme du commerce extérieur se poursuit début 2022 (hausse des exports totaux de 17% sur janvier-août 2022) mais reflète également la forte dépendance du Japon à la situation économique de ses partenaires. A plus long terme, le commerce extérieur devrait continuer d’être un moteur significatif de la croissance : la mise en œuvre des accords de libre-échange signés récemment (UE, CP-TPP, Royaume-Uni, RCEP) devrait favoriser durablement l’émergence de nouveaux débouchés pour le Japon.
Publié le 30 septembre 2022