GHANA
Le secteur agricole ghanéen
Le 16/05/2022
GHANA – Note sur le secteur agricole
Le secteur de l’agriculture au Ghana représente une part importante de l’économie ghanéenne, avec 22% du PIB ghanéen et 29,7% des emplois. L’agriculture ghanéenne se caractérise par de petites exploitations (70 % font moins de 10 ha) faiblement productives et peu mécanisées. Le secteur souffre en outre d’un accès difficile au financement agricole, aux services de vulgarisation et aux unités de transformation. De plus, les terres sont peu irriguées entrainant une forte dépendance à la pluviométrie et aux changements climatiques. La sécurité alimentaire du pays reste un problème récurrent : même si la prévalence de la sous-alimentation est en diminution (environ 12%), elle persiste principalement dans le Nord du pays. Compte tenu du rôle crucial de l'agriculture dans la création d'emplois pour la population croissante du Ghana, le gouvernement s'est engagé dans d'importants efforts de modernisation depuis 2017, au premier rang desquels le programme-cadre Investing for Food and Jobs, qui se concentre sur l'agriculture, la sécurité alimentaire et le développement rural. Cependant, les investissements agricoles publics demeurent faibles et sont majoritairement couverts par les financements des bailleurs internationaux.
I – L’agriculture est un secteur majeur de l’économie ghanéenne mais ne couvre pas les besoins alimentaires du pays
L’agriculture est un secteur prédominant au Ghana mais sa place tend à diminuer. Les emplois agricoles constituent 29,7% des emplois totaux – contre 45,6% en 2013 – et 70,9% des emplois en zone rurale. La population du Ghana connait une croissance démographique importante (+2,26% entre 2020 et 2021, CIA) et s’élève à 32,4 M habitants, avec 42,6% de la population qui est rurale. En termes économiques, le secteur agricole participe à 22% de la croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2021, mais cette part tend à se réduire car il participait à hauteur de 28% en 2010. En 2021, il est le second secteur le plus productif après le secteur des services et enregistre une croissance de 6,3%, alors que le secteur industriel s’est contracté. Le secteur étant très informel, il y a néanmoins peu de données de qualité disponibles.
L’agriculture ghanéenne se caractérise par des petites exploitations – 70% font moins de 10 ha – faiblement mécanisées. Il existe en parallèle des grandes fermes et exploitations industrielles qui pratiquent plutôt la monoculture, principalement d’huile de palme, d’hévéa, de noix de coco et dans une moindre mesure, d’ananas, riz et maïs. Les terres agricoles représentent 12,6 Mha – soit 53% du territoire national – dont 41,3% sont cultivées. Avec seulement 3,18% des terres cultivées qui sont irriguées, le secteur agricole ghanéen dépend fortement des précipitations. Le taux d’utilisation d’engrais du Ghana figure parmi les plus bas d’Afrique subsaharienne.
Ainsi, le principal défi rencontré par l’agriculture ghanéenne est celui de la productivité, la production souffrant du faible niveau de mécanisation et de transformation, de l’insuffisance des installations de traitement et de pertes post-récolte élevées. Par ailleurs, le secteur tente aussi de surmonter des obstacles économiques (difficile accès à une électricité abordable et faible niveau de financement agricole) et environnementaux (principalement liés au changement climatique, comme en témoignent les récentes sécheresses qui ont sévit au Nord). La croissance du secteur sur les dernières années s’explique plus par l’augmentation de la surface cultivée plutôt que par l’augmentation de la productivité.
Les principaux sous-secteurs de l’agriculture ghanéenne sont :
- Les cultures agro-industrielles avec principalement le cacao et l'huile de palme ;
- Les cultures vivrières avec les racines et les tubercules, les céréales (maïs et riz) et les bananes plantains;
- Les cultures fruitières, à la fois commerciales et vivrières, avec l’orange, l’ananas, la mangue, la banane dessert et la noix de cajou. Les exportations de ce sous-secteur sont bien en-dessous des autres acteurs de la région comme la Côte d’Ivoire et le Cameroun ;
- La pêche et l’aquaculture, dont 75% de la production est à destination du marché ghanéen, avec le poisson représentant 60% des protéines animales dans l’alimentation ghanéenne ;
- L’élevage, alors que le cheptel de volailles ghanéennes a fortement augmenté, cela ne permet toujours pas de couvrir la consommation nationale, notamment du fait des coûts très compétitifs des importations en provenance d’Amérique du sud ;
- La forêt.
Le Ghana est un importateur net de denrées alimentaires, les importations de produits agricoles et connexes étant estimées à 1,9 Md USD en 2021. Les importations de produits alimentaires et agricoles continueront de croître, car le secteur de la transformation alimentaire au Ghana est sous-développé et n’est pas en mesure de répondre à la demande croissante. Les importations alimentaires comprennent principalement des produits de base destinés à la consommation tels que le blé, la farine de soja et surtout le riz (60% du riz consommé au Ghana est importé) ainsi que la volaille. En 2021, les principaux fournisseurs de produits agricoles et connexes du Ghana sont la Chine, le Brésil, les Pays-Bas, la Malaisie et le Canada. Les États-Unis, la Turquie, l'Inde, l'Indonésie et la Belgique sont également des fournisseurs importants.
II – Si le gouvernement subventionne et planifie le secteur agricole, les besoins en investissements demeurent importants
Le Ghana d’une politique agricole nationale volontariste et d’une politique régionale peu étendue. La CEDEAO (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) a adopté en 2005 une politique agricole régionale et en 2015, de grands domaines stratégiques ont été définis jusqu’à horizon 2025. Pour faire face aux crises alimentaires, la CEDEAO a mis en place une stratégie régionale de stockage de sécurité alimentaire qui s’appuie sur le stocks de proximité, les stocks nationaux de sécurité et la réserve régionale de sécurité alimentaire gérée par la Commission de la CEDEAO. Au niveau national, une des priorités du gouvernement ghanéen est de moderniser l’agriculture pour pouvoir répondre aux besoins de sa population (12% de la population est en situation d’insécurité alimentaire et 1,8 million de ghanéens sont sous-alimentés, en majorité dans le nord du pays). Cette priorité est au cœur du plan national d’investissement agricole mis en place entre 2018 et 2021 « Investir pour l’alimentation et l’emploi : un agenda pour transformer l’agriculture ghanéenne » (Investing for Food and Job – IFJ). Le IFJ est conçu pour fournir des investissements publics structurés et faciliter les investissements privés dans :
- Le développement d'infrastructures de modernisation du système agroalimentaire ;
- La mise en place de systèmes intégrés dans les secteurs public et privé ;
- La distribution directe, notamment d’engrais et de semences subventionnés à hauteur de 50%, aux agriculteurs, aux entreprises agroalimentaires et aux autres acteurs de la chaîne de valeur.
Le gouvernement ghanéen avait prévu d’investir au moins 10% du budget national dans l’agriculture (conformément à la déclaration de Maputo), entrainant un taux de croissance annuel d’au moins 6% dans le secteur et sur la période d’application du plan. L’objectif était également de s’affranchir des bailleurs internationaux dans le cadre du programme « Ghana au-delà de l’aide » (Ghana Beyond Aid).Or, les dépenses de l’Etat dans le secteur agricole et agroalimentaire sont estimées à environ 2% du budget de l’Etat et les investissements internationaux sont majoritaires dans le secteur. Les besoins de financement sont importants et le gouvernement ghanéen dispose de très peu de marge de manœuvre budgétaire pour financer les projets d’envergure du Ghana Beyond Aid. L’écart entre le narratif et la réalité demeure important : le budget agricole du Ghana dépend de l’aide publique au développement à hauteur de 17% en 2020, contre 3% pour celui de la Côte d’Ivoire. Par ailleurs, les dépenses en recherche et développement sont inférieures à la cible de l’UA de 1% du PIB agricole, le Ghana se situant à 0,7%[1].
III – L’amélioration de la productivité de l’agriculture peut passer par le développement des agro-industries ainsi que par des stratégies d’adaptation et d’atténuation face au changement climatique
Les agro-industries pourraient décupler la valeur ajoutée des denrées produites. La classe moyenne qui émerge au Ghana offre des débouchés pour les entreprises de l’agro-industrie, qui se cumulent aux possibilités d’exportations dans la sous-région. De cette façon de nombreuses entreprises étrangères se sont installées au Ghana (Nestlé, Cadbury, Unilever ou Guinness). Danone est présent au Ghana grâce à ses parts dans Fan Milk, une PME active dans la transformation des produits laitiers (Accra est le centre de décision pour l’Afrique de l’Ouest de Danone). Le développement de l’agro-industrie, dont la valeur ajoutée est plus importante, permettra la création d’emplois dans les zones rurales. Le programme 1District1Factory (1D1F) peut participer à développer l’agro-industrie, certaines usines ayant déjà ouvert dans ce secteur. D’après le centre de promotion des investissements au Ghana (GIPC), le secteur agricole offre d’importantes possibilités d’investissement dans les technologies agricoles telles que la culture en serre, la logistique et la fourniture d’infrastructures, les systèmes d’irrigation, la transformation de produits agricoles et la transformation.
Le secteur de l’agriculture au Ghana est particulièrement exposé au changement climatique. L’amplitude accrue des phénomènes climatiques et la baisse généralisée de la pluviométrie, de plus en plus irrégulière, affecte négativement la production du secteur agricole ghanéen[2]. Le nord du pays est particulièrement exposé en raison de son climat sec et serait plus sujet à des chocs négatifs de production. De plus, le pays devra utiliser les engrais et pesticides de façon efficiente pour ne pas porter atteinte à la biodiversité et à la fertilité des terres, déjà largement affectées par l’érosion et par une perte en nutriments. Seules 0,04% des terres agricoles sont exploitées de façon durable selon la commission de l’Union Africaine[3].
La situation face au changement climatique ne cesse de se dégrader malgré les engagements du Ghana. Signataire de l’Accord de Paris, le Ghana a mis en place en février 2018 la première phase du Green Climate Fund Readiness Program, afin de respecter ses engagements dans ce cadre grâce à un financement de 1 M USD du PNUD. En septembre 2021, le Ghana a actualisé sa contribution déterminée au niveau national (NDC) 2020-2030 avec 47 programmes d’action d’adaptation et d’atténuation du changement climatique. Or, d’après une étude de Mighty Earth en 2022, le Ghana aurait perdu 4% de sa surface forestière uniquement depuis 2019, en grande partie pour céder la place aux exploitations de cacao. Cette destruction ne cesse de s’accélérer, puisque cette perte était 370% plus élevée à l’échelle nationale sur la période 2019-2021 que sur la période 2001-2010. Il s’agit notamment de la déforestation dans des zones dites protégées qui constituent des habitats vitaux pour la faune sauvage menacée. Ces forêts sont également des puits de carbone indispensables pour freiner la crise climatique et la perte de biodiversité.
Le secteur agricole ghanéen doit particulièrement faire face aux défis suivants :
- Manque de productivité ;
- Changement climatique ;
- Hausse des prix des matières premières et des intrants du fait de la guerre en Ukraine : alors que le prix du sac d’engrais de 25 kg subventionné était de 53 GHC en 2021, il coûte en mars 2022 160 GHS et devrait augmenter car le Ghana importait majoritairement ses intrants d’Ukraine et de Russie ;
- Gestion foncière : insécurité juridique sur la propriété des terrains qui décourage les investissements, notamment pour les grandes exploitations. De plus, les étrangers ne peuvent pas accéder à la propriété de terres agricoles.
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L’amélioration de la productivité de l’agriculture au Ghana doit permettre au pays de se développer. Ce développement sera l’un des premiers moyens de diminuer la pauvreté dans le pays et permettra la création d’emplois.
Le secteur devient un enjeu politique important en raison du million d’exploitant de cacao très attentifs aux tarifs pratiqués par le COCOBOD et du poids des électeurs ruraux. Ce secteur est un moteur pour la croissance du pays et une des sources de devises via l’exportation de cacao.
Enfin, la mise en place de la ZLECAf risque de pénaliser l’agriculture ghanéenne en l’exposant à la concurrence de ses voisins dont la productivité est plus importante. La libéralisation de 90% des biens d’ici 10 ans obligera le Ghana à ouvrir le secteur agricole à la concurrence. Si les politiques agricoles ne sont pas révisées et en l’absence d’une amélioration de la productivité du secteur, le secteur risque donc de faire partie des perdants de cette politique de libéralisation régionale.
Annexe 1 : le secteur du cacao au Ghana
Le Ghana est le deuxième producteur de fèves de cacao au monde après la Côte d’Ivoire : ces deux pays représentent près de 70% de l’approvisionnement mondial. Le cacao est le premier poste agricole du Ghana et le troisième poste de ses exportations (après l’or et le pétrole brut). Il compte pour 7% du PIB ghanéen et 20% de la production agricole. La majeure partie de la production de cacao est réalisée par plus d’un million de producteurs sur des parcelles de moins de cinq hectares, tandis qu’un quart des producteurs de cacao reçoit un peu plus de la moitié du revenu total du cacao.
Réputé pour la qualité de ses fèves séchées au soleil, le cacao ghanéen bénéficie d’un premium significatif sur les marchés internationaux des matières premières. Le secteur du cacao est aux mains de petits planteurs qui se voient garantir un prix d’achat par le Ghana Cocoa Board (COCOBOD), qui est le seul organisme public habilité à vendre le cacao ghanéen sur les marchés internationaux : le marché interne est libéralisé pour la collecte de cacao et le marché externe centralisé.
Or, ce système de subvention n’est pas soutenable financièrement, puisque les prix fixés par le COCOBOD ne reflètent pas la baisse des prix mondiaux du cacao. Ainsi, pour la campagne 2021-2022, le Ghana est le pays de la sous-région ayant les prix de fèves les plus élevés. Le Ghana justifie ce maintien des prix par un engagement du gouvernement à défendre les intérêts des producteurs de cacao : cela comprend le différentiel de revenu décent de 400 USD par tonne imposé aux opérateurs et la mise en place d’un régime de pension pour les producteurs de cacao à partir de la saison prochaine. La Côte d’Ivoire a pour sa part pris acte des prix mondiaux : les deux pays, qui avaient réussi à se concerter sur leurs politiques de prix en 2020-2021, ont du mal à tenir une ligne commune.
Pour rappel, le Ghana et la Côte d’Ivoire avaient tenté de se cartelliser afin d’augmenter le cours du cacao : ils avaient suspendu leurs ventes en juin pour la saison 2020-2021 afin d’atteindre un prix plancher de 2600 USD. Ils avaient ensuite annoncé l’adoption d’un nouveau mécanisme de rémunération des agriculteurs qui garantirait un revenu d’au moins 400 USD/tonne. Ce rapprochement n’a toutefois pas abouti sur une organisation ni sur un mécanisme de fixation des prix clairement déterminé.
Plusieurs entreprises multinationales ont implanté des usines de transformation localement, telles que Cargill, Barry Callebaut Plot Ghana (racheté par ADM-OLAM), Niche et le français Touton. La quasi-totalité du cacao transformé est exportée.
Annexe 2 : Projets en cours de l’AFD au Ghana dans le secteur de l’agriculture
Projet national :
- Agricultural Water Management Project ;
Projets régionaux ONG :
- Econobio – mis en œuvre par Noé et ses partenaires ;
- Projet d’appui à la mobilité du bétail pour un meilleur accès aux ressources et aux marchés (PAMOBARMA) – mis en œuvre par Acting for Life et ses partenaires ;
- Equité II – mise en œuvre par AVSF et ses partenaires ;
Autres projets régionaux :
- Lutte contre la mouche des fruits ;
- Projet d’appui au stockage de sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.