Conjoncture économique du Ghana

 

Le 15 janvier 2024 

GHANA – Conjoncture économique

 

Le Ghana fait face depuis l’été 2022 à une crise majeure de sa dette qui a conduit le FMI à intervenir pour un 17ème plan de soutien de 3 milliards de dollars approuvé en mai 2023.

Dans le prolongement de la crise du COVID et subissant les conséquences de la crise ukrainienne, l’économie ghanéenne a vu l’ensemble de ses indicateurs macroéconomiques fortement se dégrader en 2022. L’inflation a dépassé les 54% en année glissante en décembre 2022, obligeant la Banque du Ghana à élever son taux directeur jusqu’à 30%, fermant l’accès aux crédits. Dans le même temps, Le Cedi ghanéen a perdu près de 30% de sa valeur face au dollar en 2022 provoquant un épuisement des réserves en devises du pays. La croissance économique projetée à 5,8% en 2022 s’est fortement ralentie à environ 3%, tarissant des recettes fiscales déjà faibles. L’endettement excessif du pays est rapidement devenu insoutenable conduisant celui-ci à faire défaut sur ses dettes domestique, bilatérale et privée et provoquant l’intervention du FMI, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.

En 2023, la situation macro-économique est en voie de stabilisation mais le pays demeure dans l’impossibilité d’emprunter sur le marché des capitaux jusqu’en 2026, date de fin du programme FMI.

 

I. 2023, une année de stabilisation macroéconomique pour le Ghana 

 

La dégradation des finances publiques, l'insoutenabilité de la dette, la dépréciation de sa monnaie et l’inflation galopante avait conduit le Ghana à faire appel au FMI en juillet 2022. Une facilité élargie de crédit (ECF) de 3 milliards USD sur trois ans lui a été accordée en mai 2023 assorti d’un programme rigoureux dont les finalités sont (i) de rétablir les comptes publics (ii) de restaurer la viabilité de la dette à moyen-terme (iii) d’engager le pays vers des réformes structurelles majeures. Un premier versement de l’ECF à hauteur de 600 M USD, représentant 20% du montant total, a été effectué en mai. Un deuxième paiement équivalent prévu pour le mois de novembre 2023 devrait être versé au début 2024. Les sommes restantes devraient être versées en cinq tranches de 360 M USD à l’issue d’examens semestriels sur la base d’objectifs et de critères de performances quantitatifs et qualitatifs. L’année 2023 a été consacrée à la mise en œuvre du programme soutenu par le FMI.

Le Ghana a adopté une approche à deux volets concernant la restructuration de sa dette, avec un plan d’échange de dette domestique (47% de la dette publique) au niveau local achevé en septembre 2023 (DDEP) et une suspension du paiement du service de la dette externe (53% de la dette publique), dont les Eurobonds, les prêts commerciaux et les prêts bilatéraux en parallèle des négociations au sein du Cadre commun du G20 animé par le Club de Paris. Ces négociations devraient aboutir au cours du premier trimestre 2024 à la restructuration complète de la dette externe du Ghana, lui permettant de sortir définitivement d’un risque systémique financier et bancaire avéré.

S’agissant de la restauration des comptes publics, elle se traduit principalement par une mobilisation accrue de recettes fiscales assortie d’une rationalisation de la dépense publique, préservant néanmoins les ménages vulnérables, notamment en renforçant la sécurité sociale, l’éducation et le système de santé.

Sur le volet fiscal, les différentes mesures mises en œuvre visent à générer 1% du PIB de recettes supplémentaires en 2023, avec pour objectif d’atteindre une augmentation de 3,4 points du ratio recettes/PIB d’ici 2026. Le ratio recettes fiscales/PIB du Ghana resterait toutefois à 15,7% en 2023 d’après le FMI, en-dessous de la moyenne régionale (18-20 %).

Sur le volet des réformes structurelles, notamment dans les secteurs déficitaires de l’énergie et du cacao et de la gouvernance des dépenses publiques, le gouvernement a élaboré des plans stratégiques qu’il convient désormais de mettre en œuvre et surtout de suivre dans la durée.

 

Selon le Budget 2024 tout récemment voté, le déficit budgétaire devrait s’établir à 4,8% en 2024 (-5% selon le FMI), contre 7,5% en 2023. A moyen terme, le Gouvernement prévoit d'atteindre un déficit budgétaire inférieur à 3% du PIB d'ici 2027 (3,1 % d’après les estimations du FMI), ce qui serait conforme au critère de convergence de la CEDEAO. S’agissant du solde primaire, il serait de -0,5 % en 2023 puis prévu à +0.5 % en 2024, en conformité avec les prévisions du FMI. La croissance économique solide à 3,3% pour le premier semestre 2023 devrait se situer à 2,5% sur l’année complète et atteindre 2,8% en 2024. Selon les prévisions du FMI, elle devrait se redresser à moyen terme autour des 5% et retrouver ainsi son niveau d’avant crise.

 

En complément du programme FMI, le Ghana bénéficie de financements multilatéraux autres, en particulier via le Programme d’assainissement des finances publiques et de redressement économique (FISCERP) de la Banque Africaine de Développement avec une subvention de 103 millions de dollars sur deux ans (2023-2024) et du First Resilient Recovery Development Policy Financing Program de la Banque mondiale avec un prêt de 300M USD en 2023 visant à i) restaurer la viabilité budgétaire (ii) soutenir la stabilité du secteur financier et le développement du secteur privé ; (iii) améliorer la discipline financière du secteur énergétique; et (iv) renforcer la résilience sociale et climatique. Au global, sur la durée du programme FMI, l’appui budgétaire de la Banque mondiale sera de 900M USD.

Ces financements (FMI, BM et BAD) sont l’objet de revues de programmes biannuelles des créanciers multilatéraux permettant de les garder sous contrôle, notamment dans la perspective des élections présidentielles de décembre 2024, et d’assurer la continuité des réformes engagées.

 

II. Les potentialités du Ghana demeurent présentes mais il faudra attendre 2026 pour restaurer la stabilité macroéconomique et retrouver la confiance des investisseurs et des créanciers

 

Le Ghana ayant perdu l’accès aux marchés internationaux, la pression demeure forte sur le taux de change du Cédi face au dollar, même si le pays est parvenu à restaurer pour partie ses réserves internationales de devises. L’assainissement du secteur bancaire ghanéen réalisé en 2017-2019 avec l’augmentation des ratios de fonds propres requis et l’adoption d’un nouveau cadre de surveillance par la Banque centrale du Ghana a permis de renforcer la stabilité financière et de rendre les banques locales plus résilientes aux chocs macroéconomiques. La restructuration de la dette domestique en 2023 a ainsi moins affecté le secteur bancaire et assurantiel qu’attendu. Néanmoins, il demeure très aversif au risque, ne finançant le secteur privé qu’à hauteur de 12% du PIB contre une moyenne de 37% en Afrique subsaharienne. De fait, le secteur financier privilégie aujourd’hui l’émission de T-Bills pour reconsolider sa trésorerie. Le niveau d’intermédiation financière du Ghana est donc à considérer comme une faiblesse notoire pour le rétablissement économique du pays. Enfin, le niveau de créances douteuses a augmenté pendant la crise pour s’établir autour de 17%.

Même si l’inflation a fléchi à 23,2% en décembre 2023, le risque de voir la consommation privée ne plus jouer le rôle de moteur de la croissance est élevé.

Sur le plan des affaires, alors que les investissements directs étrangers (IDE) ont atteint un plancher de 2% du PIB contre plus de 10% il y a dix ans, le gouvernement s’est engagé à modifier son code des investissements et à simplifier les procédures d’enregistrement des entreprises. Le Contenu local (Local Content), les seuils d’investissements et une instabilité juridique et fiscale élevée demeurent néanmoins toujours des obstacles dont la levée ou l’assouplissement sont attendus des investisseurs. 

 

L’année 2024 se présente comme une année de consolidation des grands indicateurs macroéconomiques, après une année 2023 meilleure que prévue. Le Ghana semble sortir progressivement de la crise de la dette de 2022.  Les chiffres de l’inflation, la stabilité du taux de change, les facteurs de croissance hors secteur pétrolier et minier seront particulièrement à surveiller en 2024.

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