Relations bilatérales

Chiffres-clés :

La puissance économique (5ème PIB mondial) et démographique (1,4Md d’habitants, première population devant la Chine à compter d’avril 2023 selon les Nations-Unies) de l’Inde, son positionnement géopolitique ouvert (et intéressé) à des partenariats diversifiés et au cœur de l’indopacifique justifie d’investir pleinement dans le soutien institutionnel à la relation économique bilatérale, dont l’ampleur a considérablement progressé. En effet, si notre relation économique bilatérale n’est pas exempte d’irritants au regard notamment du protectionnisme indien persistant, force est de constater l’intérêt croissant des entreprises françaises pour les marchés indiens et leurs investissements multiples dans des secteurs prioritaires pour les ambitions indiennes (aéronautique ; énergie, développement urbain, etc.). L’Inde est en outre déjà la 1ère exposition de l’AFD dans le monde. Toutefois, la relation demeure asymétrique et attirer davantage d’investisseurs indiens est un enjeu prioritaire pour la France. 

Malgré une conjoncture économique internationale médiocrement orientée, le commerce bilatéral franco-indien, tel qu’enregistré par les Douanes françaises, progresse au cours de l’année 2022 à un rythme de 19% et s’élève à 15,1 Mds EUR, en liaison avec l’évolution des importations de produits pétroliers raffinés (+62%) par la France. Cet alourdissement de la facture énergétique est majoritairement imputable à un effet-prix des hydrocarbures, lié à la flambée des cours entraînée par l’invasion de l’Ukraine. L’atonie des exportations ne permet pas de compenser cette hausse, alors que les montants des principaux postes d’exportation français se réduisent, notamment les instruments et appareils de mesure (-64,6%), les produits pharmaceutiques (-18%) ou encore les équipements automobiles (-51%). En revanche, l’aéronautique, secteur d’exportation par excellence, augmente de 21% en glissement annuel. Le déficit bilatéral en défaveur de la France se creuse au niveau particulièrement élevé de 2,9 Mds EUR, presque quatre fois plus que le niveau de 2021, exercice au cours duquel il s’inscrivait à 716 M. 

Etat des lieux du commerce bilatéral franco-indien pour l’année 2022

Les échanges bilatéraux enregistrent un plus haut en 2022

En dépit ou en raison de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, l’année 2022 est caractérisée par une augmentation des volumes d’échanges franco-indiens de 19% (en g.a.) de 12 Mds EUR à 15,1 Mds EUR. Le montant des importations françaises augmente de 34% (en g.a.) et s’établit à un niveau exceptionnellement élevé de 9 Mds EUR pour la période sous revue. En parallèle, la progression limitée des exportations, à 1,3% en g.a., ne contrebalance pas la hausse des importations, d’où un quadruplement du déficit commercial qui passe de 716 M EUR en 2021 à 2,9 Mds EUR.

L’Inde renforce ses positions dans le classement des pays fournisseurs de la France et s’impose comme son 15ème fournisseur (+2 places) entre l’Irlande et la République tchèque avec une part de marché de 1,2%. Par ailleurs, l’Inde recule dans le palmarès des clients français, à la 18ème place (-3 places), après la Suède avec une part relative dans nos exportations de 1%.

Le déficit de la balance commerciale française se creuse au terme de la période sous revue, de 716 M à 2,9 Mds EUR. Le taux de couverture est de 67%, soit le taux le plus faible depuis 2015. L’Inde devient notre 15ème déficit commercial dans le monde, entre l’Angola et le Qatar. Au sein du continent asiatique, l’Inde est le 5ème déficit commercial de la France entre le Japon (3,466 Mds EUR) et la Malaisie (2,808 Mds EUR), le premier déficit commercial étant celui enregistré avec la Chine et Hong-Kong (48,839 Mds EUR). L’Inde est notre 4ème client, au sein du continent asiatique, et notre 3ème fournisseur après la Chine et le Japon. Le déficit reste essentiellement porté par les hydrocarbures raffinés à 1,4 Md EUR, avec une hausse de 62%, imputable à l’augmentation de 165% du montant des livraisons de kérosène et de 8,7% pour le gazole. Les secteurs de l’habillement (1,1 Md EUR, +29%), ou encore des produits chimiques de base (591 M EUR, +32%) participent également au creusement du déficit commercial en notre défaveur.                       

Atonie des exportations : une progression de 1,3% seulement en 2022

Le montant des exportations françaises vers l’Inde progresse au rythme de 1,3% en 2022 et s’établit à 6 Mds EUR. Cette atonie s’explique par la dissipation de l’effet de rattrapage post-pandémie, à l’origine d’un rebond de 40% des exportations françaises vers l’Inde en 2021. Cette stagnation reflète en outre le contexte économique ralenti[1], caractérisé par une baisse de la demande mondiale et un renchérissement des conditions de financement sur les marchés internationaux.

Secteur exportateur majeur de la France en Inde depuis plusieurs années, avec en moyenne 43% du total es ventes de marchandises françaises entre 2014 et 2021, l’aéronautique est une nouvelle fois le premier poste d’exportations de la France en 2022. Après une forte accélération en 2021 (+101%), les ventes aéronautiques et spatiales continuent leur progression et augmentent de 21%, de 2,1 Mds EUR à 2,6 Mds EUR.

Hors secteur aéronautique, les exportations françaises vers l’Inde sont de l’ordre de 3,4 Mds EUR au terme de l’année 2022, soit une baisse de 10%, confirmant la forte dépendance de nos exportations au dynamisme du secteur aéronautique. Les matériels électriques occupent le 2ème poste d’exportations avec 409 M EUR (+35%), suivi par les produits chimiques de base, azotés, matières plastiques et caoutchouc synthétique avec 407 M EUR en 2022 (+5%).

Plusieurs postes d’exportations enregistrent des baisses importantes, comme les ventes d’instruments et appareils de mesure, d’essai et de navigation (- 64%), revenant de 782 M EUR à 275 M EUR, ou encore les équipements de communication qui se contractent de 40% (en glissement annuel). En outre, la baisse des exportations de produits pharmaceutiques, qui passent de 211 à 173 M EUR, confirme l’effet conjoncturel, lié au contexte sanitaire, des bonnes performances des deux dernières années.

Les importations atteignent un niveau record de 9 Mds EUR, tiré par la hausse des importations de produits pétroliers indiens

Le montant des importations françaises en provenance de l’Inde atteint un niveau record, à 9 Mds EUR au cours de l’année 2022 et poursuit une progression de 34% en glissement annuel. On observe une progression généralisée des principaux postes d’importation au cours de l’année 2022[2]

La demande française est largement portée par le secteur des produits pétroliers raffinés et coke, qui s’impose comme le premier poste d’importation, représentant 13,2% du total. Le secteur connaît une augmentation de 62% et passe de 866 M EUR à 1,4 Md EUR, en raison d’un effet-prix massif [3]les volumes s’inscrivant à la baisse [4] sur la période sous revue.

Le secteur de l’habillement, textiles et cuir est le deuxième poste de nos importations. Celui-ci représente 13,2% du total des importations avec un montant s’élevant à 1,1 Md EUR, en hausse de 29%. Troisième poste d’importation, les produits chimiques de base enregistrent une hausse de 32% en passant de 447 à 591 M.

Les produits agroalimentaires enregistrent un montant de 561 M EUR, en augmentation de 10%, généralisée à toutes les composantes (boissons, fruits et légumes, conserves) à l’exception des huiles et graisses végétales qui se contractent de 26%.

 

***

En raison de la hausse des importations françaises de produits indiens, qui s’établissent à un niveau record de 9 Mds EUR, notre balance commerciale bilatérale enregistre un déficit exceptionnellement élevé de 2,9 Mds EUR. Celui-ci pourrait encore se creuser au cours des prochains mois, en liaison avec les détournements possibles de trafic d’hydrocarbures russes vers l’Inde, qui pourrait chercher à tirer parti des effets d’aubaine induits par l’embargo mis en place par l’Europe sur les produits raffinés, dans un contexte où la Russie est désormais son premier fournisseur de pétrole brut.  

 

[1] Le rapport de la Banque mondiale « The Global Economic Outlook » projette une croissance mondiale de 2,9% en 2022 et 1,7% en 2023.

[2] Voir le troisième tableau des annexes.

[3] Au cours de l’année 2022, le prix du baril moyen retenu pour l’OPEC Basket a atteint l’un des plus hauts niveaux retenus depuis les dix dernières années. À titre de comparaison, il est de 68,82 USD en moyenne au cours de l’année 2021 contre 103,13 USD en moyenne en 2022 (soit une hausse de 50% entre 2021 et 2022).

[4] La part de marché de l’Inde dans nos importations, en volume de kérosène et gazole baisse entre 2021 et 2022, passant de 4,3 % à 3,2 % selon les Douanes Françaises.

 

Evolution des échanges commerciaux de marchandises depuis 2012

 

          (En M EUR)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Exportations

3258

2713

2704

3177

3910

5347

5530

5386

4 260

5 998

  6 078

Part de l’aviation

-

-

26,4%

33,6%

40,2%

56,1%

55,7%

49,2%

39,4%

   49,8%

    43%

Importations

4706

4443

5223

5375

4677

5373

6102

6285

4 816

6 714

9 054

Total

7963

7157

7927

8551

8587

10719

11632

11671

9 076

12 712

15 132

Solde

-1448

-1730

-2519

-2198

-767

-26

-571

-988

-556

-716

-2 976

Taux de couverture

   69%

   61%

   52%

   59%

   84%

100%

   91%

    86%

88%

89%

   67%

 

 

Les investissements croisés franco-indiens

La France est l’un des principaux investisseurs étrangers en Inde avec un stock de 11 Mds EUR, bien que le transit d’une partie des flux par des juridictions tierces conduise à sous-estimer l’importance de ses investissements. La forte progression des investissements français, qui ont un peu plus que triplé en dix ans, reflète aussi bien le dynamisme de la relation bilatérale que l’attractivité croissante de l’économie indienne. Le stock d’investissements indiens dans l’économie française, à 200 MEUR en 2021, apparait encore faible au regard de l’importance des stocks d’IDE détenus par des ressortissants indiens dans le reste du monde (206 Mds USD selon la CNUCED).

La France se classe parmi les principaux investisseurs en Inde

Selon la Banque de France, le stock d’IDE fin 2021 s’élève à 11 Mds EUR pour la France, ce qui la place au 11ème rang des investisseurs étrangers en Inde. Le volume des investissements français est néanmoins sous-évalué du fait du transit d’une partie des flux par des juridictions tierces, telles que Maurice et Singapour (50% des flux, 30% des stocks), mais également les Pays-Bas, la Suisse (respectivement 4ème et 12ème investisseur en stock) et, plus récemment le Luxembourg (15ème). A cet égard, une partie significative de l’investissement des entreprises françaises a pour origine les Pays-Bas et la Suisse. C’est le cas notamment pour les entreprises comme Airbus, Legrand, Schneider Electric ou encore Renault, dont les investissements dépassent tous 100 MEUR.

Les investissements français en Inde se portent principalement sur le secteur des services, qui représentent 48,5% du stock en 2021. Les services informatiques et financiers représentent 40% du total des stocks d’IDE en 2021. Suivent dans l’ordre, l’industrie extractive[1], avec 26% du stock d’IDE en 2021, l’automobile 4%, et l’industrie pharmaceutique 3%. Ces cinq secteurs représentent les trois quarts des investissements français en Inde. En outre, ces secteurs emploient massivement dans le pays, avec près de 150 000 salariés pour Capgemini[2], 15 000 pour la BNPP et près de 7 000 pour la Société Générale, en raison de la localisation d’activités de back-office pour ces deux banques.

La progression des investissements directs français s’explique tant par le potentiel de l’économie indienne, porté une croissance moyenne de 7,3% au cours des vingt dernières années, notamment dans les services, que par la volonté du gouvernement indien de promouvoir l’investissement direct comme fondement de la création d’emplois et de financement de déficits courants structurels après la crise de change de 2013/2014. La réglementation en matière d’IDE a donc été assouplie[3]. Des partenariats industriels ont été noués dans les secteurs de la défense, du transport ferroviaire (Alstom), des infrastructures (ADP, CMA-CGM, Bolloré) et de l’énergie (TotalEnergies, EDF, Engie), en réponse à la politique d’ouverture sous condition du gouvernement indien.

Une présence française accrue en Inde en raison d'un exercice 2020 exceptionnel

L’enquête INSEE/OFATS de 2020 recense officiellement près de 716 filiales françaises en Inde, et plus de 1000 implantations, qui représentaient près de 450 000 emplois pour un chiffre d’affaires de 15,2 Mds EUR. La plupart des grands groupes français, dont 37 entreprises du CAC 40, sont désormais implantés en Inde. On dénombre entre 50 et 70 PME et ETI (mécanique, électronique, chimie-pharmacie) ainsi qu’environ 180 autoentrepreneurs. Les 1051 implantations françaises couvrent l’ensemble du territoire indien, mais elles se concentrent surtout dans quelques villes : Bombay 30%, Delhi 27%, Bangalore 15%, Pune 10%, Chennai 5%.

Les contraintes de localisation industrielle et les considérations de compétitivité-coût, dans un marché très concurrentiel, favorisent l’implantation de capacités industrielles, comme l’illustre le succès de Renault avec un modèle d’entrée de gamme, la Kwid, constitué à 98% avec des composants locaux.

Alors que les flux d’IDE affichaient un solde négatif en 2016 (-223 M USD contre une moyenne de 694 M USD par an depuis 2010), 2020 a enregistré un flux record de 3 Mds EUR[4] selon les données de la Banque de France. Toutefois, les flux d’IDE sont revenus à 300 M EUR en 2021.  

L’année 2022 a été marquée par de nouveaux projets : Total a annoncé un investissement de 300 M EUR aux côtés d’Adani dans l’hydrogène vert[5], Schneider Electric a investi dans une smart factory pour un montant de 50 M EUR, Safran a investi dans deux nouveaux sites industriels à Hyderabad à hauteur de 150 M EUR, ADP a investi dans le nouvel aéroport de Goa, dont le coût de construction s’élève à 340 M EUR. Dernièrement, CMA-CGM a investi 130 M EUR dans la modernisation d’un nouveau terminal à Bombay dont il a remporté la concession. La plupart de ces investissements ne constituent pas toutefois des IDE, mais mobilisent la trésorerie des entreprises françaises présentes en Inde.

Par ailleurs, Sanofi a annoncé début février 2023, la fermeture prochaine de son usine de production de vaccins à Hyderabad, qui emploie 1000 personnes et la cession du site. Pour autant, le groupe entend maintenir son implantation à Hyderabad, en y installant un centre mondial dédié à l’innovation, qui emploiera 350 personnes.

A l'inverse, les investissements indiens en France restent peu élevés

Très volatils et sujets à de fortes variations (-78 M EUR en 2016, -32 M EUR en 2017), les flux d’IDE indiens en France enregistrent un rebond en 2019 avec 76 M EUR et 2020 (32 M EUR), selon la Banque de France, pour un stock estimé à 200 M EUR. Ce montant reste faible cependant au regard du stock des investissements indiens dans le monde, estimé à 100 Mds USD en 2021 par la RBI.

L’INSEE recense 60 entreprises indiennes en France (hors-activités financières et d’assurance) pour un chiffre d’affaires de 780 M EUR et 3 000 salariés. Elles emploient près de 8000 salariés dans les transports (Motherson Group), l’agroalimentaire, les équipements hydrauliques (Electrosteel), la pharmacie (Aurobindo), les biotechnologies (Sintex) et dans le secteur informatique (HCL, TCS, Infosys, Centum).

Des opérations récentes d’acquisition, ou en cours de réalisation, témoignent de l’attractivité du marché français pour les entreprises indiennes dans le secteur de la pharmacie : Biocon, spécialiste des biosimilaires, a racheté l’entreprise américaine Viatris en 2022, qui détient trois sites de production en France, et Gland Pharma envisage d’acquérir Cenexi (trois sites de production en France et Belgique).

En outre, les perspectives post-Brexit de relocalisation d’implantations indiennes au Royaume-Uni vers la France, notamment dans le secteur financier, tardent à se matérialiser.


[1] Le poste industrie extractive comprend l’extraction de pétrole brut, de gaz naturel et services de soutien aux industries extractives.

[2] La présence de Capgemini en Inde s’est renforcée en Inde à partir de 2006 suite à de multiples acquisitions d’entreprises indiennes (rachat de 49% des parts de Hindustan Unilever, rachat de Kanbay pour 1,3 Md USD, Thesys, iGate pour 4 Mds USD, Altran Technologies pour 4,1 Mds USD, LiquidHub pour 500 M USD).

[3] Un régime automatique, sans approbation préalable du gouvernement autorise les investisseurs étrangers à effectuer des IDE greenfield pouvant aller jusqu’à 100% dans des secteurs définis de manière limitative (aéroports, activités minières, transport aérien, médicaments), un régime plus restrictif limitant les participations à 49% (raffinage de pétrole). Enfin, l’autorisation du gouvernement est requise pour des participations dans le domaine bancaire, les médias, la vente de produits alimentaires).

[4] Schneider Electric a annoncé l’acquisition de la division électricité et automatisation du conglomérat indien Larsen & Toubro pour un montant de 1,6 Md USD. Le groupe ADP a acquis 49% du capital de GMR, qui est titulaire de contrat de concession de sept aéroports, pour un montant de 1,4 Md USD. Enfin, TotalEnergies a investi près de 550 M USD dans l’énergie solaire, avant d’annoncer près de 2 Mds USD d’investissements en 2021.

[5] L’opération a été suspendue en raison du risque de réputation provoqué par l’affaire Adani.

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