INDE
Relations bilatérales
Chiffres-clés :
La puissance économique (5ème PIB mondial) et démographique (1,4Md d’habitants, première population devant la Chine à compter d’avril 2023 selon les Nations-Unies) de l’Inde, son positionnement géopolitique ouvert (et intéressé) à des partenariats diversifiés et au cœur de l’indopacifique justifie d’investir pleinement dans le soutien institutionnel à la relation économique bilatérale, dont l’ampleur a considérablement progressé. En effet, si notre relation économique bilatérale n’est pas exempte d’irritants au regard notamment du protectionnisme indien persistant, force est de constater l’intérêt croissant des entreprises françaises pour les marchés indiens et leurs investissements multiples dans des secteurs prioritaires pour les ambitions indiennes (aéronautique ; énergie, développement urbain, etc.). L’Inde est en outre déjà la 1ère exposition de l’AFD dans le monde. Toutefois, la relation demeure asymétrique et attirer davantage d’investisseurs indiens est un enjeu prioritaire pour la France.
Le déficit commercial en défaveur de la France se réduit légèrement en 2024
Le commerce bilatéral franco-indien, tel qu’enregistré par les Douanes françaises, affiche une croissance de près de 3% entre 2023 et 2024 en glissement annuel. Cette progression est principalement liée à la dynamique des exportations du secteur aéronautique, tirée par la livraison de plusieurs Airbus A350 à Air India au premier semestre 2024, ainsi que par la résilience des importations de produits pétroliers raffinés. Toutefois, la structure des exportations françaises à destination de l’Inde évolue, marquée par un repli marqué de 20% en glissement annuel des exportations de produits pharmaceutiques, qui avaient jusqu’ici enregistré des performances stables. Parallèlement, les importations de téléphones et équipements de télécommunication continuent de progresser, sous l’effet de la montée en puissance des activités d’assemblage en Inde pour le compte de grands donneurs d’ordre internationaux. Le solde commercial s’inscrit en déficit pour la France mais se réduit légèrement, s’établissant à 1,6 Md EUR en 2024, contre 1,8 Md EUR en 2023.
Les échanges commerciaux franco-indiens progressent légèrement de 3% entre 2023 et 2024
Le volume des échanges commerciaux entre la France et l’Inde enregistre une croissance modérée en 2024, avec une progression de 3% en glissement annuel, atteignant 17 Mds EUR contre 16,5 Mds EUR en 2023. Toutefois, cette dynamique marque un net ralentissement par rapport à celle enregistrée en 2023, au cours de laquelle la croissance des échanges s’était établie à 6,6%. Ce ralentissement résulte principalement d’une décélération des exportations françaises, dont la croissance s’est limitée à 6,8 % en glissement annuel, après une hausse de 20% en 2023. En revanche, les importations françaises en provenance d’Inde ont progressé de 3%, inversant la tendance de l’année précédente, sous l’effet d’une augmentation des livraisons de téléphones portables et d’équipements de communication. Parallèlement, le taux de couverture des échanges demeure stable, s’établissant à 82% au cours de l’année 2024.
La performance mitigée des exportations françaises vers l’Inde se traduit par à un déficit en défaveur de la France, qui s’est réduit à 1,6 Md EUR, contre 1,8 Md EUR en 2023, pour l’ensemble de l’année. Cette évolution contraste avec celle enregistrée au cours du premier semestre 2024, qui marquait une forte progression des exportations françaises (+60 % par rapport au S1 2023) et une réduction significative du déficit bilatéral (465 M EUR contre 1,9 Md EUR au S1 2023). Le ralentissement des livraisons aéronautiques au second semestre est directement responsable de ce retournement de la dynamique des exportations françaises.
L’Inde s’affirme comme le 13ème client de la France, représentant 1,3% de part de marché, perdant ainsi une place au palmarès par rapport à l’année précédente et se positionnant entre le Japon et Singapour. Simultanément, l’Inde conserve sa 14ème place au classement des pays fournisseurs de la France, avec une part de marché de 1,4%. Au sein du continent asiatique, l’Inde se classe comme le quatrième partenaire commercial de la France, derrière la Chine, l’ASEAN et le Japon.
Les exportations françaises enregistrent une progression de 6,8% lors de l’année 2024
Les exportations françaises vers l’Inde ont progressé de 6,8% en g.a. lors de l’année 2024, atteignant 7,7 Mds EUR contre 7,2 Mds EUR en 2023. Cette progression est principalement tirée par le secteur aéronautique, qui représente 53% des exportations françaises vers l’Inde en 2024, soit un niveau supérieur à la moyenne de 45% observée entre 2014 et 2024. Cette dynamique résulte notamment des performances des principaux acteurs du secteur, tels qu’Airbus[1], Safran, Thales et Dassault Aviation.
Hors secteur aéronautique, les exportations françaises vers l’Inde sont en légère hausse, passant de 3,3 Mds EUR à 3,6 Mds EUR (+9% en g.a.), Toutefois, la part du secteur aéronautique dans le total des exportations reste stable entre 2023 et 2024, illustrant la dépendance croissante des exportations françaises en Inde aux évolutions de ce poste. Les principaux autres postes d’exportation demeurent inchangés, avec les machines et équipements occupant le deuxième rang à 461 M EUR (+9,9% en g.a.), suivis des matériels électriques qui progressent de 27,6% pour atteindre 454 M EUR. En revanche, les produits pharmaceutiques enregistrent un recul en g.a., avec une contraction de 19,4% des exportations sur la période sous revue, passant de 172 M EUR à 139 M EUR.
Les importations de produits en provenance de l’Inde sont en hausse de 3,5% en 2024
Le montant des importations françaises en provenance de l’Inde atteint un niveau de 9,3 Mds EUR au cours de l’année 2024, enregistrant une progression de 3,5% en glissement annuel. Cette hausse est principalement soutenue par la demande en produits pétroliers raffinés et coke, qui restent le premier poste d’importation avec une part de 16,4% du total contre 19% l’année précédente. Toutefois, ce secteur enregistre une contraction de près de 9% avec un volume d’importations en recul, de 1,7 Md EUR à 1,55 Md EUR. Ce repli s’explique par la dissipation de l’effet-prix qui avait soutenu la croissance des importations dans un contexte de tension sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le secteur de l’habillement, textiles et cuir constitue le deuxième poste de nos importations, représentant 11,6% du total, pour un montant de à 1,1 Md EUR. Par ailleurs, les importations de téléphones et équipement de télécommunication enregistrent une hausse significative, atteignant 700 M EUR, soit une progression de 27,6% sur la période sous revue, devenant ainsi le troisième poste d’importation et reflétant l’essor de l’activité d’assemblage de téléphones portables en Inde. La croissance des importations en provenance de l’Inde a également été soutenue par la hausse des achats de produits pharmaceutiques, en augmentation de 32% sur la période, pour un montant de 653 M EUR.
La balance commerciale bilatérale s’est légèrement améliorée en 2024, avec un déficit réduit à 1,6 Md EUR contre 1,8 Md EUR. Toutefois, cette amélioration reste en deçà de la réduction observée au premier semestre, portée par la forte hausse des exportations du secteur aéronautique. Par ailleurs, si les importations de produits raffinés en provenance d’Inde ont légèrement diminué, la progression soutenue des importations de téléphones et d’équipements de télécommunication pourrait accentuer le déficit commercial si cette tendance se prolonge.
[1] Airbus a livré cinq A350-900 à Air India entre janvier et mai 2024.
Les investissements croisés franco-indiens
Le stock d’investissement français en Inde a enregistré une diminution de moitié en 2023, passant de 25 Mds EUR lors de l’exercice précédent à 12,9 Mds EUR. Cette diminution est principalement imputable à des effets de valorisation défavorables induits par la baisse des cours boursiers de certaines participations françaises (Adani-Total) ainsi que par la dépréciation de la roupie indienne face à l’euro. La valorisation boursière des actifs détenus par TotalEnergies dans les co-entreprises que le groupe détient avec le groupe Adani avait conduit à une progression des IDE français en Inde de près de 50 % entre 2021 et 2022 (16,4 Mds EUR contre 25 Mds EUR). Néanmoins, les flux d’IDE français en Inde enregistrent un net rebond en 2023, atteignant 959 MEUR, alors qu’ils avaient été très faibles en 2021 et 2022, à 0,2 et 0,1 Md respectivement, selon les statistiques de la Banque de France. Parallèlement, la présence indienne en France demeure modeste, avec des IDE stagnant à 290 MEUR en 2023.
Après une envolée en 2022, le stock d’IDE français en Inde se contracte à 12,9 Mds EUR
Selon les données de la Banque de France, le stock d’investissements français en Inde a subi une contraction de 50% entre 2022 et 2023, revenant de 25 Mds EUR à 12,9 Mds EUR. Ce repli, bien qu’attendu, découle principalement d’un ajustement de la valorisation des actifs détenus par TotalEnergies dans ses co-entreprises[1] avec le groupe Adani au sein d’Adani-Total Gas Ltd, à la suite de la correction boursière[2] provoquée par les révélations du hedge fund Hindenburg quant à l’existence de malversations financières du groupe.
Le stock d’IDE converge vers la tendance reflétée par les niveaux observés avant le rebond de l’exercice précédent, mais demeure inférieur aux performances de 2021, où il atteignait 16,4 Mds EUR. Par ailleurs, la dépréciation de la roupie indienne face à l’euro, passant de 88,1 INR/EUR fin décembre 2022 à 92,4 INR/EUR fin décembre 2023, a également contribué à ces effets de valorisation défavorables. Les revenus d’investissements directs générés par ces stocks sont en forte croissance, puisqu’ils s’élevaient à 2,6 Mds EUR en 2023, contre 0,8 Md lors de l’exercice. La France se place au 11ème rang des investisseurs étrangers en Inde en matière de flux cumulés d’IDE entre 2000 et 2024, qui se seraient élevés à 11,2 Mds USD, selon les statistiques publiées par le DPIIT. Les données de la RBI corroborent celles de la Banque de France, en indiquant un stock d’IDE des entreprises françaises en Inde se montant à 13 Mds EUR en mars 2023, faisant de la France le neuvième pays générateur d’IDE en Inde[3].
Les investissements français en Inde se concentrent principalement dans l’industrie manufacturière, qui représente 25% du stock d’IDE, ainsi que dans les activités financières et d’assurance, qui totalisent 20% du stock total[4]. S’agissant des flux d’investissements français en Inde, ceux-ci s’établissent à 959 M EUR sur la période sous revue, contre 80 MEUR l’année précédente. Après un solde négatif de -223 M EUR en 2016, bien en deçà de la moyenne annuelle de 626 M EUR depuis 2010, les flux d’IDE ont atteint 2 Mds EUR en 2020 selon la Banque de France[5]. Les flux d’IDE sont revenus ensuite à 144 M EUR en 2021. Les perspectives d’investissement des entreprises françaises en Inde sont prometteuses, notamment dans le secteur de la défense et de l’aviation : le groupe Safran investit plus de 150 MEUR à Hyderabad pour la construction d’un centre de maintenance de moteur qui sera opérationnel en 2025 et ADP a investi aux côtés du NIIF dans le nouvel aéroport de Goa, dont le montant du projet s’élève à 340 MEUR. La France se place toutefois au 13ème rang des investisseurs étrangers en Inde en 2023, bien que le volume d’investissements français demeure sous-évalué du fait du transit d’une partie des flux par des juridictions tierces. L’île Maurice et Singapour ont ainsi concentré à eux seuls plus de 50% des flux d’IDE reçus par l’Inde depuis 2000.
Par ailleurs, l’enquête INSEE/OFATS de 2020 recense officiellement près de 716 filiales françaises en Inde, et plus de 1051 implantations, qui représentaient 450 000 emplois pour un chiffre d’affaires de 15,2 Mds EUR. Par ailleurs, la plupart des grands groupes français cotés au CAC40 sont désormais implantés en Inde (dont Airbus, Cap Gemini, Safran, Alstom, Schneider, Saint-Gobain).
La présence indienne en France reste stable en 2023, bien que relativement modeste
Le stock d’IDE indien en France se stabilise à 290 MEUR en 2023, contre 291 MEUR l’année précédente, après avoir connu d’importantes variations les années précédentes. Ces montants restent faibles cependant au regard du stock des investissements indiens dans le monde, estimé à 309 Mds USD à ce jour par le Ministère des Finances. Par rapport aux autres BRICS, ce stock se compare à celui des IDE du Brésil en France (300 M EUR) mais apparaît en retrait par rapport au stock détenu par les entreprises sud-africaines (700 M EUR), russes (900 M EUR) et surtout chinoises (3,1 Mds EUR pour la Chine continentale, 6,3 Mds EUR pour Hong Kong).
Plus de 150 entreprises indiennes opèrent actuellement en France, avec une forte concentration dans les secteurs des transports (automobile et aéronautique), des équipements hydrauliques, de la pharmacie, des biotechnologies et de l’informatique. Parmi elles, Motherson, société indienne spécialisée dans les transports, qui détient huit sites en France, a annoncé lors du sommet Choose France en mai 2024 la reprise de la société AD Industrie, faisant de l’entreprise le premier employeur indien en France. Parallèlement, le groupe indien Bharti Space a acquis en 2023 21% d’Eutelstat Communications spécialisée dans les services de communication par satellite.
Bien que le stock d’IDE français ait été réduit de moitié sur la période sous revue, la dynamique de nos IDE reste soutenue une croissance robuste de l’économie indienne et son ouverture croissance aux investissements étrangers. Les entrées de capitaux propres ont ainsi été multiplié par près de quatre au cours des dix dernières années. Les investissements indiens dans l’économie française apparaissent comme étant trop faible au regard de l’importance des stocks d’IDE détenus vis-à-vis du reste du monde, en dépit des opportunités s’offrant aux investisseurs indiens.
[1] TotalEnergies a acquis une participation de 37,4% dans la société cotée Adani Total Gas Limited (ATGL) de distribution de gaz de ville.
[2] Les sociétés indiennes cotées détenues par TotalEnergies avec le Groupe Adani ont connu une envolée de leur valorisation à la Bourse de Bombay entre 2020 et 2022, atteignant 55 Mds EUR fin 2022. L’éclatement de l’affaire Hindenburg a provoqué un effondrement des cours des sociétés cotées du groupe.
[3] Reserve Bank of India - Publications (rbi.org.in). Après les Etats-Unis, l’Ile Maurice, le R.-U., Singapour, les P.-B., le Japon, la Suisse et l’Allemagne.
[4] Le secteur des services représente 5,1 Mds du total du stock d’IDE français en Inde sur la période considérée.
[5] En lien avec des opérations d’envergure, prise de participation de TotalEnergie dans Adani (cf. supra) et d’AdP dans GMR.