Indicateurs et conjoncture

Honduras :  les autorités restent optimistes malgré une grande vulnérabilité du pays aux chocs externes et la persistance de défis sociaux  

Après avoir été le pays d’Amérique centrale le plus durement affecté par la crise de la Covid-19 et les ouragans Eta et Iota en 2020 (-9 % du PIB), l’économie hondurienne a fortement rebondi en 2021. Pour 2022 et 2023, la croissance du PIB resterait résiliente et au-dessus des niveaux prépandémiques, malgré l’accélération de l’inflation et le ralentissement mondial. Suite à la fin du programme d’aide du FMI en 2022, les discussions se poursuivent avec le Fonds dans un contexte de situation sociale critique.

La croissance du PIB reste résiliente malgré la persistance de hauts niveaux d’inflation et la non-utilisation de l’outil monétaire

Après que la pandémie et les tempêtes Eta et Iota aient porté un coup sévère à l’activité du Honduras (-9 % du PIB), l’économie hondurienne a fortement rebondi en 2021, enregistrant une croissance du PIB de 12,5 %. Cette expansion a été généralisée et tirée par (i) la consommation privée alimentée par les envois de fonds (24 % du PIB), (ii) l'investissement lié aux activités de reconstruction et (iii) la forte demande d'exportation. En 2022, cette reprise s’est poursuivie bien que l’activité ait nettement ralentie, avec une croissance du PIB attendue entre 4 et 4,5 %[1], à un niveau supérieur à ceux enregistrés avant la pandémie (en moyenne 3,1 % du PIB au cours de la dernière décennie). En effet, l’accélération de l’inflation, en moyenne 9,1 % en 2022 selon le FMI et un pic atteint à 10,86 % en juillet 2022, a fortement pesé sur les perspectives de croissance de l’économie hondurienne. Au T1 2023, de hauts niveaux d’inflation persistaient (en moyenne 9,26 %), celle-ci a entamé une phase de ralentissement plus marquée depuis, et atteint en mai 6,58 % (Graphique 1).

Malgré l’accélération de l’inflation, le Honduras est le seul pays de la zone où la Banque centrale (BCH) a maintenu son taux d’intérêt directeur inchangé à 3 % depuis novembre 2020, afin de ne pas affecter sa reprise économique et ses exportations (40 % du PIB) et ce malgré des niveaux d’inflation en dehors de la cible (4 % +/- 1 pp). Ainsi, pour lutter contre la perte de pouvoir d’achat des ménages liée à la hausse des prix, le gouvernement hondurien a (i) mis en place des exonérations fiscales et des subventions sur les carburants, (ii) fixé les prix du GPL et des carburants, et (iii) fourni gratuitement l’énergie électrique. Ces aides auraient un coût total de 466 M USD, réparties sur l’année 2022 et sur le budget de l’année 2023.

Pour 2023, les autorités demeurent optimistes, prévoyant une croissance du PIB comprise entre 3,5 et 4,5 % selon la Banque centrale. Alors que le ralentissement de l’activité aux Etats-Unis représente un risque baissier important dans un contexte de forte dépendance du Honduras à l’économie nord-américaine (50 % des exportations, 90 % des transferts de fonds), la croissance économique hondurienne devrait rester résiliente en raison de : (i) la reconduction de certaines subventions aux ménages qui devrait soutenir la consommation privée (81 % du PIB) malgré le ralentissement des transferts de fonds et la hausse du chômage (+0,37 pp en 2022 selon le FMI), (ii) la demande mondiale, notamment de café, d’huile végétale et d’or, qui tirerait la production et les exportations, et (iii) l’augmentation des dépenses publiques, en lien avec les travaux de reconstruction suite à l’ouragan Julia (409 M USD de dégâts estimés dans le pays fin 2022) et les nouveaux projets d’infrastructures scolaires et sanitaires.

Le désendettement se poursuit malgré la vulnérabilité du pays aux chocs externes

Les finances publiques s’améliorent mais demeurent vulnérables

La résilience de la croissance du PIB au Honduras a permis la poursuite du désendettement du pays. En effet, le ratio dette publique/PIB est passé d’un pic de 59,3 % du PIB fin 2021 à 49,3 % en septembre 2022. L’endettement, principalement extérieur (51 % du total), demeure majoritairement concessionnel et soutenable à court terme. Le gouvernement hondurien s’est engagé à faire preuve de prudence budgétaire, reconnaissant la nécessité de modérer les déficits budgétaires à moyen terme, tout en protégeant les dépenses prioritaires, afin de se conformer à la Loi sur la responsabilité budgétaire. Enfin, malgré la limitation des nouvelles souscriptions d’endettement, la Banque Centroaméricaine pour l’Intégration Economique (BCIE) a octroyé au pays un prêt (0,7% du PIB) pour financer les mesures de soutien aux ménages.

Les finances publiques honduriennes restent vulnérables aux risques liés aux chocs exogènes, en particulier les catastrophes naturelles. Le pays se classe 136ème /181 dans le classement de l’indicateur ND-Gain, évaluant le degré d’exposition physique, la sensibilité aux catastrophes naturelles et la capacité d’adaptation du pays. En outre, selon le FMI, les pertes moyennes annuelles liées aux évènements climatiques s’élèvent à 2,3 % du PIB entre 1980 et 2020.

Le secteur externe reste résilient malgré un risque de dégradation du compte courant

En 2022, l’afflux important des transferts de fonds dans le pays (+17,8 % g.a), l’augmentation des exportations (+55,5 % g.a. en lien avec la hausse de la demande mondiale), plus importante que celle des importations (+19,7 % g.a.), ont permis l’amélioration de la position extérieure du pays. Toutefois, en 2023, le déficit courant devrait se creuser (-4,1 % du PIB en 2022), en raison : (i) du ralentissement régional qui devrait diminuer les exportations (principalement à destination des Etats-Unis, du Salvador, de l’Allemagne ou encore du Nicaragua), (ii) de la persistance de l’insécurité, malgré le virage sécuritaire pris par la présidente Xiomara Castro, qui continuerait de peser sur les activités touristiques et sur la balance des services et (iii) la baisse des transferts de fonds, en lien avec le ralentissement de l’activité aux Etats-Unis.      

Toutefois, les agrégats extérieurs restent sains : les réserves de change (5,4 mois d’importations fin 2022) sont jugées suffisantes, notamment pour maintenir la stabilité de la Lempira au Dollar américain (taux de change glissant).  

Des défis importants en matière de réformes fiscales et sociales

Des réformes fiscales qui progressent lentement et des discussions en cours avec le FMI

Les autorités ont entrepris un plan de réduction de niches fiscales sur recommandation initiale du FMI. En effet, celles-ci représentent 7 % du PIB au Honduras, contre 3 % en moyenne dans la zone. La réforme actuellement en cours de finalisation ne prévoit désormais plus que deux régimes d’exemption, à destination des investissements directs étrangers d’une part et en faveur des PME locales d’autre part.

Depuis 2019, le Honduras était engagé dans un programme d’aide du FMI, qui a pris fin en janvier 2022, après avoir bénéficié de 773 M USD. De nouvelles négociations pourraient avoir lieu avec le Fonds qui a d’ores et déjà montré son soutien au programme social du gouvernement axé sur la hausse des dépenses publiques de santé et d’éducation alors que le gouvernement Castro affiche sa volonté de restructurer la dette publique. Toutefois, les bases d’un nouvel accord n’ont pas pu être convenues lors de la mission du FMI à l’automne 2022, en raison notamment de désaccords persistants en matière de politique monétaire. Le FMI estime par ailleurs, que les priorités économiques des autorités demeurent incertaines, affectées notamment par une absence de coordination interministérielle. Ce défi se trouve depuis peu renforcé par la perte de majorité de la coalition gouvernementale au Congrès.

Le pays est confronté à une violence endémique et des niveaux de pauvreté et d’inégalité élevés

Le Honduras reste l'un des pays les plus pauvres et les plus inégaux de l'hémisphère occidental. Bien que l'amélioration économique se soit accompagnée d'une réduction estimée de la pauvreté en 2021, les hauts niveaux d’'inflation en 2022 ont limité les progrès ultérieurs. Selon les estimations, le taux de pauvreté a légèrement diminué pour atteindre 52,4 % (-0,9 pp) et l'extrême pauvreté 13,3 % en 2022, tandis que l'indice de Gini s'élevait à 0,48. Par ailleurs, l'un des principaux fléaux du Honduras est la violence causée par le crime organisé (le Honduras détient toujours un des taux d’homicides les plus élevés au monde, de 37 pour 100 000 habitants en 2020), dont le coût représenterait 16 % du PIB selon le FMI. La présidente Xiomara Castro a promulgué en décembre 2022 l’état d’urgence sur une partie du territoire (désormais 60 % du pays), notamment en augmentant la présence militaire dans les zones les plus tendues. 

Commentaire : L’économie hondurienne s’est montrée résiliente en 2022, confortant les autorités à rester optimistes pour l’année 2023 (entre 3,5 et 4,5 % du PIB attendue). Le pays reste vulnérable aux chocs extérieurs, notamment le ralentissement économique aux Etats-Unis qui devrait peser sur les exportations (dont 50 % proviennent des Etats-Unis) et sur les transferts de fonds (24 % du PIB, dont 90 % proviennent des Etats-Unis) mais aussi les catastrophes naturelles, qui représentent un risque important pour les finances publiques.


[1] La Banque mondiale estime une croissance du PIB de 3,4 % pour 2022 et la Commission Economique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL) de 4,2 %.

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