GHANA
Conjoncture économique du Ghana
Le 13 avril 2022
GHANA – Conjoncture économique
L’économie ghanéenne fait face à de nombreux défis tant budgétaires que monétaires. Si les perspectives de croissance sont dynamiques – croissance prévue à 5,8% pour 2022 après une croissance de 4,5% en 2021 – la crise pandémique a durablement affecté son économie. En deux ans, le stock de la dette publique ghanéenne a augmenté de 17 points de PIB (de 62,9% du PIB fin 2019 à 80,1% fin 2021). Alors que la période continue de baisse de l’inflation depuis 2016 avait permis de tenir l’objectif à 8±2% depuis 2018, l’inflation ne cesse de progresser et dépasse la cible depuis septembre 2021, tandis que le cédi se déprécie sur les marchés internationaux. Les tensions autour du vote du budget 2022 ont cristallisé les inquiétudes des investisseurs internationaux quant à la capacité du Ghana de combler son déficit budgetaire. Cette dégradation de la confiance en la dette ghanéenne a mené à la fermeture de facto des marchés internationaux pour le Ghana, le coupant d’une de ses sources principales de financement.
I.
I. La trajectoire de la dette publique du Ghana suscite des inquiétudes tenant au risque accru de défaut
La dette publique ghanéenne était évaluée par le gouvernement ghanéen à 80,1% du PIB en décembre 2021 contre 24% en 2007, année de la première émission obligataire. De son côté, le FMI estime la dette publique du Ghana à 83,5% fin 2021 et anticipe une hausse à 84,9% en 2022, jusqu’à 87% du PIB en 2024. Cette augmentation est rapide, sous l’effet des déficits cumulés et de la hausse des taux d’intérêts. Le Ghana a connu en 2020 un déficit public record de 15,2% du PIB sous l’effet conjugué d’une baisse historique des recettes et d’une hausse des dépenses dans le cadre de la crise pandémique, faisant bondir le niveau de dette de 16 points de PIB, contre une progression de 6 points de PIB en moyenne en Afrique subsaharienne.
Le risque de surendettement du Ghana est considéré comme élevé par le FMI et la Banque mondiale : le ratio charge de la dette/recettes fiscales est estimée à 37% dans le budget ghanéen 2022, en retenant des hypothèses optimistes sur les montants des recettes. La situation ghanéenne s’est fortement ressentie sur les marchés financiers : les spreads obligataires ont augmenté de 32% entre le Q3 et le Q4 2021. Fin mars 2022, les prix des euro-obligations s'échangent à des niveaux élevés, avec des écarts de taux par rapport aux valeurs américaines de qualités comparables (spreads EMBIG) de 1260 points de base. Dès lors, le Ghana a dû renoncer à l’émission obligataire prévue en 2022 qui lui avait permis d’obtenir 3,5Mds USD en 2021. Les principales agences de notation s’accordent sur la dégradation de la note souveraine du Ghana en 2022, qui n’a jamais été aussi basse. Mi-janvier 2022, Fitch a dégradé la note du Ghana de B à B-, alors que l’agence avait déjà révisé la perspective de « stable » à « négative » en juin 2021. Début février 2022, Moody’s a dégradé la note du Ghana de B3 à Caa1, soit au même niveau de risque que le Burkina Faso d’après le putsch. Moody’s estime que les paiements d’intérêts absorberont plus de la moitié des recettes fiscales du Ghana à moyen terme. Standard & Poor’s maintient la note du Ghana à B- avec une perspective stable, fondant sa décision sur les perspectives de croissance, le système public relativement transparent et réactif, et l’annonce mi-janvier du gouvernement de réduction des dépenses publiques de 2022 à hauteur de 20%.
II. Les nouvelles mesures pour assurer le niveau des recettes publiques divisent le Parlement et le budget 2022 prévoit un déficit fiscal qui demeure important
Le budget prévoit de nouvelles mesures pour augmenter le niveau des recettes publiques, dont la création de la taxe E-Levy, l’amélioration du potentiel fiscal par la digitalisation et le projet de loi sur les exemptions fiscales. La nouvelle taxe sur les paiements par voie télématique « mobile money »[1], dite E-Levy, qui doit représenter 6% des recettes fiscales totales en 2022, a cristallisé les tensions politiques et n’a été votée par le Parlement que fin mars. Cette mesure est une taxe de 1,5% sur toutes les transactions électroniques de plus de 100 GHS – environ 14 EUR – y compris les paiements par mobile money. Le but de cette taxe est d’élargir la base fiscale en agissant notamment sur le secteur informel (quasiment 90% de l’emploi national). Le parti d’opposition au Parlement NDC y était farouchement opposé, arguant que cette taxe affecterait les ménages les plus modestes et provoquerait des stratégies d’évitement de paiement par Mobile money, ce qui réduirait l’assiette estimée de la taxe. Une multiplicité d’améliorations seront lancées pour augmenter la mobilisation du potentiel fiscal, parmi lesquelles une assistance aux collectivités locales dans la création de plateformes digitales communes pour améliorer la perception des impôts locaux, le renforcement de la gestion des données et l’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale. La loi de réduction du nombre d’exonérations (Exemption Bill) dont bénéficient certains secteurs (y compris miniers) devrait être adoptée en 2022.
La progression des dépenses (+25%) à 135,6MdsGHC (20,4Mds€) en 2022 contre 107,9MdsGHC (16,3Mds€) en 2021 intègre une prévision d’inflation élevée. Les recettes devraient progresser de 43% pour s’établir à 100,5 Mds GHC (15Mds€) contre 70,3Mds de GHC (10,6Mds €) en 2021, grâce à la réalisation d’objectifs en matière fiscale. Le déficit fiscal (non couverture des dépenses par des recettes fiscales) à 12,1% du PIB fin 2021, devrait s’établir à 7,4% en 2022 y compris les charges liées au secteur de l’énergie (coûts des contrats « take or pay » avec les producteurs indépendants d’électricité) et à la réforme du secteur bancaire. La part du paiement des intérêts dans le budget est croissante : elle représente 28% des dépenses budgétaires pour 2022 à 37,45 Mds GHC (5,6 Mds EUR), soit une progression de 15% par rapport à 2021. La fermeture de facto des marchés internationaux va accentuer la pression sur les finances publiques ghanéennes. Le gouvernement devra se reposer sur son marché financier intérieur pour combler un déficit prévu à 5,9 Mds USD.
III. Malgré les mesures prises par la Banque du Ghana, le cédi se déprécie sur les marchés internationaux, alimentant d’autant l’inflation croissante
En 2022, le Ghana cédi continue sa dépréciation face au dollar, à la livre sterling et à l’euro. En 2020, la faiblesse du dollar et les interventions de la Banque du Ghana ont permis de contenir la dépréciation du cédi face au dollar – dépréciation de 3,1% du cédi face au dollar en 2020 contre 14,8% en 2019. En 2021, le maintien des réserves de change à un niveau confortable – permis par l’attribution de 1 Md USD de droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI et par la levée de 3,5 Mds USD sur les marchés internationaux – permet de contenir la dépréciation du cédi. Cependant, depuis le début de l’année 2022, le GHS s’est déprécié de 15,6% face au dollar et de 13,4% et 13,3% respectivement face à la livre et à l’euro.
L’inflation dépasse la cible de la Banque centrale du Ghana – entre 6 et 10% – depuis septembre 2021, ayant atteint un pic de 19,4% en mars 2022. De plus, le prix de l’essence à la pompe, fragilisé par la dépréciation du cedi et par la guerre en Ukraine, a augmenté de 59,7% entre janvier et mars 2022 pour atteindre 10,7 GHS le litre. A ce titre, fin mars, la Banque du Ghana a porté son taux directeur de 14,5 à 17% afin de lutter contre l’inflation et de soutenir le cédi qui dévisse vis-à-vis du dollar. En même temps, la Banque du Ghana a amendé deux autres mesures de stimulation de l’économie, potentiellement inflationnistes (abaissement du taux de réserve bancaire imposé aux banques en garantie des prêts qu’elles consentent et du taux de capital minimum exclu des prêts qui leur est imposé), même si l’aversion au risque des banques commerciales ghanéenne est déjà assez élevé (elles prêtent à un taux de 20% en moyenne).
IV. Les perspectives de croissance sont dynamiques mais conditionnées par la résilience de l’économie ghanéenne aux chocs macroéconomiques
Les perspectives de croissance sont positives mais conditionnées d’une part par la tenue des marchés internationaux du pétrole, de l’or et du cacao et d’autre part par la résilience de l’économie ghanéenne. En 2022, la croissance est prévue à 5,8% par le gouvernement ghanéen et à 5,2% par le FMI. Le rebond de croissance s’est matérialisé pour 2021 à plus de 4,5% – soit proche de la cible des 5% de croissance. Ces niveaux témoignent d’une reprise économique post-Covid dynamique. L’hypothèse ghanéenne d’une croissance estimée à 5,8% pour l’année 2022 est notamment conditionnée à la tenue des marchés internationaux du pétrole, de l’or et du cacao qui représentent à eux trois près de 80% des exportations du pays.
Le Ghana ayant perdu l’accès aux marchés internationaux, le cédi risque d’autant plus d’être sous pression en 2022. Ses réserves internationales brutes sont à un niveau jugé satisfaisant – 9,7 Mds USD, soit 4,4 mois d’importations. Il faudra donc circonvenir les potentielles sorties de capitaux du pays, qui pourraient mettre sous pression les réserves de change et la monnaie ghanéenne – d’autant que la part de la dette commerciale au sein de la dette externe est supérieure à 51%, exposant le Ghana à d’importants risques de change dans un contexte de fragilité du cedi. Néanmoins, l’assainissement du secteur bancaire ghanéen en 2017-2019 avec l’augmentation des ratios de fonds propres requis et l’adoption d’un nouveau cadre de surveillance par la Banque centrale du Ghana a permis de renforcer la stabilité financière et de rendre les banques locales plus résilientes aux chocs macroéconomiques. Le secteur reste néanmoins peu développé : le crédit au secteur privé augmente lentement et ne représente que 10,6% du PIB en décembre 2021 – et le niveau de créances douteuses a augmenté pendant la crise pour s’établir à quasiment 17% en 2021.